Soudan: le nouvel exil des réfugiés érythréens en Ethiopie

Les réfugiés éthiopiens qui ont fui le conflit du Tigré arrivent en bus depuis le centre de transit du Village Eight, près de la frontière éthiopienne, à l'entrée du camp de réfugiés d'Um Raquba, dans l'État de Gedaref, à l'est du Soudan, le 11 décembre 2020.  (Yasuyoshi CHIBA / AFP)
Les réfugiés éthiopiens qui ont fui le conflit du Tigré arrivent en bus depuis le centre de transit du Village Eight, près de la frontière éthiopienne, à l'entrée du camp de réfugiés d'Um Raquba, dans l'État de Gedaref, à l'est du Soudan, le 11 décembre 2020. (Yasuyoshi CHIBA / AFP)
Short Url
Publié le Samedi 12 décembre 2020

Soudan: le nouvel exil des réfugiés érythréens en Ethiopie

  • Ils pensaient avoir trouvé la paix au Tigré après avoir fui l’Erythrée pour échapper à la conscription obligatoire et au régime autoritaire d'Asmara mais la guerre en Ethiopie les a rattrapés.
  • Ennemis d'hier, Addis Abeba et Asmara ont signé la paix en 2018, lorsque Abiy Ahmed a écarté du pouvoir le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), honni aussi par le président érythréen, Issaias Afeworki.

Ils pensaient avoir trouvé la paix au Tigré après avoir fui l’Erythrée pour échapper à la conscription obligatoire et au régime autoritaire d'Asmara mais la guerre en Ethiopie les a rattrapés.

Ces quelques dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont emprunté les mêmes routes poussiéreuses que leurs compagnons d'infortune éthiopiens pour gagner le Soudan lorsque le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a lancé début novembre son opération meurtrière contre le parti au pouvoir dans la région dissidente du Tigré.

Ennemis d'hier, Addis Abeba et Asmara ont signé la paix en 2018, lorsque Abiy Ahmed a écarté du pouvoir le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), honni aussi par le président érythréen, Issaias Afeworki.

Or l'offensive lancée début novembre a balayé le sentiment de protection que ressentaient au Tigré les 96.000 réfugiés érythréens.

Une équipe de l'AFP a interviewé plusieurs d'entre eux hébergés dans le centre de transit de Hamdayit, à la frontière orientale du Soudan.

Kheder Adam, 30 ans, habitait depuis deux ans dans un camp de réfugiés de la région de Shiraro, près de la frontière érythréenne quand, dans le chaos de l'offensive, il a perdu la trace de sa femme et de ses deux jeunes enfants.

"Des soldats ont fait irruption dans notre camp et ont commencé à tirer sur tout le monde, femmes, hommes enfants", affirme-t-il. 

"Certains soldats étaient des Erythréens, d'autres étaient des soldats fédéraux (éthiopiens)", assure-t-il.

Les Etats-Unis ont jugé "crédibles" les informations sur la présence de troupes érythréennes au Tigré, a déclaré vendredi à l'AFP un porte-parole du département d'Etat américain.

"Nous exhortons de telles troupes à se retirer immédiatement", a-t-il ajouté.

L'ambassadeur éthiopien aux Etats-Unis, Fitsum Arega, a dénoncé un "mensonge" sur son compte Twitter.

"Là-bas, j'étais un réfugié, et ici je le suis à nouveau. C'est vraiment dur", dit M. Adam qui explique avoir fui son pays à cause de la conscription illimitée pour hommes et femmes.

"En sécurité" au Soudan 

Depuis le début de la guerre avec l’Éthiopie en 1998, le service national en Erythrée, initialement de 18 mois, a été prolongé indéfiniment, malgré la fin du conflit.

Le directeur soudanais du camp, Yaaqoub Mohammad, assure que les Erythréens et les Soudanais sont "en sécurité" au Soudan, mais s'inquiète pour ceux restés au Tigré, après les récits des réfugiés faisant état d'une "attaque" contre le camp de Shiraro.

Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a aussi fait part de sa préoccupation concernant les quelque 96.000 réfugiés érythréens encore en Éthiopie.

"Les camps doivent être à court de vivres et il existe un réel danger de faim et de malnutrition", indiquait-il dans un communiqué début décembre.

"Nous sommes également alarmés par les informations non confirmées faisant état d'attaques, d'enlèvements et de recrutement forcé dans les camps de réfugiés", assure cette organisation onusienne.

Avant le conflit, le HCR et d'autres organisations humanitaires pouvaient répondre aux besoins des réfugiés érythréens dans les camps. Mais la plupart de ses membres ont été évacués par mesure de sécurité.

"Imaginez, vous êtes un réfugié dans un pays et un conflit y éclate, vous vous trouvez confrontés à un double problème", explique à l'AFP le principal coordinateur d'urgence du HCR chargé de cette crise, Andrew Mbogori.

"J'imagine donc que les réfugiés (érythréens) qui se trouvent en Éthiopie rencontrent maintenant beaucoup de difficultés", ajoute-t-il.

Assis sur un banc sous le soleil ardent, Shishay Yacoubay, 46 ans, avec une barbiche courte, dit être arrivé à Hamdayit quelques jours après le déclenchement de l'offensive.

Comme M. Adam, il n'a aucune information sur le sort de sa femme et ses quatre enfants, mais il pense qu'ils sont restés peut-être au camp de Hitsas, près de Shiraro, où ils vivaient. 

"Nous vivions en paix"

Lui aussi affirme que des hommes armés érythréens tiraient sur le camp.

"Nous vivions en paix. Puis des Érythréens et des soldats fédéraux (éthiopiens) ont tiré sur des civils. J'ai dû fuir le camp", raconte-t-il à l'AFP par intermédiaire d'un traducteur.

Pour William Davison, analyste pour l'Éthiopie au sein du groupe de réflexion International Crisis Group, il y a effectivement "des indications que des soldats érythréens ont été actifs dans les combats au Tigré".

"Certains des réfugiés érythréens qui se sont retrouvés en Ethiopie auraient été des soldats érythréens ayant déserté", dit-il à l'AFP.

"Il se peut que le gouvernement érythréen veuille les punir pour avoir quitté l'armée (...). En raison de l'amélioration de leurs relations, le gouvernement érythréen a plus d'influence sur le gouvernement éthiopien pour qu'il cesse d'accueillir des dissidents", ajoute-t-il.

S'adressant à l'AFP depuis son domicile en Suède, la journaliste suédo-érythréenne, Meron Estefanos, pense aussi que les déserteurs sont visés. 

"Avec beaucoup de gens (évitant) le service national (militaire) érythréen, les camps sont devenus une cible", souligne Mme Estefanos, qui suit le conflit grâce à un réseau de contacts érythréens.

Rahwa, 19 ans, coiffée d'un foulard rouge, dit être arrivée en Ethiopie au début de 2020. Elle habite dans une masure sombre en béton avec un groupe de femmes et d'enfants.

"Mes parents sont toujours en Erythrée et voudraient que je rentre, mais je ne veux pas car les choses iront mal pour moi, je serai enrôlée immédiatement dans l'armée", dit-elle tristement.


Manipulation médiatique et instrumentalisation de Forbes France au service de la propagande royale du Maroc

Le bâtiment des galeries du magazine Forbes. 62, 5th avenue, Manhattan, New York, NYC, USA. (Photo par : -/VW Pics/Universal Images Group via Getty Images)
Le bâtiment des galeries du magazine Forbes. 62, 5th avenue, Manhattan, New York, NYC, USA. (Photo par : -/VW Pics/Universal Images Group via Getty Images)
Short Url
  • Les chiffres sont accablants : sur 49 articles publiés par Forbes France sur le Maroc, près de la moitié sont des contenus payants étiquetés « Brandvoice », financés directement ou indirectement par des proches du régime marocain.
  • Dominique Busso, le PDG de l’édition française, ne cache pas que ces transactions douteuses sont monnaie courante.

RIYAD : L’enquête explosive menée par Marianne, complétée par les révélations incisives d’Africa Intelligence, lève le voile sur un système d’influence sophistiqué dans lequel le Maroc, sous couvert de soft power, orchestre une propagande méthodique via des relais médiatiques internationaux.

Forbes France, autrefois symbole d’excellence journalistique, apparaît aujourd’hui comme un instrument docile entre les mains des autorités marocaines.

Les chiffres sont accablants : sur 49 articles publiés par Forbes France sur le Maroc, près de la moitié sont des contenus payants étiquetés « Brandvoice », financés directement ou indirectement par des proches du régime de Mohammed VI.

Ces textes déguisés en journalisme peignent un portrait idyllique du royaume, occultant sciemment la répression des libertés individuelles, les inégalités criantes et les réalités économiques sombres du pays. Il s'agit d'une véritable mascarade qui sape l’intégrité journalistique et trompe délibérément les lecteurs.

Forbes France : un média au service de la propagande royale

Plus qu’un simple complice passif, le magazine semble s’être vendu au plus offrant, troquant son indépendance contre des millions d’euros provenant des cercles de pouvoir marocains.

Dominique Busso, le PDG de l’édition française, ne cache pas que ces transactions douteuses sont monnaie courante. Pire, selon des sources internes, le Maroc achète régulièrement des articles pour redorer l’image de son régime monarchique, tout en évitant toute transparence sur les financements réels.

Abdelmalek Alaoui, présenté comme un analyste ou un économiste, mais qui n'est en réalité qu'un agent de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), est identifié comme un rouage clé de cette machinerie propagandiste.

Des courriels internes obtenus par Marianne montrent comment Alaoui et d’autres agents influencent directement la ligne éditoriale de ces articles en faveur de la monarchie marocaine. Forbes France ne serait rien d’autre qu’un outil au service de cette désinformation orchestrée depuis Rabat.

Un documentaire sous influence : glorification du règne de Mohammed VI

Les tentacules de cette stratégie de manipulation s’étendent bien au-delà de la presse écrite. Africa Intelligence révèle qu’un documentaire diffusé sur Public Sénat à l’approche d’une visite officielle d’Emmanuel Macron au Maroc a été conçu comme une véritable opération de communication. 

Réalisé par des proches de l’élite politique marocaine et française, ce film, présenté comme un travail journalistique, n’est rien d’autre qu’une glorification du roi Mohammed VI.

Tout en vantant les prétendus succès du roi, notamment en matière de condition féminine et de développement économique, le documentaire escamote les critiques concernant les inégalités sociales et la répression des libertés. Il s'agit là d'une manipulation éhontée, à peine voilée, où les consignes éditoriales semblent avoir été dictées par Rabat pour protéger l’image royale.

Le Maroc : un État stratège du mensonge médiatique

Ce qui se dévoile ici est bien plus qu’un simple scandale médiatique. Il s’agit d’une stratégie délibérée et agressive de soft power, dans laquelle le Maroc utilise des moyens financiers considérables pour infiltrer et manipuler les récits médiatiques internationaux.

En contrôlant la narration sur des plateformes influentes telles que Forbes France, le royaume impose une version réécrite et aseptisée de la réalité, tout en muselant les voix dissidentes.

Ces pratiques immorales révèlent la complicité choquante de médias qui, en échange d'avantages financiers, renoncent à leur devoir d'informer honnêtement. Ce brouillage systématique de la frontière entre journalisme et propagande constitue une attaque directe contre l’intégrité de l’information.

Un appel urgent à l’éthique journalistique

Les révélations de Marianne et d’Africa Intelligence mettent en lumière le manque de diligence de la part d'acteurs tels que Forbes France.

Il est désormais impératif de mener une enquête indépendante sur ces pratiques. En effet, tant que des médias accepteront de se vendre au plus offrant, les citoyens continueront à être trompés par des récits soigneusement fabriqués pour servir des intérêts politiques. 

L’intégrité de la presse n’est pas à vendre, il est temps de le rappeler.


Les États-Unis débloquent 117 millions de dollars pour les Forces libanaises

Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Drapeau américain agitant isolément sur fond blanc (Photo iStock)
Short Url
  • Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».
  • C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

WASHINGTON : Lles États-Unis ont annoncé  samedi le transfert de 117 millions de dollars destinés à soutenir les forces de l'ordre et l'armée libanaises, à l'issue d'une réunion de donateurs internationaux, jeudi.

Selon un communiqué du département d'État, ces fonds doivent aider les Forces armées libanaises (FAL) et les Forces de sécurité intérieure (FSI, chargées du maintien de l'ordre) à « garantir la souveraineté du Liban dans tout le pays ».

C'est ce dernier qui est à l'origine de la réunion des donateurs internationaux qui a eu lieu jeudi « avec partenaires et alliés pour évoquer le soutien crucial à la sécurité du Liban afin de pérenniser la cessation des hostilités avec Israël ».

Un cessez-le-feu a pris effet fin novembre entre le mouvement islamiste pro-iranien Hezbollah et Israël, après plus d'un an de bombardements de part et d'autre, ainsi qu'une incursion des forces israéliennes en territoire libanais à partir de fin septembre.

L'enveloppe annoncée samedi par le département d'État « démontre son engagement à continuer à travailler avec ses partenaires et alliés pour s'assurer que le Liban bénéficie du soutien nécessaire pour renforcer la sécurité du pays et de la région ».

Samedi, le président libanais, Joseph Aoun, a réclamé le retrait de l'armée israélienne « dans les délais fixés » par l'accord de cessez-le-feu.

Ce dernier prévoit le déploiement de l'armée libanaise aux côtés des Casques bleus dans le sud du pays et le retrait de l'armée israélienne dans un délai de 60 jours, soit d'ici au 26 janvier.

Le Hezbollah doit, pour sa part, retirer ses forces au nord du fleuve Litani, à environ 30 km de la frontière libano-israélienne. 


Manifestation pour revendiquer la libération de l'opposante Abir Moussi

Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Des partisans d'Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre (PDL), participent à une manifestation demandant sa libération, à Tunis le 18 janvier 2025. (Photo FETHI BELAID / AFP)
Short Url
  • Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.
  • Soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

TUNIS : Plusieurs centaines de sympathisants du Parti destourien libre (PDL), qui revendique l'héritage des autocrates Bourguiba et Ben Ali, ont manifesté samedi en Tunisie pour réclamer la libération de leur dirigeante, l'opposante Abir Moussi.

Brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Liberté pour Abir » ou « Nous sommes des opposants, pas des traîtres ! », ils étaient entre 500 et 1 000, selon des journalistes de l'AFP. Beaucoup portaient des drapeaux tunisiens et des photos de la dirigeante du PDL.

Ils ont critiqué virulemment à la fois le président Kaïs Saied et le parti islamo-conservateur d'opposition Ennahdha. Mme Moussi, ex-députée de 49 ans, est en détention depuis son arrestation le 3 octobre 2023 devant le palais présidentiel, où, selon son parti, elle était venue déposer des recours contre des décrets de M. Saied.

Mme Moussi fait l'objet de plusieurs accusations, dont celle particulièrement grave de tentative « ayant pour but de changer la forme de l'État », soupçonnée d'avoir voulu rétablir un pouvoir similaire à celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par la première révolte du Printemps arabe.

Les manifestants ont dénoncé le décret 54 sur les « fausses nouvelles », en vertu duquel Mme Moussi est poursuivie dans cette affaire, et dont l'interprétation très large a entraîné l'incarcération depuis septembre 2022 de dizaines de politiciens, d'avocats, de militants ou de journalistes.

Pour Thameur Saad, dirigeant du PDL, emprisonner Mme Moussi pour des critiques envers l'Isie « n'est pas digne d'un pays se disant démocratique ». « Les prisons tunisiennes sont désormais remplies de victimes du décret 54 », a renchéri à l'AFP Karim Krifa, membre du comité de défense de Mme Moussi.

D'autres figures de l'opposition, dont le chef d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, sont également emprisonnées.

Depuis le coup de force de M. Saied à l'été 2021, l'opposition et les ONG tunisiennes et étrangères ont déploré une régression des droits et des libertés en Tunisie. Le chef de l'État a été réélu à une écrasante majorité de plus de 90 % des voix le 6 octobre, lors d'un scrutin marqué toutefois par une participation très faible (moins de 30 %).