Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

Des personnes font la queue pour acheter du kérosène à usage domestique dans une station d'approvisionnement à Colombo le 26 mai 2022. (Photo par ISHARA S. KODIKARA / AFP)
Des personnes font la queue pour acheter du kérosène à usage domestique dans une station d'approvisionnement à Colombo le 26 mai 2022. (Photo par ISHARA S. KODIKARA / AFP)
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Publié le Jeudi 20 juillet 2023

Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

  • Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe
  • En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs

COLOMBO, Sri Lanka : Affligés par une crise sans précédent, les Srilankais avaient pris l'habitude de faire la queue pour de la nourriture ou du carburant. Mais un autre type de file d'attente a fait son apparition... devant les bureaux de l'émigration.

«Ce que nous voyons comme de la normalité n'est qu'un mirage», dit Gayan Jayewardena. L'homme de 43 ans fait la queue, désabusé, devant un bureau du gouvernement où il doit récupérer le passeport de sa petite dernière.

«La situation ne s'améliore pas», déplore ce responsable d'un service client, dont la femme et les deux autres filles disposent déjà du précieux carnet.

A court de devises étrangères, la petite île de l'océan Indien, exsangue, a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022.

La pénurie de dollars en a entraîné d'autres: nourriture, médicaments, électricité, carburants... alimentant une vague de colère et de manifestations qui ont abouti à la fuite du président d'alors, Gotabaya Rajapaksa, bouté hors de son palais envahi le 9 juillet. Il a quitté le pays le 13.

Son successeur, Ranil Wickremesinghe, est bien parvenu à reconstruire des stocks, mais les prix ont explosé.

Le dirigeant a surtout doublé les impôts et réduit diverses subventions, des mesures très impopulaires pour reprendre le contrôle des finances nationales, ce que le FMI le pressait de faire afin de débloquer un plan de renflouement de 2,9 milliards de dollars.

M. Wickremesinghe a fini par l'obtenir fin mars.

Toutefois, même si les manifestations se sont calmées, la transition n'a pas convaincu la population et des flopées de Srilankais ont décidé de faire leurs valises.

- «C'est mieux de partir» -

«Quand on se met dans la peau de nos enfants, c'est mieux de partir. Nous voulons émigrer dans un pays comme la Nouvelle-Zélande», explique Gayan Jayewardena.

Maduranga, un ingénieur de 38 ans qui ne répond qu'à ce seul nom, affirme quant à lui que la hausse du coût de la vie et des impôts le poussent à envisager son avenir en Australie.

«Le coût grimpe, ça monte tous les jours, mais le salaire est le même», regrette-t-il.

Au cours des cinq premiers mois de l'année, 433.000 titres d'émigration ont été délivrés par les services srilankais. L'an dernier, 911.689 passeports avaient été remis, à l'époque où le pays subissait une récession économique de 7,8%. En 2021, le chiffre était de 382.500, avec au contraire 3,3% de croissance.

Un système de demande en ligne a même été mis en place en juin, bien que ceux désirant obtenir leur sésame rapidement vite doivent se présenter en personne.

«Mon numéro était le 976 et je pense qu'il y avait encore 500 personnes après moi», raconte Damitha Hitihamu, 51 ans, stupéfait par l'affluence au service de renouvellement de passeport en un jour.

Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe.

Dans les médias, on parle tous les jours des pénuries de médecins, d'infirmiers, d'ingénieurs et d'autres travailleurs spécialisés à cause de l'émigration massive.

- La construction très touchée -

Le secteur de la construction, l'un des plus gros employeurs nationaux, a affirmé qu'il commençait à perdre ses propres ouvriers spécialisés et autres professionnels à une vitesse alarmante.

L'an dernier, dans un contexte de récession et d'inflation galopante, l'industrie du bâtiment a vu partir 200.000 employés, et nombre de ceux qui sont encore là veulent en fait s'en aller, selon Nissanka Wijeratne, le secrétaire général de la Chambre de l'industrie de la construction.

L'an dernier, le nombre de Srilankais qui se sont déclarés auprès du service des emplois à l'étranger, obligatoire avant de travailler hors du Sri Lanka, a atteint un record de 311.000, contre 122.000 en 2021.

En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs en Asie ou au Moyen-Orient.

Lalantha Perera, 43 ans, raconte que son salaire d'assureur n'est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et de sa femme. Il tente d'émigrer aussi.

«Après la campagne de manifestations l'an dernier, nous avons eu un peu de répit, dit-il à l'AFP. Mais ce n'est pas assez et je prévois de partir dans un pays européen».

Selon le groupe de réflexion Advocata, ce sont surtout les classes moyennes qui essaient d'émigrer.

Les plus pauvres, eux, «réduisent leurs repas», relève Dhananath Fernando, chef d'Advocata.

Wasantha Mudalige, dirigeant de la Fédération des étudiants de l'université de Nairobi, fait la grimace alors qu'il quitte sous caution le tribunal de Colombo Fort, à Colombo, le 1er février 2023. (Photo AFP)
Wasantha Mudalige, dirigeant de la Fédération des étudiants de l'université de Nairobi, fait la grimace alors qu'il quitte sous caution le tribunal de Colombo Fort, à Colombo, le 1er février 2023. (Photo AFP)

Le militant qui a renversé le président se prépare à une nouvelle révolte

La prison du Sri Lanka où il a été incarcéré l'an dernier a connu un moment de rare concorde, lorsque prisonniers et gardiens se sont pressés pour l'accueillir: c'est l'homme qui a renversé le président.

Le leader étudiant Wasantha Mudalige reste un symbole pour beaucoup, car il a su canaliser la colère de la population face à une crise économique sans précédent et constituer un mouvement qui a ébranlé les fondements du système politique srilankais.

Au plus fort des troubles de l'été dernier, il a participé au siège du palais présidentiel à Colombo, qui a conduit Gotabaya Rajapaksa, le président autrefois apprécié, à un exil humiliant. Et aujourd'hui l'activiste de 29 ans assure que le pays se prépare à une nouvelle révolte.

Le jeune homme, dont le visage chérubin dissimule des affrontements féroces avec la police anti-émeute, a passé des mois derrière les barreaux pour terrorisme.

Il se rappelle avoir «été accueilli très chaleureusement» à la prison, avec deux compagnons de lutte. «Même les gardiens de prison nous ont beaucoup soutenus. Ils nous considéraient comme les héros qui s'étaient débarrassés de Gota», le président déchu, a-t-il raconté à l'AFP en juin, après une audience devant le tribunal.

Aujourd'hui homme libre, M. Mudalige estime que son incarcération était un «sacrifice» nécessaire dans la bataille inachevée pour réformer le système politique du Sri Lanka.

Car «même si on s'est débarrassés de Gota, on n'a pas pu avoir le +changement de système+ qu'on demandait».

L'ancien chef de la Fédération interuniversitaire des étudiants (IUSF) «ne pense pas que le gouvernement puisse continuer longtemps». «Quand tu analyses la situation, ce n'est pas possible», ajoute-t-il.

- «Pas d'alternative» -

L'an dernier, Wasantha Mudalige avait à ses côtés une large coalition de moines bouddhistes vêtus de safran, de militants des minorités et de citoyens ordinaires indignés par la corruption du gouvernement et la mauvaise gestion de la crise économique.

«Ils n'avaient pas d'autre choix que de descendre dans la rue parce qu'ils n'avaient pas de carburant, pas de nourriture, pas d'électricité... les gens mouraient dans les files d'attente pour de l'essence», fustige l'activiste.

Le successeur de Rajapaksa, Ranil Wickremesinghe, a rapidement cherché à rétablir l'ordre en ordonnant à la police d'arrêter les dirigeants du mouvement.

Mudalige a été interpellé dans la rue alors qu'il quittait une manifestation contre la répression. Il a passé 167 jours en détention, soit la plus longue période de détention de tous ceux qui ont participé à la révolte de l'année dernière.

Il a été libéré sous caution, les charges les plus graves retenues contre lui ayant finalement été abandonnées après l'intervention et la condamnation d'Amnesty International et d'autres groupes de défense des droits humains.

- «Forces politiques anarchistes» -

Après la chute de son prédécesseur, M. Wickremesinghe a cherché à reconstruire le Sri Lanka grâce à un plan de sauvetage du FMI en échange d'un programme d'austérité. Si les pénuries qui avaient attisé la colère du peuple ont pris fin, les fortes hausses d'impôts et des factures d'énergie sont vite devenues impopulaires.

Le président Wickremesinghe affirme que ces réformes sont nécessaires pour sortir le Sri Lanka de la faillite et relancer la croissance économique. En février, il s'est engagé à aller de l'avant «quels que soient les obstacles que les forces politiques anarchistes cherchent à créer».

Son administration a maintenu une ligne dure à l'égard des protestataires, dispersant les manifestations à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau.

Mais Wasantha Mudalige prévient que les frustrations de la population acculée par la spirale des prix la ramèneront à coup sûr dans la rue.

«Il arrivera un moment où on devra inévitablement lancer une nouvelle bataille. La forme de cette bataille ne sera peut-être pas la même que la précédente (...), mais de toute évidence, il y aura un combat du peuple», promet-il.

«Le gouvernement utilise la police et l'armée pour supprimer toute dissidence. C'est comme essayer de faire couler une balle en plastique», explique-t-il. «Tu peux le faire autant de temps que tu veux, ça remontera toujours à la surface.»

 

Les principales étapes de la crise politique et économique au Sri Lanka

Le Sri Lanka traverse depuis plus d'un an une profonde crise économique et politique. Entre défaut sur sa dette extérieure, fuite du président d'alors et renflouement du FMI, l'AFP revient sur les événements marquants de ces quinze derniers mois:

- Nuit de violences -

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2022, des centaines de manifestants tentent de prendre d'assaut la résidence du président Gotabaya Rajapaksa à Colombo et réclament sa démission.

L'île d'Asie du Sud de 22 millions d'habitants vit sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948 avec de sévères pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments.

Le 1er avril, les manifestations s'étendent. Le président proclame l'état d'urgence.

Le 3, le gouvernement démissionne à l'exception du président et de son frère aîné, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa.

Le 5, le président perd sa majorité au Parlement.

L'état d'urgence est levé.

- Défaut de paiement -

Le 12, le Sri Lanka fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars.

Le 6 mai, l'état d'urgence est réimposé après des grèves générales.

- Démission du Premier ministre -

Le 9 mai, le Premier ministre démissionne après des attaques de ses partisans contre les manifestants anti-gouvernementaux ayant fait neuf morts et plus de 225 blessés.

Le 12, le président nomme Ranil Wickremesinghe Premier ministre.

- Le président en exil -

Le 9 juillet, le président fuit son palais envahi.

Le 13, il quitte le pays, et démissionne par courriel depuis Singapour le lendemain (il rentrera à Colombo le 2 septembre).

Toujours le 13 juillet, Ranil Wickremesinghe, 73 ans, devient président par intérim.

Le 20, il est élu.

- Accord avec le FMI -

Le 18 août, expiration de l'état d'urgence.

Le 30, le président annonce une hausse de la TVA de 12 à 15% pour tous les biens et services.

Le 1er septembre, le FMI annonce une aide conditionnelle de 2,9 milliards de dollars pour assainir les finances du Sri Lanka qui devra aussi obtenir des "assurances financières" de ses créanciers.

- En faillite jusqu'en 2026 -

Le 8 février, le président déclare au Parlement que Le Sri Lanka va rester en faillite au moins jusqu'en 2026.

Le 23 février, premier investissement étranger majeur depuis le défaut de paiement: 442 millions de dollars du conglomérat indien Adani sont annoncés.

Le 7 mars, Ranil Wickremesinghe annonce que la Chine accepte de restructurer ses prêts au Sri Lanka. Le dernier obstacle au déblocage du plan de sauvetage du FMI est levé.

Le 16 mars, contraction record de l'économie: 7,8% en 2022.

- Plan d'aide du FMI et restructuration -

Le 20 mars, le FMI valide un plan d'aide de 2,9 milliards de dollars sur 48 mois.

Le 23 mai, le Fonds demande au Sri Lanka d'accélérer la restructuration de sa dette.

Le 1er juin, la banque centrale réduit fortement ses taux d'intérêt pour la première fois en trois ans, voyant des signes de reprise.

Le 29, la banque centrale du Sri Lanka dévoile son vaste plan de restructuration de la dette intérieure visant à rétablir la stabilité. Elle envisage une décote de 30% sur les obligations libellées en dollars, y compris les obligations souveraines internationales.

 

 

Slave Island, au bord de la famine

«La vie est plus dure que l'année dernière» quand les Srilankais célébraient l'éviction de leur président. Les joues creuses et les côtes saillantes, Milton Perera se demande toujours si sa famille pourra manger le lendemain.

Avant sa fuite spectaculaire l'an dernier, Gotabaya Rajapaksa était tenu pour responsable de la pire crise économique de l'île d'Asie du Sud depuis son indépendance en 1948. La population a alors souffert de sévères pénuries de nourriture et de carburant, de coupures d'électricité et d'une inflation galopante.

Mais un an après, Milton Perera, comptable à sa retraite, ainsi que des millions de ses compatriotes, bataillent pour se payer de quoi manger.

«L'année dernière, nous avions de l'argent, mais pas de biens. Aujourd'hui, on a des biens, mais nous n'avons pas d'argent», confie à l'AFP le retraité de 75 ans, dans son HLM délabré, à proximité du front de mer d'où les manifestants ont marché, il y a un an, sur le palais présidentiel, provoquant la chute et l'exil de Rajapaksa.

Sa maison de Slave Island -- un quartier populaire de Colombo où les Portugais avaient hébergé des esclaves africains pendant la période coloniale -- est inondé par un dégât des eaux. Les autorités municipales ne viennent pas, faute d'argent pour entretenir leurs biens.

Les joues creuses et les veines saillantes sur ses membres décharnés, M. Perera se déplace avec précaution, la respiration sifflante, en raison de son asthme chronique.

Avant la crise, les hôpitaux publics lui fournissaient gratuitement les médicaments indispensables. Mais il y a deux mois, ses allocations sociales ont été supprimées et il n'a plus les moyens de s'acheter un inhalateur pour traiter ses symptômes.

«Un inhalateur coûte 2.500 roupies (28 euros)», précise son épouse B. M. Pushpalatha, alors qu'il leur faut désormais «acheter» les médicaments à la pharmacie.

Les factures d'eau et d'électricité aussi ont doublé avec la suppression des subventions gouvernementales aux services publics.

Il y a un an, lors de la première visite de l'AFP dans le foyer, le couple, ses deux enfants et la famille élargie devaient déjà sauter régulièrement des repas. Un an plus tard, les supermarchés sont à nouveau bien approvisionnés en produits de base mais la famille de M. Perera ne peut pas les acheter.

«Nous ne pouvons pas nous permettre d'acheter de la viande, du poisson et des oeufs. C'est trop cher», soupire B. M. Pushpalatha, 69 ans, pendant que le couple partage un simple plat de lentilles et de riz.

- «Vous ne mourrez pas de faim» -

Le Sri Lanka a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022, alors que son économie connaissait une crise sans précédent.

Devant les stations-services, les files de voitures s'étiraient sur des kilomètres. Les automobilistes passaient des jours à attendre pour faire le plein -- beaucoup en sont morts.

Les familles n'avaient pas non plus de gaz pour faire cuire leurs aliments et l'agriculture était au point mort faute d'engrais.

Des mois de manifestations de colère ont abouti, le 9 juillet, à l'assaut du palais présidentiel et à l'exil de Rajapaksa.

Son successeur, Ranil Wickremesinghe, a négocié auprès du FMI un plan de sauvetage de 2,9 milliards de dollars en mars en échange d'un régime d'austérité sévère pour combler la dette.

Il a reconnu en février que «bon nombre» de ses décisions avaient été «impopulaires». Mais grâce à elles «aucun citoyen de ce pays ne mourra plus de déshydratation dans les files d'attente pour l'essence. Vous ne mourrez pas de faim sans gaz ni engrais», a-t-il alors proclamé devant la nation.

- Sept millions sous le seuil de pauvreté -

Mais quatre millions de Srilankais supplémentaires sont tombés sous le seuil de pauvreté depuis le début de la crise, selon Dhananath Fernando, directeur du groupe de réflexion Advocata Institute, basé à Colombo.

«Cela signifie qu'environ sept millions de personnes sur les 22 millions d'habitants que compte le pays gagnent moins de 14.000 roupies (42 euros) par mois», dit-il à l'AFP. Parmi eux, près de quatre millions de Sri Lankais n'ont pas les moyens de se nourrir convenablement, selon les Nations unies en juin.

Si les mesures d'austérité ne commencent pas à porter leurs fruits, l'île risque de renouer avec l'agitation sociale. «Si nous ne parvenons pas à remettre le Sri Lanka sur la voie de la croissance, je l'exclus pas complètement», redoute l'expert.

 

 


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".