Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

Des personnes font la queue pour acheter du kérosène à usage domestique dans une station d'approvisionnement à Colombo le 26 mai 2022. (Photo par ISHARA S. KODIKARA / AFP)
Des personnes font la queue pour acheter du kérosène à usage domestique dans une station d'approvisionnement à Colombo le 26 mai 2022. (Photo par ISHARA S. KODIKARA / AFP)
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Publié le Jeudi 20 juillet 2023

Les Srilankais quittent le navire face aux difficultés économiques

  • Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe
  • En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs

COLOMBO, Sri Lanka : Affligés par une crise sans précédent, les Srilankais avaient pris l'habitude de faire la queue pour de la nourriture ou du carburant. Mais un autre type de file d'attente a fait son apparition... devant les bureaux de l'émigration.

«Ce que nous voyons comme de la normalité n'est qu'un mirage», dit Gayan Jayewardena. L'homme de 43 ans fait la queue, désabusé, devant un bureau du gouvernement où il doit récupérer le passeport de sa petite dernière.

«La situation ne s'améliore pas», déplore ce responsable d'un service client, dont la femme et les deux autres filles disposent déjà du précieux carnet.

A court de devises étrangères, la petite île de l'océan Indien, exsangue, a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022.

La pénurie de dollars en a entraîné d'autres: nourriture, médicaments, électricité, carburants... alimentant une vague de colère et de manifestations qui ont abouti à la fuite du président d'alors, Gotabaya Rajapaksa, bouté hors de son palais envahi le 9 juillet. Il a quitté le pays le 13.

Son successeur, Ranil Wickremesinghe, est bien parvenu à reconstruire des stocks, mais les prix ont explosé.

Le dirigeant a surtout doublé les impôts et réduit diverses subventions, des mesures très impopulaires pour reprendre le contrôle des finances nationales, ce que le FMI le pressait de faire afin de débloquer un plan de renflouement de 2,9 milliards de dollars.

M. Wickremesinghe a fini par l'obtenir fin mars.

Toutefois, même si les manifestations se sont calmées, la transition n'a pas convaincu la population et des flopées de Srilankais ont décidé de faire leurs valises.

- «C'est mieux de partir» -

«Quand on se met dans la peau de nos enfants, c'est mieux de partir. Nous voulons émigrer dans un pays comme la Nouvelle-Zélande», explique Gayan Jayewardena.

Maduranga, un ingénieur de 38 ans qui ne répond qu'à ce seul nom, affirme quant à lui que la hausse du coût de la vie et des impôts le poussent à envisager son avenir en Australie.

«Le coût grimpe, ça monte tous les jours, mais le salaire est le même», regrette-t-il.

Au cours des cinq premiers mois de l'année, 433.000 titres d'émigration ont été délivrés par les services srilankais. L'an dernier, 911.689 passeports avaient été remis, à l'époque où le pays subissait une récession économique de 7,8%. En 2021, le chiffre était de 382.500, avec au contraire 3,3% de croissance.

Un système de demande en ligne a même été mis en place en juin, bien que ceux désirant obtenir leur sésame rapidement vite doivent se présenter en personne.

«Mon numéro était le 976 et je pense qu'il y avait encore 500 personnes après moi», raconte Damitha Hitihamu, 51 ans, stupéfait par l'affluence au service de renouvellement de passeport en un jour.

Depuis des décennies, nombreux sont les Srilankais qui partent travailler à l'étranger, occupant des emplois qualifiés ou pas, principalement dans les pays du Golfe.

Dans les médias, on parle tous les jours des pénuries de médecins, d'infirmiers, d'ingénieurs et d'autres travailleurs spécialisés à cause de l'émigration massive.

- La construction très touchée -

Le secteur de la construction, l'un des plus gros employeurs nationaux, a affirmé qu'il commençait à perdre ses propres ouvriers spécialisés et autres professionnels à une vitesse alarmante.

L'an dernier, dans un contexte de récession et d'inflation galopante, l'industrie du bâtiment a vu partir 200.000 employés, et nombre de ceux qui sont encore là veulent en fait s'en aller, selon Nissanka Wijeratne, le secrétaire général de la Chambre de l'industrie de la construction.

L'an dernier, le nombre de Srilankais qui se sont déclarés auprès du service des emplois à l'étranger, obligatoire avant de travailler hors du Sri Lanka, a atteint un record de 311.000, contre 122.000 en 2021.

En 2023, après cinq mois, déjà 122.000 personnes enregistrées, soit autant qu'en 2021, sont parties, mais des responsables estiment que beaucoup d'autres ont quitté le territoire avec des visas de tourisme pour trouver un emploi ailleurs en Asie ou au Moyen-Orient.

Lalantha Perera, 43 ans, raconte que son salaire d'assureur n'est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ses deux enfants et de sa femme. Il tente d'émigrer aussi.

«Après la campagne de manifestations l'an dernier, nous avons eu un peu de répit, dit-il à l'AFP. Mais ce n'est pas assez et je prévois de partir dans un pays européen».

Selon le groupe de réflexion Advocata, ce sont surtout les classes moyennes qui essaient d'émigrer.

Les plus pauvres, eux, «réduisent leurs repas», relève Dhananath Fernando, chef d'Advocata.

Wasantha Mudalige, dirigeant de la Fédération des étudiants de l'université de Nairobi, fait la grimace alors qu'il quitte sous caution le tribunal de Colombo Fort, à Colombo, le 1er février 2023. (Photo AFP)
Wasantha Mudalige, dirigeant de la Fédération des étudiants de l'université de Nairobi, fait la grimace alors qu'il quitte sous caution le tribunal de Colombo Fort, à Colombo, le 1er février 2023. (Photo AFP)

Le militant qui a renversé le président se prépare à une nouvelle révolte

La prison du Sri Lanka où il a été incarcéré l'an dernier a connu un moment de rare concorde, lorsque prisonniers et gardiens se sont pressés pour l'accueillir: c'est l'homme qui a renversé le président.

Le leader étudiant Wasantha Mudalige reste un symbole pour beaucoup, car il a su canaliser la colère de la population face à une crise économique sans précédent et constituer un mouvement qui a ébranlé les fondements du système politique srilankais.

Au plus fort des troubles de l'été dernier, il a participé au siège du palais présidentiel à Colombo, qui a conduit Gotabaya Rajapaksa, le président autrefois apprécié, à un exil humiliant. Et aujourd'hui l'activiste de 29 ans assure que le pays se prépare à une nouvelle révolte.

Le jeune homme, dont le visage chérubin dissimule des affrontements féroces avec la police anti-émeute, a passé des mois derrière les barreaux pour terrorisme.

Il se rappelle avoir «été accueilli très chaleureusement» à la prison, avec deux compagnons de lutte. «Même les gardiens de prison nous ont beaucoup soutenus. Ils nous considéraient comme les héros qui s'étaient débarrassés de Gota», le président déchu, a-t-il raconté à l'AFP en juin, après une audience devant le tribunal.

Aujourd'hui homme libre, M. Mudalige estime que son incarcération était un «sacrifice» nécessaire dans la bataille inachevée pour réformer le système politique du Sri Lanka.

Car «même si on s'est débarrassés de Gota, on n'a pas pu avoir le +changement de système+ qu'on demandait».

L'ancien chef de la Fédération interuniversitaire des étudiants (IUSF) «ne pense pas que le gouvernement puisse continuer longtemps». «Quand tu analyses la situation, ce n'est pas possible», ajoute-t-il.

- «Pas d'alternative» -

L'an dernier, Wasantha Mudalige avait à ses côtés une large coalition de moines bouddhistes vêtus de safran, de militants des minorités et de citoyens ordinaires indignés par la corruption du gouvernement et la mauvaise gestion de la crise économique.

«Ils n'avaient pas d'autre choix que de descendre dans la rue parce qu'ils n'avaient pas de carburant, pas de nourriture, pas d'électricité... les gens mouraient dans les files d'attente pour de l'essence», fustige l'activiste.

Le successeur de Rajapaksa, Ranil Wickremesinghe, a rapidement cherché à rétablir l'ordre en ordonnant à la police d'arrêter les dirigeants du mouvement.

Mudalige a été interpellé dans la rue alors qu'il quittait une manifestation contre la répression. Il a passé 167 jours en détention, soit la plus longue période de détention de tous ceux qui ont participé à la révolte de l'année dernière.

Il a été libéré sous caution, les charges les plus graves retenues contre lui ayant finalement été abandonnées après l'intervention et la condamnation d'Amnesty International et d'autres groupes de défense des droits humains.

- «Forces politiques anarchistes» -

Après la chute de son prédécesseur, M. Wickremesinghe a cherché à reconstruire le Sri Lanka grâce à un plan de sauvetage du FMI en échange d'un programme d'austérité. Si les pénuries qui avaient attisé la colère du peuple ont pris fin, les fortes hausses d'impôts et des factures d'énergie sont vite devenues impopulaires.

Le président Wickremesinghe affirme que ces réformes sont nécessaires pour sortir le Sri Lanka de la faillite et relancer la croissance économique. En février, il s'est engagé à aller de l'avant «quels que soient les obstacles que les forces politiques anarchistes cherchent à créer».

Son administration a maintenu une ligne dure à l'égard des protestataires, dispersant les manifestations à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau.

Mais Wasantha Mudalige prévient que les frustrations de la population acculée par la spirale des prix la ramèneront à coup sûr dans la rue.

«Il arrivera un moment où on devra inévitablement lancer une nouvelle bataille. La forme de cette bataille ne sera peut-être pas la même que la précédente (...), mais de toute évidence, il y aura un combat du peuple», promet-il.

«Le gouvernement utilise la police et l'armée pour supprimer toute dissidence. C'est comme essayer de faire couler une balle en plastique», explique-t-il. «Tu peux le faire autant de temps que tu veux, ça remontera toujours à la surface.»

 

Les principales étapes de la crise politique et économique au Sri Lanka

Le Sri Lanka traverse depuis plus d'un an une profonde crise économique et politique. Entre défaut sur sa dette extérieure, fuite du président d'alors et renflouement du FMI, l'AFP revient sur les événements marquants de ces quinze derniers mois:

- Nuit de violences -

Dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2022, des centaines de manifestants tentent de prendre d'assaut la résidence du président Gotabaya Rajapaksa à Colombo et réclament sa démission.

L'île d'Asie du Sud de 22 millions d'habitants vit sa pire crise économique depuis son indépendance en 1948 avec de sévères pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments.

Le 1er avril, les manifestations s'étendent. Le président proclame l'état d'urgence.

Le 3, le gouvernement démissionne à l'exception du président et de son frère aîné, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa.

Le 5, le président perd sa majorité au Parlement.

L'état d'urgence est levé.

- Défaut de paiement -

Le 12, le Sri Lanka fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars.

Le 6 mai, l'état d'urgence est réimposé après des grèves générales.

- Démission du Premier ministre -

Le 9 mai, le Premier ministre démissionne après des attaques de ses partisans contre les manifestants anti-gouvernementaux ayant fait neuf morts et plus de 225 blessés.

Le 12, le président nomme Ranil Wickremesinghe Premier ministre.

- Le président en exil -

Le 9 juillet, le président fuit son palais envahi.

Le 13, il quitte le pays, et démissionne par courriel depuis Singapour le lendemain (il rentrera à Colombo le 2 septembre).

Toujours le 13 juillet, Ranil Wickremesinghe, 73 ans, devient président par intérim.

Le 20, il est élu.

- Accord avec le FMI -

Le 18 août, expiration de l'état d'urgence.

Le 30, le président annonce une hausse de la TVA de 12 à 15% pour tous les biens et services.

Le 1er septembre, le FMI annonce une aide conditionnelle de 2,9 milliards de dollars pour assainir les finances du Sri Lanka qui devra aussi obtenir des "assurances financières" de ses créanciers.

- En faillite jusqu'en 2026 -

Le 8 février, le président déclare au Parlement que Le Sri Lanka va rester en faillite au moins jusqu'en 2026.

Le 23 février, premier investissement étranger majeur depuis le défaut de paiement: 442 millions de dollars du conglomérat indien Adani sont annoncés.

Le 7 mars, Ranil Wickremesinghe annonce que la Chine accepte de restructurer ses prêts au Sri Lanka. Le dernier obstacle au déblocage du plan de sauvetage du FMI est levé.

Le 16 mars, contraction record de l'économie: 7,8% en 2022.

- Plan d'aide du FMI et restructuration -

Le 20 mars, le FMI valide un plan d'aide de 2,9 milliards de dollars sur 48 mois.

Le 23 mai, le Fonds demande au Sri Lanka d'accélérer la restructuration de sa dette.

Le 1er juin, la banque centrale réduit fortement ses taux d'intérêt pour la première fois en trois ans, voyant des signes de reprise.

Le 29, la banque centrale du Sri Lanka dévoile son vaste plan de restructuration de la dette intérieure visant à rétablir la stabilité. Elle envisage une décote de 30% sur les obligations libellées en dollars, y compris les obligations souveraines internationales.

 

 

Slave Island, au bord de la famine

«La vie est plus dure que l'année dernière» quand les Srilankais célébraient l'éviction de leur président. Les joues creuses et les côtes saillantes, Milton Perera se demande toujours si sa famille pourra manger le lendemain.

Avant sa fuite spectaculaire l'an dernier, Gotabaya Rajapaksa était tenu pour responsable de la pire crise économique de l'île d'Asie du Sud depuis son indépendance en 1948. La population a alors souffert de sévères pénuries de nourriture et de carburant, de coupures d'électricité et d'une inflation galopante.

Mais un an après, Milton Perera, comptable à sa retraite, ainsi que des millions de ses compatriotes, bataillent pour se payer de quoi manger.

«L'année dernière, nous avions de l'argent, mais pas de biens. Aujourd'hui, on a des biens, mais nous n'avons pas d'argent», confie à l'AFP le retraité de 75 ans, dans son HLM délabré, à proximité du front de mer d'où les manifestants ont marché, il y a un an, sur le palais présidentiel, provoquant la chute et l'exil de Rajapaksa.

Sa maison de Slave Island -- un quartier populaire de Colombo où les Portugais avaient hébergé des esclaves africains pendant la période coloniale -- est inondé par un dégât des eaux. Les autorités municipales ne viennent pas, faute d'argent pour entretenir leurs biens.

Les joues creuses et les veines saillantes sur ses membres décharnés, M. Perera se déplace avec précaution, la respiration sifflante, en raison de son asthme chronique.

Avant la crise, les hôpitaux publics lui fournissaient gratuitement les médicaments indispensables. Mais il y a deux mois, ses allocations sociales ont été supprimées et il n'a plus les moyens de s'acheter un inhalateur pour traiter ses symptômes.

«Un inhalateur coûte 2.500 roupies (28 euros)», précise son épouse B. M. Pushpalatha, alors qu'il leur faut désormais «acheter» les médicaments à la pharmacie.

Les factures d'eau et d'électricité aussi ont doublé avec la suppression des subventions gouvernementales aux services publics.

Il y a un an, lors de la première visite de l'AFP dans le foyer, le couple, ses deux enfants et la famille élargie devaient déjà sauter régulièrement des repas. Un an plus tard, les supermarchés sont à nouveau bien approvisionnés en produits de base mais la famille de M. Perera ne peut pas les acheter.

«Nous ne pouvons pas nous permettre d'acheter de la viande, du poisson et des oeufs. C'est trop cher», soupire B. M. Pushpalatha, 69 ans, pendant que le couple partage un simple plat de lentilles et de riz.

- «Vous ne mourrez pas de faim» -

Le Sri Lanka a fait défaut sur sa dette extérieure de 46 milliards de dollars en avril 2022, alors que son économie connaissait une crise sans précédent.

Devant les stations-services, les files de voitures s'étiraient sur des kilomètres. Les automobilistes passaient des jours à attendre pour faire le plein -- beaucoup en sont morts.

Les familles n'avaient pas non plus de gaz pour faire cuire leurs aliments et l'agriculture était au point mort faute d'engrais.

Des mois de manifestations de colère ont abouti, le 9 juillet, à l'assaut du palais présidentiel et à l'exil de Rajapaksa.

Son successeur, Ranil Wickremesinghe, a négocié auprès du FMI un plan de sauvetage de 2,9 milliards de dollars en mars en échange d'un régime d'austérité sévère pour combler la dette.

Il a reconnu en février que «bon nombre» de ses décisions avaient été «impopulaires». Mais grâce à elles «aucun citoyen de ce pays ne mourra plus de déshydratation dans les files d'attente pour l'essence. Vous ne mourrez pas de faim sans gaz ni engrais», a-t-il alors proclamé devant la nation.

- Sept millions sous le seuil de pauvreté -

Mais quatre millions de Srilankais supplémentaires sont tombés sous le seuil de pauvreté depuis le début de la crise, selon Dhananath Fernando, directeur du groupe de réflexion Advocata Institute, basé à Colombo.

«Cela signifie qu'environ sept millions de personnes sur les 22 millions d'habitants que compte le pays gagnent moins de 14.000 roupies (42 euros) par mois», dit-il à l'AFP. Parmi eux, près de quatre millions de Sri Lankais n'ont pas les moyens de se nourrir convenablement, selon les Nations unies en juin.

Si les mesures d'austérité ne commencent pas à porter leurs fruits, l'île risque de renouer avec l'agitation sociale. «Si nous ne parvenons pas à remettre le Sri Lanka sur la voie de la croissance, je l'exclus pas complètement», redoute l'expert.

 

 


Le Vatican en deuil prépare les obsèques du pape

Le pape François dirige la messe d'ouverture du synode des évêques sur la famille à la basilique Saint-Pierre au Vatican, le 3 octobre 2015. (REUTERS/File)
Le pape François dirige la messe d'ouverture du synode des évêques sur la famille à la basilique Saint-Pierre au Vatican, le 3 octobre 2015. (REUTERS/File)
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  • Le Vatican en deuil annoncera mardi la date des funérailles du pape François, décédé lundi à 88 ans d'un AVC
  • Selon les règles du Saint-Siège, les funérailles devraient avoir lieu entre vendredi et dimanche

Cité du Vatican, Saint-Siège: Le Vatican en deuil annoncera mardi la date des funérailles du pape François, décédé lundi à 88 ans d'un AVC, après une première réunion des cardinaux, qui auront aussi la lourde tâche d'élire son successeur dans quelques semaines.

Les cardinaux ont été convoqués à 09H00 (07H00 GMT) pour une première congrégation générale, à l'issue de laquelle devrait être communiquée la date des obsèques du chef de l'Eglise catholique.

Selon les règles du Saint-Siège, les funérailles devraient avoir lieu entre vendredi et dimanche. Comme pour Jean-Paul II en 2005, des dizaines de chefs d'Etat et de têtes couronnées pourraient assister à cette cérémonie solennelle.

Le président américain Donald Trump, a annoncé lundi soir qu'il se rendrait aux funérailles avec sa femme Melania.

Déjà affaibli par une sévère pneumonie, le premier pape sud-américain et jésuite de l'Histoire a succombé lundi matin à un accident vasculaire cérébral (AVC), au terme de 12 ans de pontificat marqués par une grande popularité mais aussi une farouche opposition au sein de l'Eglise.

Sa dépouille devrait être transférée de la résidence Sainte-Marthe vers la basilique Saint-Pierre à partir de mercredi afin d'être exposée aux fidèles, sans catafalque, conformément aux volontés du pape argentin qui a souhaité introduire plus de simplicité et de sobriété.

Dans son testament, Jorge Bergoglio dit vouloir être inhumé à la basilique Sainte-Marie-Majeure dans une sépulture "sans décoration", avec pour seule inscription son nom en latin: "Franciscus".

Lundi soir, des milliers de fidèles, dont certains venus avec des fleurs ou des bougies, ont afflué au coucher du soleil place Saint-Pierre pour prier.

François "essayait de faire comprendre aux gens que peu importe l'orientation sexuelle, la race, aux yeux de Dieu. Je crois que c'est ce qui est le plus proche de ce que Jésus voulait dire", a confié à l'AFP Mateo Rey, un Mexicain de 22 ans étudiant à Rome.

- Hommages unanimes -

De l'Iran à l'Allemagne en passant par les Etats-Unis, l'UE, l'ONU, le Liban, Israël ou l'Autorité palestinienne, les dirigeants du monde entier ont rendu un hommage unanime à François.

Le chef d'Etat russe Vladimir Poutine a salué un "défenseur" de "l'humanisme et de la justice", tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a remercié celui qui "a prié pour la paix en Ukraine et pour les Ukrainiens".

Son compatriote, la star du football Lionel Messi qu'il avait rencontré, a évoqué "un pape différent, proche, argentin... Repose en paix, pape François", a-t-il écrit sur Instagram.

Le pape, sorti de l'hôpital le 23 mars, avait multiplié les apparitions publiques ces derniers jours en dépit de l'avis des médecins lui ayant prescrit un strict repos de deux mois.

Apparu épuisé dimanche, à l'occasion des célébrations de Pâques, il s'était tout de même offert un bain de foule en "papamobile" sur la place Saint-Pierre.

En 12 ans de pontificat, "Papa Francesco" s'est engagé sans relâche pour la défense des migrants, l'environnement et la justice sociale, sans remettre en cause les positions de l'Eglise sur l'avortement ou le célibat des prêtres.

Opposant acharné au commerce des armes, l'ancien archevêque de Buenos Aires est toutefois resté impuissant face aux conflits en Ukraine ou au Proche-Orient, malgré d'innombrables appels à la paix.

Ce politique madré au franc-parler abrasif a aussi voulu réformer une Curie - le gouvernement central du Saint-Siège - rongée par l'inertie, y développer la place des femmes et des laïcs et assainir les sulfureuses finances du Vatican.

Face au drame de la pédocriminalité dans l'Eglise, il a levé le secret pontifical et obligé religieux et laïcs à signaler les cas à leur hiérarchie. Sans convaincre les associations de victimes, qui lui ont reproché de ne pas être allé assez loin.


Le pape François est mort à 88 ans

Le pape François salue la foule lors d'une audience avec les groupes de prière de Padre Pio, au Vatican, le 6 février 2016. Le pape François est décédé le 21 avril 2025, a annoncé le Vatican. (Photo par Tiziana FABI / AFP)
Le pape François salue la foule lors d'une audience avec les groupes de prière de Padre Pio, au Vatican, le 6 février 2016. Le pape François est décédé le 21 avril 2025, a annoncé le Vatican. (Photo par Tiziana FABI / AFP)
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  • Le pape François est mort lundi matin au Vatican à l'âge de 88 ans, un mois après avoir été hospitalisé pour une sévère pneumonie.
  • Les réactions internationales ont afflué à l'annonce de son décès.

Cité du Vatican, Saint-Siège : Le pape François, populaire chez les fidèles mais confronté à une farouche opposition au sein même de l'Église catholique, est mort lundi matin au Vatican à l'âge de 88 ans, un mois après avoir été hospitalisé pour une sévère pneumonie.

« Ce matin à 7 h 35 (5 h 35 GMT), l'évêque de Rome, François, est revenu auprès du Père. Toute sa vie a été consacrée au service du Seigneur et de son Église », a annoncé le cardinal camerlingue Kevin Farrell dans un communiqué publié par le Vatican.

Le pape argentin était sorti de l'hôpital le 23 mars après y avoir été hospitalisé pendant 38 jours pour une pneumonie bilatérale, soit sa quatrième et plus longue hospitalisation depuis le début du pontificat en 2013. Malgré les recommandations des médecins qui lui avaient conseillé d'observer un repos strict de deux mois, il avait multiplié les apparitions publiques ces derniers jours, au contact des fidèles, de prisonniers ou de dirigeants.

Dimanche, à l'occasion des célébrations de Pâques, il était apparu très affaibli mais avait participé à un bain de foule en « papamobile » au milieu de milliers de fidèles sur la place Saint-Pierre. 

Visiblement très éprouvé, il avait toutefois été contraint de déléguer la lecture de son texte à un collaborateur, ne pouvant prononcer que quelques mots, la voix essoufflée.

Les réactions internationales ont afflué à l'annonce de son décès.

Le président français Emmanuel Macron a adressé « ses condoléances aux catholiques du monde entier », rendant hommage à un homme qui a toujours été « aux côtés des plus vulnérables et des plus fragiles ».

Outre l'Allemagne et l'Espagne, l'Iran a présenté ses condoléances. Le président israélien Isaac Herzog a salué « un homme de foi profonde et de compassion sans fin », tandis que la Première ministre italienne Giorgia Meloni l'a qualifié de « grand homme ». La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a évoqué « son humilité et son amour si pur pour les plus démunis ».

Lundi matin, de nombreux fidèles du Vatican ont appris la nouvelle sur leur téléphone portable tandis que les cloches des églises de Rome sonnaient le glas.

« J'étais là par hasard, j'ai entendu la nouvelle dans un magasin à la radio, c'est un grand pape qui est parti », a confié à l'AFP Fabio Malvesi, âgé de 66 ans. « Il a changé bien des choses, brisé des barrières, c'était quelqu'un de simple et de grand. » 

Problèmes de hanche, douleurs au genou, opérations, infections respiratoires : le pape, qui se déplaçait en fauteuil roulant, affichait une santé déclinante, mais avait tenu à maintenir un rythme effréné.

Selon les prévisions, les obsèques devraient durer neuf jours et un délai de 15 à 20 jours sera nécessaire pour organiser le conclave au cours duquel les cardinaux électeurs, dont près de 80 % ont été choisis par François lui-même, devront élire son successeur.

Entre-temps, c'est le cardinal camerlingue, l'Irlandais Kevin Farrell, qui assurera l'intérim.

Fin 2023, François avait révélé qu'il souhaitait être inhumé dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans le centre de Rome, plutôt que dans la crypte de la basilique Saint-Pierre, une première depuis plus de trois siècles. 

En outre, en novembre, le Vatican a publié un rituel simplifié pour les funérailles papales, notamment l'inhumation dans un simple cercueil de bois et de zinc, marquant ainsi la fin des trois cercueils imbriqués en cyprès, en plomb et en chêne.

En 12 ans de pontificat, le premier pape jésuite et sud-américain de l'histoire s'est engagé sans relâche pour la défense des migrants, de l'environnement et de la justice sociale, sans remettre en cause les positions de l'Église sur l'avortement ou le célibat des prêtres.

- Réformes multiples -

Ces derniers temps, les alertes sur sa santé se sont multipliées, alimentant les spéculations sur une éventuelle renonciation dans la lignée de son prédécesseur Benoît XVI.

Le chef spirituel de près de 1,4 milliard de catholiques avait déjà connu deux hospitalisations en 2023, dont une pour une lourde opération de l'abdomen, et avait été contraint d'annuler plusieurs engagements ces derniers mois. 

Amateur de musique et de football, François, allergique aux vacances, enchaînait souvent une dizaine de rendez-vous par jour. En septembre, il avait même effectué le plus long voyage de son pontificat, un périple de 12 jours aux confins de l'Asie du Sud-Est et de l'Océanie.

À Rome comme à l'étranger, le « pape du bout du monde », élu le 13 mars 2013, a dénoncé sans relâche toutes les formes de violence, de la traite des êtres humains aux catastrophes migratoires, en passant par l'exploitation économique.

En février, il avait encore condamné les expulsions massives de migrants voulues par le président américain Donald Trump, ce qui lui avait valu les foudres de la Maison Blanche. 

Opposant acharné au commerce des armes, il est toutefois resté impuissant face aux conflits en Ukraine ou au Proche-Orient, malgré d'innombrables appels à la paix.

Ce politique rusé au franc-parler abrasif a également voulu réformer la Curie, le gouvernement central du Saint-Siège, rongé par l'inertie, et y développer la place des femmes et des laïcs, ainsi que assainir les sulfureuses finances du Vatican.

Face au drame de la pédocriminalité dans l'Église, il a levé le secret pontifical et obligé religieux et laïcs à signaler les cas à leur hiérarchie. Une initiative qui n'a pas convaincu les associations de victimes, qui lui ont reproché de ne pas être allé assez loin.

- « Périphéries » -

Attaché au dialogue interreligieux, notamment avec l'islam, il a défendu jusqu'au bout une Église « ouverte à tous », ce qui lui a valu les foudres des mouvements populistes pour son soutien aux migrants.

Si ce pape au style chaleureux a suscité une grande ferveur populaire, en souhaitant chaque dimanche « bon appétit » aux fidèles place Saint-Pierre, il a également été durement critiqué par une opposition conservatrice pour son supposé manque d'orthodoxie et une gouvernance jugée autoritaire. 

Les levées de boucliers suscitées par certaines décisions, comme l'ouverture des bénédictions de couples de même sexe fin 2023 ou la restriction des célébrations de la messe en latin, en témoignent.

Ces critiques ont également été alimentées par l'ombre de Benoît XVI, qui a résidé au Vatican jusqu'à sa mort fin 2022, entretenant ainsi la saga des « deux papes ».

La « guerre civile » au sein de l'Église a atteint des sommets avec les diatribes de certains cardinaux, notamment avant le Synode sur l'avenir de l'Église fin 2023.

Le style détonant du pape François, qui a préféré un sobre deux-pièces de 70 m^(2) aux ors du palais apostolique, lui a aussi valu d'être accusé de désacraliser à l'excès la fonction.

Le 266^e pape, davantage intéressé par les « périphéries » de la planète que par les grands pays occidentaux, a également réorienté les débats au sein de l'Église, à l'image de son encyclique écologiste et sociale Laudato si' en 2015, réquisitoire très remarqué contre la finance exaltant la sauvegarde de la planète.


Guerre commerciale: Pékin dénonce les pays jouant l'"apaisement" à l'égard de Washington

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  • « L'apaisement n'apportera pas la paix et le compromis ne sera pas respecté », a estimé dans un communiqué un porte-parole du ministère du Commerce chinois.
  • « Si une telle situation se produisait, la Chine ne l'accepterait jamais et prendrait résolument des contre-mesures. »

PEKIN : La Chine a dénoncé lundi les pays qui pratiquent l'apaisement à l'égard des États-Unis dans les négociations commerciales sur les droits de douane américains, affirmant « s'opposer fermement » à tout accord nuisant à ses intérêts.

« L'apaisement n'apportera pas la paix et le compromis ne sera pas respecté », a estimé dans un communiqué un porte-parole du ministère du Commerce chinois, ajoutant que le pays « s'oppose fermement à ce qu'une quelconque partie parvienne à un accord au détriment de ses intérêts ».

« Si une telle situation se produisait, la Chine ne l'accepterait jamais et prendrait résolument des contre-mesures. »

Le président américain Donald Trump a imposé des droits de douane allant jusqu'à 145 % sur un grand nombre de produits importés de Chine, ce qui porte le total des taxes à 245 % dans certains cas, notamment pour les véhicules électriques. 

Pékin a répliqué en instaurant une taxe de 125 % sur les produits américains.

Les partenaires commerciaux des États-Unis sont frappés par une surtaxe plancher de 10 %, tandis que M. Trump a suspendu, le 9 avril, l'entrée en vigueur de droits de douane bien plus élevés pour la plupart des pays concernés, pour une période de 90 jours. Nombre de ces pays ont engagé des discussions avec Washington.

« Chercher ses propres intérêts égoïstes temporaires au détriment des intérêts des autres (...) finira par échouer des deux côtés et nuira aux autres », a averti le ministère du Commerce chinois dans son communiqué.