Avec la Covid-19, Marseille au bord de la crise humanitaire

Un bénévole donne des paquets de nourriture à un homme au Noga, un restaurant social de Marseille, le 10 décembre 2020. Le Noga est le seul "restaurant" ouvert. Chaque midi, il distribue 900 repas gratuits, soit deux fois plus qu'avant la crise sanitaire. (NICOLAS TUCAT / AFP)
Un bénévole donne des paquets de nourriture à un homme au Noga, un restaurant social de Marseille, le 10 décembre 2020. Le Noga est le seul "restaurant" ouvert. Chaque midi, il distribue 900 repas gratuits, soit deux fois plus qu'avant la crise sanitaire. (NICOLAS TUCAT / AFP)
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Publié le Vendredi 11 décembre 2020

Avec la Covid-19, Marseille au bord de la crise humanitaire

  • Dans l'une des villes les plus pauvres et les plus inégalitaires de France, certains comme le Secours Catholique n'hésitent plus à parler de crise humanitaire
  • Depuis le deuxième confinement, mis en place fin octobre, Gérard Gros, président de la Banque alimentaire des Bouches-du-Rhône, constate "un très grand élargissement de la population dans le besoin"

MARSEILLE: Avec ses terrasses en sommeil, le cours Julien, haut-lieu de la vie festive marseillaise, n'est plus que l'ombre de lui-même. Noga y est le seul "restaurant" ouvert: chaque midi, il distribue 900 repas gratuits, deux fois plus qu'avant la crise sanitaire.

Dans l'une des villes les plus pauvres et les plus inégalitaires de France, certains comme le Secours Catholique n'hésitent plus à parler de crise humanitaire. 

Depuis le deuxième confinement, mis en place fin octobre, Gérard Gros, président de la Banque alimentaire des Bouches-du-Rhône, constate "un très grand élargissement de la population dans le besoin". Les chiffres sont colossaux: chaque semaine, l'association distribue près de 85 tonnes de nourriture, à Noga notamment.

Et comme un symbole, l'ONG Action contre la faim s'est implantée à Marseille en avril, pendant le premier confinement. "Action contre la faim, je les voyais à Haïti, pas à Marseille", commente Francis Vernède, de l'Uriopss, un réseau qui accompagne les associations de la solidarité et la santé dans la région.

"Nouveaux publics" 

Assis sur un rebord du "cours Ju" avec un café et un repas qu'il vient de récupérer chez Noga, Youssef Madoui s'en sortait avant la pandémie en trouvant des chantiers à la journée au "black". 

"C'est très difficile de trouver un travail déclaré et depuis trois mois, je ne travaille plus du tout", confie aujourd'hui cet Algérien, en France depuis 20 ans.

Artiste de rue, Sten Augustin, lui, s'en tirait avec son spectacle de bulles de savon. Il récoltait 30 à 40 euros par jour au chapeau, l'été davantage. "Maintenant, je n'ai plus rien", raconte cet Allemand de 50 ans qui n'a plus les moyens de prendre son fils avec lui le samedi.

"On a de nouveaux publics, des travailleurs pauvres, saisonniers, intérimaires, ceux qui ont une très faible capacité d'épargne. Avant ils s'en sortaient toujours avec l'économie informelle: garde d'enfant, aider au marché, plonge", analyse Francis Vernède.

La fermeture des restaurants, décidée à Marseille plus tôt que dans le reste de la France, a amplifié le phénomène. Car dans cette ville portuaire et d'immigration, "il y a une très grosse solidarité, chaque commerçant va aider, donner quelque chose", témoigne Pascal Boulgarian, cuisinier au restaurant social Noga.

Avec les restaurants clos, c'est autant de boissons chaudes, de portions de frites et de repas distribués en moins.

"Course de fond" 

La crise sanitaire a aussi paralysé des vies comme celles d'Isabelle ou Falrat.

A 62 ans, victime de violences, la sexagénaire, qui préfère taire son nom de famille, a quitté le domicile conjugal et espérait rebondir. Mais "avec le Covid, c'est compliqué de trouver du travail et de faire valoir ses droits", déplore-t-elle à la porte de Noga.

Dans son studio du quartier populaire de Noailles, à quelques encablures du Vieux-Port, Falrat, lui, est seul pour s'occuper de son fils handicapé. Sa femme est restée bloquée en Algérie. 

"J'arrive pas, j'arrive plus", souffle-t-il en remuant son café: "S'il n'y avait pas le petit, je trouverais un travail, ouvrier agricole, n'importe quoi".

Les associations font aussi remonter les difficultés majeures de nombreux retraités, d'étudiants ou même d'ex-détenus, comme D., contraint de dormir sur les marches du parc Longchamp après avoir été libéré brusquement pendant le premier confinement.

"C'est une course de fond", reconnaît Marie-Christine Gillot, directrice de Maavar Marseille, l'association d'hébergement et de réinsertion qui pilote Noga. 

Les équipes sociales commencent à être fatiguées, sur les nerfs. Et beaucoup s'interrogent sur la méthode employée.

Une troisième vague ? 

"L'assistanat alimentaire est remis en cause, il faut agir autrement. Pas forcément faire toujours plus, mais comprendre la pauvreté d'abord, comment elle se manifeste pour trouver la réponse", plaide Laurent Ciarabelli, du Secours catholique-Caritas.

Le collectif Alerte Paca, qui regroupe une vingtaine d'associations d'aide aux plus démunis dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, réclame un observatoire social pour objectiver la situation. 

Les dernières données de l'Insee datent de 2017 et font état d'un taux de pauvreté de 26% à Marseille, grimpant jusqu'à 53% dans le quartier de la Belle de Mai, une des zones les plus défavorisées de France.

"Il faut identifier les besoins, les nouveaux précaires, ceux qui sont sur le fil. C'est comme si tout était redescendu d'un cran", analyse Axelle Cuny, coordinatrice terrain chez Action contre la faim à Marseille.

Tous les observateurs craignent une troisième vague de pauvreté dans les mois à venir.

Dans les quartiers pauvres du nord de la ville, le "McDo" de Saint-Barthélémy, au cœur d'une lutte sociale et judiciaire il y a quelques mois opposant ses salariés à leur patron, a été transformé par des collectifs citoyens en plateforme solidaire. Depuis peu, on y voit venir de quartiers huppés une mère célibataire ou un chef d'entreprise en faillite. 

En fin de mois, certains attendent leur colis alimentaire dès l'aube.

Salim Grabsi, du syndicat des quartiers populaires de Marseille, s'inquiète et craint les violences qui pourraient naître de cette crise: "Jamais je n'aurais pensé qu'on en arriverait à cette situation en France. Par moments, on a l'impression d'être dans un pays sous-développé". 


Un influenceur franco-iranien jugé en juillet pour apologie du terrorisme

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
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  • La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels
  • Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient

BOBIGNY: Un influenceur franco-iranien sera jugé début juillet devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour apologie du terrorisme, ont indiqué jeudi à l'AFP le parquet et ses avocats.

Shahin Hazamy, 29 ans, s'est vu "délivrer une convocation à une audience du 3 juillet pour apologie du terrorisme par un moyen de communication en ligne en public", a déclaré le parquet, confirmant son arrestation mardi révélée par le magazine Le Point.

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient.

"En s'en prenant à un journaliste la justice envoie un très mauvais signal à la liberté de la presse. Notre client Shahin Hazamy a subi un traitement inadmissible, avec une perquisition devant ses enfants en bas âge alors que les faits reprochés ont bientôt deux ans", ont déclaré à l'AFP ses avocats Nabil Boudi et Antoine Pastor.

Ces poursuites font suite à l'arrestation fin février d'une autre Iranienne en France, Mahdieh Esfandiari, actuellement écrouée pour apologie du terrorisme dans le cadre d'une information judiciaire confiée au Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH).

Annonçant cette nouvelle arrestation en France d'un de ses ressortissants, la télévision d'Etat iranienne a fustigé mercredi une "violation flagrante de la liberté d'expression dans un pays qui prétend être une démocratie".


Macron appelle à intégrer Mayotte dans la Commission de l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
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  • "Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo
  • Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale

ANTANANARIVO: Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores.

"Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo.

La COI réunit les États insulaires (Madagascar, Comores, Maurice, Seychelles et La Réunion pour la France) dans le sud-ouest de l'océan Indien.

Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale.

"L'implication de nos populations, l'intégration de toutes nos îles dans les efforts de la COI pour la prospérité et la sécurité, dans la pluralité de ses dimensions maritime, alimentaire et pour la santé sont dans l'intérêt de nos peuples et de la région", a insisté M. Macron.

Il a suggéré toutefois d'"avancer de manière pragmatique vers cet objectif", sans réclamer l'intégration pleine et entière immédiate de l'archipel.

"La France est le premier bailleur de la COI", a-t-il aussi souligné, en précisant que l'Agence française du développement (AFD) gérait un "portefeuille de 125 millions d'euros de projets" de l'organisation.

"La COI est un modèle de coopération (...) Aucune de nos îles ne peut relever seule le défi", a-t-il ajouté, évoquant un "océan Indien profondément bousculé" par les défis planétaires actuels.

"Ensemble, en conjuguant nos atouts (..) nous pouvons tracer une voie nouvelle singulière", a-t-il assuré.

L'Union des Comores s'oppose à l'intégration de Mayotte dans la COI car elle conteste la souveraineté de la France sur Mayotte, restée française lorsque l'archipel des Comores est devenu indépendant en 1975.

Mayotte, tout comme les îles Éparses, autre territoire français hérité de la colonisation et revendiqué par Madagascar, sont au cœur du canal du Mozambique, voie majeure de transport maritime qui renferme d'importantes réserves en hydrocarbures.


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
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  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".