TUNIS: Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) est l’une des quelque quinze mille associations créées à la faveur du boom associatif consécutif à la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier 2011. Autant dire que le risque était grand pour cet organisme, actif à la fois dans les études et le plaidoyer en rapport avec les questions économiques et sociales, d’être noyé dans la masse et de passer inaperçu comme tant d’autres.
Or, il n’en est rien. Douze ans après sa création, le FTDES est l’une des organisations non gouvernementales (ONG) les plus en vue de Tunisie, car parmi les plus actives. Il occupe la une des médias au moins quatre fois par an, grâce à son seul rapport trimestriel sur les mouvements sociaux, suicides, violences et migrations. Or, ce think tank (cercle de réflexion) fait beaucoup plus.
Après un début un peu poussif, le FTDES a atteint sa vitesse de croisière au bout de quelques années et la maintient depuis.
Chiffre record
Après avoir oscillé au cours des sept premières années entre 5 et 26, le nombre de ses études et rapports a bondi à 74 en 2019; il est tombé à 53 puis à 39 au cours des deux années suivantes, avant d’atteindre le chiffre record de 76 en 2022.
Mais le FTDES, financé depuis sa création par l’Open Society Foundations, du milliardaire américain George Soros, n’est pas qu’un think tank. S’érigeant en quelque sorte en défenseur de la veuve et de l’orphelin, il est de toutes les batailles ayant pour but la défense des droits économiques, sociaux et humains des franges les plus vulnérables de la population. Y compris non tunisienne. Et généralement, le plaidoyer se fait contre les politiques et les prises de position gouvernementales.
Le FTDES, financé depuis sa création par l’Open Society Foundations, du milliardaire américain George Soros, n’est pas qu’un think tank; s’érigeant en quelque sorte en défenseur de la veuve et de l’orphelin, il est de toutes les batailles ayant pour but la défense des droits économiques, sociaux et humains des franges les plus vulnérables de la population.
Durant le seul premier trimestre 2023, le FTDES a ainsi, à l’occasion de la sécheresse de cette année, pointé du doigt «la mauvaise gestion des ressources en eau». Après la vague de racisme contre les migrants subsahariens du début d’année, le Forum a mené une étude intitulée «Crispation antimigrants subsahariens en Tunisie: Discours et violences», mettant en lumière le discours alarmiste du président, Kaïs Saïed, le 23 février 2023, qui a contribué à cette situation, ainsi que la politique de l'État dans ce domaine.
Enfin, le FTDES, ancré à gauche et très proche de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le syndicat historique, se distingue par son activisme. La meilleure illustration en est le Congrès national des mouvements sociaux et citoyens organisé à la fin du mois de décembre 2022 pour fédérer «les luttes solidaires pour la dignité, la liberté et la justice sociale».
«Persona non grata»
Plus récemment, à l’occasion de la première visite en Tunisie de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, venue pour essayer de convaincre la Tunisie d’intensifier sa lutte contre l’immigration clandestine en provenance du territoire tunisien vers l’Italie et de faciliter les rapatriements de migrants, le FTDES a mobilisé une trentaine d’ONG tunisiennes, italiennes et internationales. Ensemble, elles ont publié une pétition intitulée «persona non grata» pour s’opposer à cette proposition.
Est-ce alors parce que cet organisme se positionne comme un empêcheur de gouverner en rond qu’il n’a pas l’oreille des autorités? Probablement. D’ailleurs, quand nous leur avons demandé s’ils ont des interactions avec le gouvernement, les responsables du FTDES n’ont pas répondu. Mais un ancien membre de son comité directeur assure que les deux parties n’ont jamais eu le moindre échange.