COLOMBO: Le Sri Lanka a célébré samedi les 75 ans de son indépendance par un défilé militaire sans lustre, son président appelant à une réflexion sur les "erreurs et les échecs" du passé en cette période de crise nationale.
Depuis la fin de la colonisation britannique en 1948, la nation insulaire a passé une grande partie de son histoire en guerre contre elle-même, y compris une rébellion séparatiste tamoule de plusieurs décennies qui a fait jusqu'à 100.000 morts et deux insurrections communistes meurtrières.
Ses 22 millions d'habitants sont encore sous le choc des difficultés provoquées par un effondrement économique sans précédent l'année dernière qui a entraîné des mois de pénurie de nourriture et de carburant.
Le président Ranil Wickremesinghe, qui a pris ses fonctions en juillet au plus fort de l'agitation politique qui en a résulté, a souligné que l'anniversaire de ce samedi arrivait à "un moment extrêmement critique et difficile".
"C'est l'occasion pour nous non seulement de passer en revue nos forces et nos acquis en tant que nation, mais aussi de rectifier nos erreurs et nos échecs", a-t-il mis en avant dans un communiqué.
M. Wickremesinghe, flanqué de hauts gradés, a regardé pendant une heure la procession de soldats et de véhicules de l'armée le long d'un boulevard en bord de mer dans la capitale Colombo, qui a débuté par des tirs d'artillerie cérémoniels et qui a été boycottée par les partis d'opposition.
Pendant plusieurs mois l'année dernière, ce même boulevard avait été le site d'un campement de protestation érigé par des Sri Lankais indignés par le désastre économique sur l'île et la mauvaise gestion menée par ses dirigeants.
Le mouvement de protestation a atteint son apogée en juillet lorsqu'une foule immense a pris d'assaut le domicile du prédécesseur de M. Wickremesinghe et l'a chassé vers un exil temporaire d'où il a présenté sa démission.
M. Wickremesinghe a ordonné aux forces de sécurité de démanteler le camp quelques heures après avoir prêté serment et a depuis entrepris de rétablir les finances en ruine du Sri Lanka.
L'histoire du Sri Lanka en 10 dates-clés
Voici 10 dates-clés de l'histoire du Sri Lanka, île de l'océan Indien qui a célébré samedi le 75e anniversaire de son indépendance :
- 1948 : indépendance -
Le 4 février 1948, Ceylan devient indépendant de la Grande-Bretagne. En 1972, l'île, rebaptisée Sri Lanka, devient une république.
- 1972 : Tigres tamouls -
Début de la rébellion séparatiste des Nouveaux Tigres Tamouls, renommés Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) en 1976. Avec des attentats suicides, assassinats et attaques d'infrastructures, elle va mener une guérilla pour la création d'un Etat indépendant pour la minorité ethnique tamoule dans le nord et l'est de l'île.
- 1987 : mission de paix indienne -
L'Inde déploie des troupes de maintien de la paix dans le nord et l'est du Sri Lanka pour mettre fin à la guerre civile mais finit par combattre la guérilla qu'elle avait précédemment entraînée et équipée.
L'Inde se retire en 1990 après avoir perdu plus de 1.200 soldats.
- 1993 : président assassiné -
Le président sri-lankais Ranasinghe Premadasa est assassiné par les Tigres dans un attentat-suicide.
- 2004 : tsunami -
Près de 31.000 personnes sont tuées au Sri Lanka au lendemain de Noël dans un tsunami qui fait 220.000 morts dans la région de l'océan Indien.
- 2009 : fin de la guerre civile -
La rébellion est écrasée par l'armée et ses dirigeants sont tués, mettant fin à une guerre civile de 37 ans qui a fait jusqu'à 100.000 morts.
- 2015 : l'Onu réclame une enquête-
L'Onu réclame une enquête indépendante sur des présumés crimes de guerre commis par les forces gouvernementales durant la guerre civile. Selon des défenseurs des droits humains, quelque 40.000 civils tamouls ont été tués dans les derniers mois du conflit.
- 2018 : crise politique -
Le président Maithripala Sirisena limoge son Premier ministre, remplacé par l'ancien président controversé Mahinda Rajapaksa (2005-2015). Il provoque une crise politique avec la dissolution du Parlement, décision ensuite annulée par la Cour suprême.
- 2019: attentats de Pâques -
Des attaques suicide coordonnées commises par des jihadistes contre trois églises bondées pour la messe de Pâques et trois hôtels de la capitale Colombo, font 279 morts. S'ensuivent des agressions contre la minorité musulmane.
- 2022 : désastre économique -
L'île se déclare en défaut de paiement en avril sur sa dette extérieure.
Après trois mois de troubles, le président Gotabaya Rajapaksa est contraint en juillet de fuir son palais envahi par des manifestants qui le tiennent pour responsable de la pire crise économique de l'histoire du pays. Il s'enfuit à l'étranger avant de démissionner.
Son successeur Ranil Wickremesinghe obtient du Fonds monétaire international une aide conditionnelle de 2,9 milliards de dollars.
Nombreuses calamités
Son gouvernement a augmenté les impôts et négocie avec les créanciers internationaux, dont l'Inde et la Chine, pour ouvrir la voie à un renflouement du Fonds monétaire international dont le pays a un besoin urgent.
Mais l'impact de la crise se fait encore durement sentir, le chef de l'Etat ayant déclaré la semaine dernière que l'économie s'était contractée de près de 11% en 2022.
Vendredi, l'agence des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a indiqué que près d'un Sri Lankais sur trois avait besoin d'une aide humanitaire en raison de la récession.
"Le Sri Lanka est une nation en faillite, nous devons donc repartir de zéro maintenant", explique à l'AFP un expert politique, Ranga Kalansooriya.
Selon lui, le Sri Lanka doit encore panser les plaies des conflits qui ont affecté le pays pendant des décennies. "Nous avions besoin d'un Mandela au Sri Lanka" mais les dirigeants politiques du pays n'ont pas réussi à instaurer la réconciliation, déplore-t-il.
L'effondrement économique est la dernière en date des nombreuses calamités qui ont émaillé l'histoire du Sri Lanka depuis son indépendance.
Au lendemain de Noël 2004, près de 31.000 personnes avaient été tuées lorsqu'un tsunami a frappé les côtes de ce pays tropical.
Selon les groupes de défense des droits humains, jusqu'à 40.000 civils ont été tués au cours des dernières semaines de la guerre civile qui s'est achevée en 2009, lors d'un assaut de l'armée qui a écrasé les restes du commandement des Tigres tamouls.
Le Sri Lanka a résisté aux appels internationaux en faveur d'une enquête sur les allégations de crimes de guerre et les gouvernements ultérieurs ont été accusés d'encourager la discrimination continue à l'encontre de la minorité tamoule de l'île.
En 2019, une série d'attaques islamistes coordonnées contre des hôtels et des églises pendant les offices du dimanche de Pâques avait fait par ailleurs 279 morts.