PARIS: Encore une manifestation interdite: la justice a confirmé qu'un rassemblement prévu samedi après-midi à Paris contre les violences policières ne pouvait pas se tenir, suscitant la colère des organisateurs, qui l'ont exprimée en petit comité devant la presse.
Les juges des référés du tribunal administratif de Paris ont rejeté à la mi-journée le recours introduit par la Coordination nationale contre les violences policières pour obtenir le maintien de la manifestation, prévue à 15h00 place de la République.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé dès mercredi l'interdiction de ce rassemblement, ainsi que de toute autre manifestation, jusqu'au 15 juillet inclus, "en lien direct avec les émeutes" qui ont suivi la mort le 27 juin de Nahel, tué par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre.
Le préfet de police Laurent Nuñez avait donc pris jeudi un arrêté d'interdiction dans lequel il avait invoqué un risque de "trouble à l'ordre public" et un manque de policiers et gendarmes pour y faire face, après une séquence qui les a "fortement mobilisés".
Cette argumentation a convaincu le tribunal administratif. "Eu égard au caractère très récent des graves émeutes", au risque de troubles vu "l'objet de la manifestation" et à la "disponibilité réduite" des policiers, la mesure d'interdiction "apparaît comme étant la seule pouvant être prise", écrivent les juges dans leur ordonnance, consultée par l'AFP.
Du côté de la Coordination nationale contre les violences policières, dont sont membres plusieurs dizaines d'associations, collectifs, syndicats et partis de gauche (LFI, EELV, CGT...), l'incompréhension s'est mêlée à la colère à l'annonce de la décision de justice.
"La préfecture de police, confortée par les juges des référés du tribunal administratif de Paris, empêche tous canaux d'expression démocratique de revendications parfaitement légitimes", a réagi Me Lucie Simon, avocate des organisateurs.
La Coordination a fustigé sur les réseaux sociaux un "tribunal administratif aux ordres de (Gérald) Darmanin".
Les organisateurs ont convoqué une conférence de presse mais n'ont pas maintenu leur appel à manifester à République, où une quinzaine de véhicules des forces de l'ordre avaient été prépositionnés, selon une journaliste de l'AFP sur place.
Une banderole de la Coordination a été déployée près de la place, sous surveillance de gendarmes.
"Nous ne nous tairons pas, ni ici ni ailleurs. Cette marche a été interdite alors que nous avons tout fait dans les règles", s'est insurgé devant la presse Omar Slaouti, coorganisateur de la manifestation.
"Stop aux violences d'Etat", "La clé d'étranglement tue", pouvait-on lire sur des pancartes. Une soixantaine de personnes étaient présentes, dont les députés LFI Thomas Portes et Jérôme Legavre ceints de leur écharpe tricolore ainsi que quelques "gilets jaunes".
Des proches de victimes portaient des t-shirts "Vérité pour Alassane", "Justice pour Mahamadou" ou encore "Mutilé.e.s pour l'exemple".
La figure du combat contre les violences policières Assa Traoré, soeur d'Adama - décédé peu après son arrestation par des gendarmes en juillet 2016 - n'était pas présente mais "soutient cette mobilisation", a assuré Omar Slaouti.
Policiers «au repos»
La semaine dernière, une marche dans le Val-d'Oise visant à honorer la mémoire d'Adama Traoré avait déjà été interdite.
Le préfet de ce département avait affirmé ne pas disposer de suffisamment d'effectifs pour assurer la sécurité de l'événement. "Les forces de l'ordre sont épuisées", avait-il dit devant le tribunal administratif, qui avait validé l'interdiction.
La manifestation avait alors été déplacée place de la République à Paris, mais de nouveau interdite, cette fois par le préfet de police, ce qui n'avait pas empêché environ 2 000 personnes de se rassembler le 8 juillet.
Devant le tribunal administratif samedi matin, le représentant de la préfecture de police a lui aussi invoqué la "faible disponibilité des forces de l'ordre". Le problème "n'est pas l'objet de la manifestation mais la possibilité que des individus violents" y soient présents, a-t-il argué.
Selon un responsable de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) présent à l'audience, les 10 000 policiers et gendarmes mobilisés jeudi et vendredi soir à Paris et en petite couronne "sont au repos". Ce qui ne laissait que "cinq unités, soit 300 CRS" pour encadrer la manifestation.