PARIS: Les départs de ministres issus de la société civile comme Pap Ndiaye ou François Braun, lors du remaniement de jeudi, actent "la fin du gouvernement des experts" instauré par Emmanuel Macron dès 2017, analyse auprès de l'AFP Frédéric Dabi, directeur général opinion de l'Ifop.
Le remaniement a-t-il marqué la fin de la présence de ministres issus de la société civile au sein du gouvernement ?
"C'est une page qui se tourne avec les départs de Pap Ndiaye à l'Education, de François Braun à la Santé, d'Isabelle Rome à l'Egalité entre les femmes et les hommes et de Jean-Christophe Combe aux Solidarités. On peut dire que c'est la fin de ce que l'on a appelé le "gouvernement des experts". C'était une sorte de mantra du macronisme dès 2017. Face à des Français déçus par les gouvernements extrêmement politiques de Nicolas Sarkozy et François Hollande, l'idée consistait à nommer des experts au sein de l'exécutif. D'autant plus que le banc de touche du macronisme était faible en termes de personnalités politiques très fortes. Cette vision est restée tout au long du premier quinquennat et elle a été maintenue après 2022. Mais avec les départs d'hier (jeudi), on revient à des gouvernements plus politiques. C'est la principale caractéristique de ce remaniement qui n'a pas intéressé les Français."
Les ministres issus de la société civile ont-ils échoué ?
"On a vu très rapidement les limites de ce type de ministre et de personnalité. Ce sont certes des experts, mais ils sont trop peu connus. Ils n'incarnaient pas leur sujet auprès des Français. L'action, c'est important. Les gens veulent effectivement des résultats, mais ils exigent aussi une incarnation. En 2017, par exemple, Jean-Michel Blanquer a réussi au début à imprimer à l'Education. Il y a très peu de ministres issus de la société civile à y être parvenus. Clairement, on revient maintenant à un gouvernement plus politique dont le symbole est Gabriel Attal. Avec son volontarisme, son dynamisme et son habileté politique, il aura plus de facilité à être visible comme ministre de l'Education que Pap Ndiaye. Dans un contexte de second mandat compliqué où il faut imprimer, et où la bataille de 2027 s'annonce, il faut des ministres au poids politique fort, qui connaissent le jeu politique. Force est de constater que dans ce contexte, les ministres issus de la société civile ont du mal à convaincre."
Des personnalités issues de la société civile pourraient-elles faire leur retour plus tard au sein de l'exécutif
"Personne ne peut le dire. Prenez l'exemple d'Aurélien Rousseau, le nouveau ministre de la Santé. Il a été patron de l'Agence régionale de la santé (ARS) d'Ile-de-France et il a donc une dimension non pas de société civile, mais d'expert. Personnellement, je n'imagine absolument pas un retour en arrière. L'Histoire ne repasse pas les plats. On a maintenant un gouvernement qui va être de plus en plus politique dans la perspective des élections intermédiaires et surtout celle de 2027. Ce n'est peut-être pas fini, mais on ne reviendra pas à la symbolique de 2017 ou de 2022."