MARSEILLE: Le mouvement de protestation des policiers, parti de Marseille après l'incarcération d'un de leurs collègues, s'est poursuivi et propagé mardi, assurent les syndicats, même si les conséquences concrètes et l'ampleur précise de la mobilisation restent difficiles à évaluer.
Tout est parti de la mise en examen et du placement en détention provisoire en fin de semaine dernière d'un policier d'une brigade anticriminalité (BAC) de Marseille, soupçonné d'avoir roué de coups un jeune homme lors des émeutes urbaines qui ont suivi la mort de Nahel à Nanterre.
"On a eu quelques arrêts maladie de fonctionnaires d'abord, effectivement d'unités de voie publique, puis il y a eu un effet de contagion très, très rapide", a affirmé mardi à l'AFP Eddy Sid, délégué Unité SGP Police-Force ouvrière.
"Aujourd'hui, ça concerne l'intégralité de Marseille", poursuit-il. Et "depuis deux jours, ça s'est diffusé dans le Vaucluse, les Alpes-Maritimes, le Gard ou le Var", affirme de son côté Bruno Bartoccetti, en charge de la zone Sud chez Unité SGP Police FO, évoquant "300 à 500 arrêts maladie" mardi dans les Bouches-du-Rhône, où les effectifs de la sécurité publique sont d'environ 4.200 fonctionnaires.
En région parisienne, Unité SGP Police FO, qui avait appelé les fonctionnaires à se mettre en service minimum, recensait à la mi-journée mardi plus de 120 unités impactées, surtout de la voie publique. A Nice, le fonctionnement de deux commissariats sur quatre était aussi perturbé mardi, selon la direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes.
"C’est difficile d’avoir des chiffres, je peux juste dire qu’il y en a énormément", explique de son côté Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance Police Nationale, majoritaire, évoquant les arrêts maladie de ses collègues.
«Malaise policier»
Outre ces arrêts, les policiers mobilisés ont aussi recours au "code 562", terme qui signifie qu'ils n'assument plus que les missions d'urgence et essentielles.
Les arrêts maladie "sont difficilement quantifiables parce que c'est un mouvement qui est hors de tout cadre syndical", reconnaît Eddy Sid.
L'évaluation du phénomène est d'autant plus difficile que les autorités se refusent à toute communication sur l'ampleur du mouvement. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en particulier, ne s'est pas exprimé depuis le début de la crise.
Concrètement, selon Eddy Sid, il y a une "priorisation de certaines missions" avec l'objectif de maintenir ouverts "le plus grand nombre de commissariats" notamment pour les dépôts de plainte. Et "mes collègues ne sortiront que lorsqu'il y aura un appel 17, lorsqu'ils seront requis par une victime demandant effectivement à l'aide", ajoute-t-il.
Pour cet enquêteur de la police judiciaire à Marseille, soutien du mouvement et qui a requis l'anonymat, cette protestation "n'est pas un bras de fer avec la justice" mais "une expression du malaise policier".
"On a du mal à comprendre cette récente évolution qui voit deux policiers en détention provisoire (le policier marseillais, et celui qui a tué Nahel à Nanterre fin juin, ndlr) suite à ces enquêtes, quand d'un autre côté on a tous vu des auteurs de braquages ou de meurtre se retrouver placés sous contrôle judiciaire", poursuit-il.
Le mouvement a reçu en début de semaine le soutien du patron de la police nationale, Frédéric Veaux, qui a estimé dans un entretien relu par le cabinet du ministre de l'Intérieur, mais pas directement par Gérald Darmanin, qu'"avant un éventuel procès, un policier n'(avait) pas sa place en prison", suscitant l'indignation des magistrats et d'une partie de la classe politique.
Lundi, Emmanuel Macron s'était refusé à commenter les propos de Frédéric Veaux, se bornant à rappeler que "nul en République n'est au-dessus de la loi".
Mardi, niant toute divergence sur le sujet avec le président de la République ou son ministre de l'Intérieur, la Première ministre Elisabeth Borne a insisté sur "la nécessité que la justice puisse faire son travail sereinement".
Le directeur général de la police nationale (DGPN) a voulu "marquer son soutien pour apaiser la colère des policiers et qu'ils se remettent au travail vu les prochaines échéances de la coupe du monde de Rugby en France et des JO", analyse de son côté l'enquêteur de la PJ. Et pour lui, il manque une "réelle volonté politique" face à un malaise policier récurrent depuis des années.