TUNIS: Un an et demi après son arrivée aux commandes du pays, Najla Bouden est attaquée de toute part. L’opposition et les partis proches du pouvoir réclament son départ, alors que le président, peu satisfait de ses ministres, en a limogé plus du quart depuis le mois de janvier 2023.
Najla Bouden regrette-t-elle ce jour de fin septembre 2021, quand le président Kaïs Saïed a nommé la directrice générale de la qualité au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique qu’elle était alors, faisant d’elle la première femme chef de gouvernement de l’histoire de la Tunisie et du monde arabe? La question se pose, car les mois écoulés depuis sa prise de fonction, le 11 octobre 2021, sont fort probablement les plus longs dans la vie.
Aucun des neuf prédécesseurs de Mme Najla Bouden n’avait à ce point fait l’unanimité contre lui. Tout naturellement, c’est l’opposition qui a été la première à tirer à boulets rouges sur le troisième chef de gouvernement choisi par le président Kaïs Saïed, après Hichem Mechichi et Elyes Fakhfakh.
Le jour même de la prise de fonction du gouvernement, Ahmed Néjib Chebbi, fondateur de deux formations politiques, le Parti démocrate progressiste et Al Joumhouri, porté sept mois plus tard à la tête du Front du salut national – qui regroupe les partis (parmi lesquels Ennahdha) écartés le 25 juillet 2021 du pouvoir par le président –, qualifie la nouvelle équipe ministérielle de «gouvernement de gestion des affaires courantes». Selon lui, elle «ne peut réaliser les attentes des Tunisiens».
Le chef de l’État tunisien a manifesté à plusieurs reprises sa colère en limogeant depuis le mois de janvier sept ministres sur un total de vingt-quatre.
Moncef Mahroug
Depuis, ce vétéran de la politique tunisienne et ses alliés ont fait du départ du président Saïed leur priorité, ce qui entraînerait celui de son gouvernement. À l’inverse, les partis proches du chef de l’État continuent de le soutenir ou en tout cas de le ménager, s’acharnant sur Najla Bouden et son équipe ministérielle.
À titre d’exemple, le mouvement Azimoun («Déterminés»), le Mouvement du peuple et Ilal-Amam («En avant»), acquis à Kaïs Saïed, réclament depuis l’annonce des résultats définitifs des élections législatives, en janvier 2023, la formation d’un «gouvernement politique».
Le président Kaïs Saïed a choisi pour le moment d’ignorer ces appels, mais cela ne veut pas dire qu’il est satisfait de l’actuel gouvernement. Tout en ménageant son chef, Najla Bouden, du moins en public, il a multiplié les piques à l’adresse des ministres – sans les nommer –, notamment vis-à-vis de la ministre du Commerce en raison des pénuries à répétition de produits de base. Le chef de l’État tunisien a manifesté à plusieurs reprises sa colère en limogeant depuis le mois de janvier dernier sept ministres – des Affaires étrangères, du Commerce, de l’Agriculture, de l’Éducation, de la Formation professionnelle et de l’Emploi, de l’Industrie et de l’Intérieur – sur un total de vingt-quatre.
Mais, contrairement au président, Najla Bouden serait plutôt encline à donner satisfaction à tous ceux qui réclament son départ et celui de ses ministres. C’est du moins ce que donne à penser une information, colportée notamment par Ghazi Chaouachi, ancien ministre et secrétaire général du Courant démocrate, aujourd’hui en prison, qui fait état de la démission de Najla Bouden. Cette rumeur avait alors été démentie par les ministres des Affaires sociales, Malek Ezzahi, et celui de la Formation professionnelle et de l’Emploi, Nasreddine Nsibi – limogé en février 2023 –, mais non par la première concernée.