LYON: Le Conseil d'État a jugé vendredi que proposer des menus de substitution au porc dans les cantines scolaires n'est ni obligatoire, ni contraire au principe de laïcité, dans une décision concernant la commune de Chalon-sur-Saône.
C'est la troisième fois qu'une délibération adoptée en 2015 à l'initiative du maire de cette ville de Saône-et-Loire, Gilles Platret (LR), se fait retoquer par la justice administrative.
Le conseil municipal avait alors voté la suppression des menus de substitution au porc, servis depuis 1984. Cette mesure visait à «rétablir un fonctionnement neutre et laïque» des cantines municipales.
Elle avait déclenché une polémique et une bataille juridique, la Ligue de défense judiciaire des musulmans -qui s'est félicitée vendredi de sa «victoire»- et des particuliers ayant saisi la justice.
Le tribunal administratif de Dijon en 2017, puis la cour administrative d'appel de Lyon en 2018, avaient invalidé la délibération, sans incidence sur le fonctionnement des cantines chalonnaises, où ces menus n'ont jamais été rétablis. La commune avait alors saisi le Conseil d'État.
Dans un communiqué de presse accompagnant sa décision, la plus haute juridiction administrative rappelle que les collectivités n'ont pas l'obligation de fournir des menus de substitution au porc et que le principe de laïcité interdit «à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes» - c'est-à-dire d'exiger un tel menu s'il n'est pas fourni.
Mais elle ajoute que «ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d'égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas».
«Lorsqu'elles choisissent d'assurer le service public de la restauration scolaire», les collectivités »doivent prendre en compte l'intérêt général qui s'attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public», ajoute le Conseil d'État.
La commune soutenait que proposer des repas de substitution au porc revenait, en pratique, à stigmatiser les enfants concernés -en les regroupant aux mêmes tables pour faciliter la distribution des repas- et à ficher les enfants inscrits à la cantine scolaire en fonction de leur appartenance religieuse.
Mais l'existence de telles pratiques dans le passé n'a pas été démontrée d'après les juges. M. Platret rétorque qu'il ne peut y avoir de plats de substitution sans listing préalable des familles concernées, «listing qui est dans les faits un fichage religieux et donc parfaitement illégal».
Pour lui, le Conseil d'État préfère «jeter un voile» sur l'existence de ce fichage plutôt que d'affronter les «conséquences juridiques énormes» de sa remise en cause»dans toutes les communes où il est institué».
«Je ne rétablirai pas les menus de substitution dans les cantines scolaires de Chalon», a poursuivi l'édile dans un communiqué, refusant de »modifier un système qui, depuis la rentrée de septembre 2015, fonctionne sans incident».
Les juges ne lui demandent d'ailleurs pas de le faire.
«Je regrette dans cette décision un certain manque de courage qui ne peut qu'encourager par ailleurs le séparatisme, dont il est tant question aujourd'hui», a conclu l'édile.