La France et l’échéance présidentielle libanaise: comment sortir du cercle vicieux?

Le nouvel envoyé spécial de la France pour le Liban, Jean-Yves Le Drian (à gauche), descend un escalier après avoir rencontré le patriarche maronite du Liban, au patriarcat maronite de Bkerké le 22 juin 2023.
Le nouvel envoyé spécial de la France pour le Liban, Jean-Yves Le Drian (à gauche), descend un escalier après avoir rencontré le patriarche maronite du Liban, au patriarcat maronite de Bkerké le 22 juin 2023.
Short Url
Publié le Lundi 17 juillet 2023

La France et l’échéance présidentielle libanaise: comment sortir du cercle vicieux?

  • Le président Emmanuel Macron a désigné son ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian comme envoyé personnel au Liban
  • Cette nouvelle tentative de l’Élysée montre que l’Hexagone continue à s’intéresser au destin du pays du Cèdre

PARIS: Sans président depuis plus de huit mois, le Liban s’enfonce dans le chaos politique. Parmi les acteurs extérieurs impliqués ou mêlés à la question libanaise, la France se distingue comme la seule puissance internationale qui classe le pays du Cèdre parmi ses priorités. Toutefois, face au blocage interne et à l’échec de l’initiative française, le président Emmanuel Macron a désigné son ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian comme envoyé personnel au Liban, misant sur sa connaissance du dossier libanais, son expertise et ses bonnes relations arabes pour trouver la formule convenable afin de démêler une situation inextricable.

Un effort français constant et maintenu
En dépit d’une série d'échecs depuis la catastrophe de l'attentat du port de Beyrouth, survenue en août 2020, la présidence française n'a pas lésiné sur les moyens. La dernière initiative en date pour débloquer la situation, qui proposait Sleiman Frangié pour la présidence et Nawaf Salam au poste du Premier ministre, n’a pas abouti: elle a été rejetée à l’intérieur comme à l’extérieur.

Les principales forces représentatives de chrétiens libanais, des souverainistes et des députés du «changement» se sont exprimées contre la suggestion de Paris. Selon eux, elle s’alignait in fine sur le choix fait par le camp du Hezbollah. Ainsi, face à cette impasse, et juste avant la dernière séance parlementaire du 14 juin, qui s’est soldée par un nouvel échec, la France cherche à résoudre cet épineux problème. C’est justement pour trouver une alternative qu’Emmanuel Macron a désigné Jean-Yves Le Drian.

Cette nouvelle tentative de l’Élysée montre que l’Hexagone continue à s’intéresser au destin du pays du Cèdre. En observant le déroulement de la mission de M. Le Drian, il sera possible de mieux saisir l’approche française. Et nous verrons si le changement réside dans le fond plutôt que dans la forme.

La question libanaise, une des priorités de Paris
Bien que la guerre en Ukraine domine toujours l'agenda international et l'action extérieure de l'Union européenne, la question libanaise reste l’une des priorités de Paris, qui aspire à préserver le rôle de «coordinateur international de la gestion de la crise libanaise». En effet, il redoute l’effondrement de l'État dans un pays sans président, dirigé par un gouvernement démissionnaire et touché de plein fouet par l’érosion économique. Depuis les premières délibérations et jusqu’à la réunion quinquennale de Paris, en février dernier, la France s'est octroyé le leadership dans la gestion du dossier, s’appuyant sur «un soutien américain de principe» qu’elle interprète comme un «manque d'intérêt».
Par la suite, Paris a voulu persuader Riyad de s’impliquer davantage dans le dossier libanais. Cependant, le royaume d'Arabie saoudite, s'appuyant sur des expériences antérieures, a clairement indiqué qu'il refusait de s'y immiscer. Il est resté fidèle à sa position de principe, refusant de se mêler des noms des candidats à l’élection présidentielle. Il s’est davantage intéressé aux programmes des candidats et au fait que ces derniers s’engagent à reconstruire l'État ainsi qu’à mener les réformes nécessaires.

Pendant ce temps, la vacance présidentielle s'est poursuivie en raison de l'insistance du Hezbollah à perpétuer son influence dans les cercles décisionnels, profitant d’un Parlement éclaté sans majorité décisive. Cette conclusion a conduit la «cellule de l'Élysée» à poursuivre la même approche que lors des visites du président Emmanuel Macron au Liban en 2020, qui avait fait le choix d’une approche pragmatique reconnaissant le statu quo et donnant la priorité au dialogue avec le Hezbollah.

Bien que ces politiques aient pu contribuer à la signature de l'accord sur la frontière maritime entre le Liban et Israël et à l’attribution de la mission d’explorer le gaz au consortium Total, elles n’ont pu aplanir la situation politique. L'impasse interne s’est prolongée, le Hezbollah souhaitant tirer profit des conditions de la récente détente régionale pour consolider son contrôle au Liban.

Dans ce contexte, l'équipe française responsable du dossier libanais a suggéré l’équation Frangié-Salam. Mais cette dernière a été mal accueillie par le reste des membres de la réunion à cinq. Une fois de plus, les calculs de Paris n’ont pas coïncidé avec les «dures» réalités libanaises, d’où la décision de Macron de changer la direction de l'équipe chargée de suivre le dossier libanais.

Les implications de la nomination de Le Drian comme envoyé spécial
M. Le Drian est considéré comme la personnalité idéale pour jouer ce rôle, puisqu'il s'est distingué lors de sa prise de fonction aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères par un mélange d'«obstination» et de «réalisme», selon l'un de ses proches collaborateurs. En outre, l’homme connaît bien le pays du Cèdre. Il a été le premier à identifier le problème du Liban en juillet 2020, lorsqu'il a déclaré: «Les Libanais doivent s'aider eux-mêmes pour que le monde les aide.»

Avec le franc-parler qu’on lui connaît, le ministre a affirmé en décembre 2020 que «l'effondrement politique et économique au Liban était «comme le naufrage du Titanic, mais sans la musique». Par conséquent, la nomination de M. Le Drian peut être de bon augure pour un ajustement de la politique suivie.

Face à la fracture au Liban et au risque de turbulences, M. Le Drian essaiera d’arrondir les angles et proposera vraisemblablement l'option du «troisième candidat», qui rassure tout le monde et offre des garanties pour le démarrage de réformes.

Cette mission répond aux intérêts économiques, stratégiques et historiques français compte tenu du fait que le Liban se trouve dans une région à la fois sensible et vitale. La tâche de M. Le Drian semble ardue, mais elle n'est pas insurmontable si elle s'accompagne d'idées nouvelles et plus audacieuses dans le cadre d’un dialogue interlibanais ou d’autres mécanismes.

 


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

Short Url
  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Short Url
  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.


Au Salon de l'agriculture, Macron attendu au tournant

Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Short Url
  • Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier
  • Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon

PARIS: Visites politiques encadrées et les vaches seront bien gardées? Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier.

Pas d'incitation à chahuter cette année, mais des appels au calme ambivalents de la part des principaux syndicats agricoles, qui doivent être reçus l'un après l'autre en début de matinée avant la traditionnelle coupe de ruban et la déambulation présidentielle.

Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon, qui ouvre ses portes au public à 09H00. En 2024, des milliers de personnes avaient été bloquées à l'extérieur pendant plusieurs heures en raison de heurts entre manifestants et CRS en marge de la venue d'Emmanuel Macron, entre huées, insultes, bousculades et violences.

Sécurité renforcée, commissariat mobile, chartes pour encadrer les visites politiques... Les organisateurs sont sur les dents pour ne pas voir se répéter le scénario catastrophe de l'an dernier.

L'entourage d'Emmanuel Macron lui a conseillé d'éviter une visite marathon, à l'image des 13 heures de déambulation de 2024 parmi les plus de 1.400 exposants et 4.000 animaux accueillis chaque année.

"Le président sera très probablement pris à parti", a averti Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat historique, qui l'attend sur les dossiers internationaux.

Cet automne, c'est l'opposition à l'accord de libre-échange UE-Mercosur qui a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent aussi les taxes douanières chinoises et craignent des mesures similaires de la nouvelle administration américaine.

"Je souhaite qu'il en parle à Donald Trump (...): arrêter les importations massives qui ne respectent pas nos normes, lever les contraintes qui nous empêchent d'être compétitifs", renchérit Pierrick Horel des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA.

Pour Patrick Legras, porte-parole de la Coordination rurale, forte de sa percée aux élections professionnelles de janvier, "ça va être tendu". Selon lui, Emmanuel Macron va aussi avoir du mal à "expliquer qu'on négocie encore un accord pour importer du sucre ou du poulet d'Ukraine" — l'accord d'association UE-Ukraine, en cours de révision — évoquant des produits érigés en symboles d'une "concurrence déloyale".

Coutumière des actions coup de poing, la Coordination rurale a toutefois passé à ses sympathisants un message d'apaisement, dans l'espoir qu'Emmanuel Macron "aura vraiment quelque chose" à leur dire, selon sa président Véronique Le Floc'h.

- "Où sont les promesses?" -

Plus d'un an après la mobilisation qui avait bloqué routes et autoroutes, l'heure est au bilan des mesures obtenues par les agriculteurs qui réclament un revenu "décent", plus de considération et moins d'injonctions.

Pour le gouvernement, ses engagements ont été "honorés": "500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget", "soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté", "indemnisations à hauteur de 75 millions d'euros aux propriétaires du cheptel touché par les épizooties" ou encore "la mise en place du contrôle administratif unique en octobre dernier".

Surtout, deux jours avant le Salon, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole, attendue depuis trois ans par la profession. Ce texte érige l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur", facilite les installations, la construction de bâtiments d'élevage et le stockage de l'eau, tout en dépénalisant certaines infractions environnementales.

"Un an après, où sont passés les prix plancher et ses promesses? Au Salon 2024, nous demandions des prix minimum garantis pour les producteurs: non seulement on n'a pas du tout avancé, mais la situation est pire aujourd'hui", s'indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat.

Elle estime que les demandes de l'alliance FNSEA-JA et de la CR ont été privilégiées, au détriment d'une "réelle transition agroécologique". Un argument repris par la gauche à propos de la loi d'orientation agricole.

Les personnalités politiques de tous bords devraient se succéder auprès de la vache limousine Oupette, égérie de l'édition 2025. Le Premier ministre François Bayrou est attendu lundi.

Malgré la volonté des organisateurs de limiter les visites à une journée pour chaque parti, Jordan Bardella (RN) a prévu de s'y rendre dimanche et lundi avec une délégation, comme en 2024, où les demandes de "selfies" avec le chef du parti d'extrême droite avaient contrasté avec la visite présidentielle.

En novembre, à la veille de nouvelles mobilisations paysannes, il s'était affiché dans le Lot-et-Garonne avec des cadres de la Coordination rurale, qui faisait campagne de son côté pour "dégager la FNSEA" des chambres d'agriculture.