PARIS : Avec la ressortie en salles mercredi de «Persepolis», la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi fait le lien avec la récente vague de contestation dans son pays d'origine et salue la «culture de la démocratie» de la jeune génération iranienne.
Celle qui préfère «parler peu pour parler au moment opportun» se dit aujourd'hui pleine d'espoir pour son pays natal, où un mouvement de contestation -- réprimé par les autorités -- a suivi la mort, en septembre 2022, de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne détenue par la police des moeurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict imposé aux femmes.
Marjane Satrapi note une différence dans la réaction de la population par rapport à sa génération et à celle de ses parents, qui ont vécu «tous les traumatismes (...) de la révolution et de la guerre».
Régulièrement en contact avec la jeunesse iranienne, elle estime que «la démocratie, c'est avant tout une culture. Une culture que ma génération n'avait pas. Une culture qu'eux ont, notamment parce qu'ils ont grandi avec Internet, qu'ils ont eu accès à un échange avec le monde entier, avec des gens de leur âge, avec des préoccupation du monde actuel».
Avec «Persepolis», adapté d'une bande-dessinée et Prix du jury au Festival de Cannes en 2007, Marjane Satrapi raconte son histoire personnelle et montre la répression sous le régime du Chah, ainsi que les arrestations et exécutions ayant suivi la Révolution islamique menée par l'ayatollah Khomeiny. Tout juste adolescente, elle est contrainte de s'exiler, seule, en Autriche puis en France.
Il faudra néanmoins du temps, prévient-elle. «En dix mois, un régime qui a été installé depuis 44 ans ne tombe pas comme ça, surtout quand il est violent. Mais ça va arriver, j'en suis absolument convaincue», soutient la cinéaste.
- Film sur l'Iran ? -
Presque 30 ans après avoir quitté son pays d'origine, Marjane Satrapi explique avoir aujourd'hui en elle des choses «très françaises» et «très iraniennes», qu'elle sait mieux concilier «avec le temps».
Elle dit avoir trouvé sa «méthode»: «Je suis absolument contre le communautarisme, je déteste ça. En tout et pour tout, j'ai deux copains iraniens».
La réalisatrice refuse de se plaindre. «J'habite Paris, je peux faire tout ce que j'ai envie de faire. (...) La plainte, dans ces conditions-là, je trouve ça très indécent», souligne-t-elle.
Aimerait-elle faire un film sur son pays d'origine ? Marjane Satrapi ne l'exclut pas, mais pas dans l'immédiat. «Les choses ont besoin d'un temps pour qu'on les digère», avance-t-elle, donnant l'exemple d'une première ébauche jamais publiée de «Persepolis», qu'elle pensait «géniale».
En la relisant quelques mois plus tard, elle s'est rendue compte qu'elle était «remplie de haine, de colère». «J'étais exactement comme les personnes que je dénonce sauf que, dans ma tête, j'étais du bon côté. Ma rhétorique, ma façon de penser, ce qui me motivait, c'était la haine et la haine n'est jamais un bon moteur», insiste-t-elle.