SOULEIMANIYEH: Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté dimanche au Kurdistan d'Irak en soutien à un journaliste détenu depuis plusieurs années et qui vient d'être condamné à nouvelle peine de quatre ans de prison peu avant sa potentielle libération.
Sherwan Sherwani, ex-rédacteur en chef du mensuel Bashur -- connu pour ses enquêtes sur la corruption dans la région autonome du nord irakien -- avait été appréhendé à l'automne 2020 et condamné l'année suivante pour "espionnage" et "incitation à manifester et à déstabiliser la région".
Grâce à une réduction de peine par décret présidentiel, il devait toutefois sortir de prison en septembre, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
Mais jeudi, le journaliste a été condamné à quatre ans de prison pour "falsification", en lien avec une pétition préparée avec des co-détenus, selon des informations du CPJ qui a réclamé jeudi sa libération dans un communiqué.
M. Sherwani est accusé d'avoir falsifié la signature d'un co-détenu, qui a pourtant témoigné lors d'une audience en disant avoir donné son accord pour qu'il signe en son nom, a indiqué son avocat Ramazan Artisi. "Le verdict est injuste", a dit l'avocat à l'AFP, précisant qu'il allait faire appel.
Dimanche à Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan, environ 300 personnes --des militants de la société civile et des journalistes-- se sont rassemblés dans un parc public, brandissant des photos de M. Sherwani et d'autres camarades emprisonnés, a constaté un correspondant de l'AFP.
Pas de justice indépendante
"Je ne courbe pas l'échine", était-il écrit sur certains portraits.
"La seconde condamnation de Sherwan Sherwani montre qu'il n'y a pas de justice indépendante au Kurdistan, il y a clairement des influences du pouvoir politique", fustige la militante Samale Rahim.
Le Kurdistan irakien se présente comme une oasis de stabilité, mais militants et opposition y dénoncent, entre autres maux, la corruption omniprésente et des arrestations arbitraires.
D'après le CPJ, M. Sherwani couvrait des sujets en lien avec "les droits de l'Homme, la corruption" mais aussi "les frappes aériennes de la Turquie dans le nord de l'Irak".
Samedi, une ONG locale a estimé qu'il n'avait pas bénéficié d'un "procès équitable". "Les avocats de la défense n'ont pas été autorisés à consulter les pièces (du dossier) avant le début du procès", a déploré l'organisation Community Peacemaker Teams -Iraqi Kurdistan.
Dimanche, une instance gouvernementale du Kurdistan a passé en revue les procédures du procès, assurant dans un communiqué que "les procurations entre condamnés, la collecte d'empreintes ou les signatures par procuration étaient contraires à la loi".