Paris a rapatrié 10 femmes et 25 enfants des camps de prisonniers jihadistes en Syrie

Des femmes voilées, vivant dans le camp d'al-Hol qui abrite des proches de membres du groupe État islamique (EI), marchent dans le camp du gouvernorat d'al-Hasakeh, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2019. (Photo d'illustration AFP / GIUSEPPE CACACE)
Des femmes voilées, vivant dans le camp d'al-Hol qui abrite des proches de membres du groupe État islamique (EI), marchent dans le camp du gouvernorat d'al-Hasakeh, dans le nord-est de la Syrie, le 28 mars 2019. (Photo d'illustration AFP / GIUSEPPE CACACE)
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Publié le Mardi 04 juillet 2023

Paris a rapatrié 10 femmes et 25 enfants des camps de prisonniers jihadistes en Syrie

  • "Les mineurs sont remis aux services chargés de l'aide sociale à l'enfance" et vont faire l'objet d'un suivi médico-social tandis que "les adultes sont remises aux autorités judiciaires compétentes"
  • Ces Françaises s'étaient rendues volontairement dans les territoires contrôlés par les groupes jihadistes en zone irako-syrienne

PARIS: La France a procédé mardi au rapatriement de 10 femmes et 25 enfants qui étaient détenus dans les camps de prisonniers jihadistes dans le Nord-Est de la Syrie, quatrième opération collective du genre en un an, qui a mis fin à la politique du "cas par cas".

"Les mineurs sont remis aux services chargés de l'aide sociale à l'enfance" et vont faire l'objet d'un suivi médico-social tandis que "les adultes sont remises aux autorités judiciaires compétentes", a précisé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Ces Françaises s'étaient rendues volontairement dans les territoires contrôlés par les groupes jihadistes en zone irako-syrienne. Puis, elles avaient été capturées au moment de la chute de l'Organisation de l'Etat islamique (EI) en 2019.

Tout adulte qui a rejoint la zone irako-syrienne et qui y est resté fait l'objet d'une procédure judiciaire.

Il y a tout juste un an, la France a mis fin à la politique du "cas par cas", qui lui a valu d'être condamnée par des instances internationales et blâmées par des organismes consultatifs français.

Aux côtés de nombreuses femmes de diverses nationalités, ces ressortissantes françaises vivent dans les camps d'Al-Hol et de Roj contrôlés par les Kurdes, où la violence est endémique et où les privations sont nombreuses.

Au total, 16 femmes et 35 enfants avaient ainsi été ramenés en France lors d'une première opération collective il y a un, suivie en octobre du retour de 15 femmes et 40 enfants.

En janvier, la France avait ensuite annoncé le rapatriement de 15 femmes et 32 enfants, quelques jours après avoir été condamnée par le Comité contre la torture de l'ONU.

Crainte des attentats

La question de leur rapatriement est sensible dans de nombreux pays, particulièrement en France, qui a été frappée par des attentats jihadistes, notamment en 2015, fomentés par l'organisation de l'EI.

La France avait donc opté jusqu'à l'été 2022 pour le rapatriement ciblé, à savoir le retour d'enfants orphelins ou de mineurs dont les mères avaient accepté de renoncer à leurs droits parentaux.

Seuls une trentaine d'enfants présumés orphelins avaient ainsi été rapatriés par Paris, dont les derniers début 2021.

Comme la France et malgré les exhortations répétées des Kurdes de Syrie, nombre de pays occidentaux ont longtemps refusé de rapatrier leurs citoyens des camps du nord-est syrien, se contentant de retours au compte-goutte par crainte d'éventuels actes terroristes sur leur sol.

Début mars, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait réclamé le rapatriement des familles retenues dans le camp d'Al-Hol en Syrie, le qualifiant alors de "pire camp au monde" abritant des milliers de ressortissants étrangers.

Le ministère français n'était pas en mesure de dire combien de femmes françaises et enfants sont encore détenus en Syrie.

"Il reste dans ces camps une centaine d'enfants qui ne connaissent que la fange, les barbelés et la violence", affirme mardi Marie Dosé, avocate de familles de femmes et d'enfants retenus dans les camps du Nord-Est syrien.

Elle estime que la France "a les moyens d'imposer le retour de ces enfants, qui peuvent tout à fait être conduits avec leurs mères au Kurdistan irakien en vue de leur expulsion vers la France, que ce retour soit ou non accepté par ces femmes".

Elle déplore la double peine pour des enfants "victimes (...) du choix de leurs parents d'abord, de celui de la France ensuite, qui a refusé de les rapatrier pendant cinq ans".

Une source proche du dossier indiquait en mai à l'AFP que "seulement quelques femmes demandaient encore leur rapatriement". Les autres toujours présentes là-bas "ne veulent pas rentrer", avait expliqué cette source.

Elles sont environ "80 dans ce cas", avait précisé cette même source. Ce qui n'est pas sans poser la question de l'éventuel rapatriement des enfants quand celles-ci sont mères.

Dernier rapatriement ?
Selon le collectif des familles Unies, des représentants du gouvernement français se sont 
rendus dans le camp Roj en mai où ils se sont entretenus avec "toutes les femmes françaises". Ils "leur ont demandé si elles acceptaient ou non d'être rapatriées avec leurs enfants lors d'un rapatriement (...) présenté comme étant +le dernier+".

Le collectif, qui dénonce des conditions de vie "incompatibles avec le respect de la dignité humaine", exhorte le gouvernement à prendre "dès à présent toutes les mesures nécessaires pour rapatrier l'intégralité des enfants français détenus en Syrie, ainsi que leurs mères".


Mort du présentateur et écrivain Bernard Pivot à l'âge de 89 ans

Bernard Pivot a fait lire des millions de Français grâce à son émission "Apostrophes. (Photo, AFP)
Bernard Pivot a fait lire des millions de Français grâce à son émission "Apostrophes. (Photo, AFP)
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  • Un livre à la main, sa paire de lunettes dans l'autre: l'image du présentateur de la plus populaire des émissions de littérature reste gravée dans les mémoires
  • Il se définissait avant tout comme journaliste, un métier dont il a connu toutes les facettes

PARIS: Bernard Pivot, décédé lundi à l'âge de 89 ans, est l'homme qui a fait lire les Français, finissant par être plus connu du grand public que nombre des écrivains qu'il a interviewés ou primés avec le Goncourt.

Un livre à la main, sa paire de lunettes dans l'autre: l'image du présentateur de la plus populaire des émissions de littérature reste gravée dans les mémoires.

"Apostrophes" a duré quinze ans, de 1975 à 1990, suivie par des millions de téléspectateurs. Et certains extraits ont toujours un gros succès sur internet.

La popularité du journaliste littéraire, qui rassemblait près d'un million d'abonnés sur Twitter, n'a pas été entamée par certaines polémiques, mais il choque en septembre 2019 avec un tweet jugé sexiste à propos de l'activiste suédoise Greta Thunberg.

Avant tout journaliste

D'autres se souviennent de lui, vêtu de la vieille blouse grise des instituteurs, comme celui qui tenta de réconcilier les francophones avec l'orthographe en organisant, à partir de 1985, les Dicos d'or, championnat d'orthographe vite devenu international.

En 2004, il est le premier "non-écrivain" coopté au sein de l'Académie Goncourt. Il en devient le président en 2014 et s'en retire fin 2019.

Il a signé trois romans: "L'Amour en vogue" (1959), qu'il ne trouve pas sérieux, "Oui, mais quelle est la question?" (2012) et "...mais la vie continue" (2021), proches de l'autofiction. Plusieurs essais également, sur la langue française mais aussi sur ses deux autres grandes passions: le vin et le football.

Né à Lyon le 5 mai 1935, dans une famille de petits commerçants, il a passé son enfance dans le Beaujolais. En football, c'était un fidèle de l'AS Saint-Etienne et de l'équipe de France.

Il se définissait avant tout comme journaliste, un métier dont il a connu toutes les facettes. Après des débuts comme stagiaire au Progrès de Lyon, il entre au Figaro littéraire en 1958. Chef de service au Figaro en 1971, il démissionne en 1974 après un désaccord avec Jean d'Ormesson (qui deviendra son invité télé le plus fréquent). Il passe par Lire, Le Point, Le Journal du dimanche.

Créer une intimité

C'est le jour de l'an 1967 que Pivot apparaît pour la première fois à la télévision.

En 1974, après l'éclatement de l'ORTF, il a l'idée d'"Apostrophes", diffusé pour la première fois sur Antenne 2 le 10 janvier 1975.

Cette émission qu'il anime en direct, après le Concerto pour piano numéro 1 de Rachmaninov, est indétrônable le vendredi soir. On y rit beaucoup, on rivalise d'esprit... Le public adore, les ventes suivent.

Les géants des lettres se succèdent dans ce salon d'un nouveau genre où Pivot sait créer une intimité et réunir des duos improbables. 

Sagan, Barthes, Nabokov, Bourdieu, Eco, Le Clézio, Modiano, Levi-Strauss ou encore le président Mitterrand seront ses invités. En 1987, il interviewe clandestinement Lech Walesa en Pologne. Facétieux et lecteur minutieux, il soumet ses invités au "questionnaire de Pivot", inspiré de celui de Proust.

Quand "Apostrophes" s'arrête, l'infatigable journaliste crée "Bouillon de culture", toujours sur le service public, à l'horizon plus large que les livres. Quand l'émission cesse en juin 2001, le dernier numéro rassemble 1,2 million de téléspectateurs. 

 


Jordan Bardella, le nouvel atout de l'extrême droite française

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire  (Photo, AFP).
M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire (Photo, AFP).
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  • Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021
  • M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers

Il est le nouvel atout du Rassemblement national, celui qui espère faire du parti d'extrême droite la première formation de France aux prochaines européennes. Jordan Bardella, 28 ans, séduit de plus en plus d'électeurs, en dépit de critiques récurrentes sur son manque de fond et sa "duplicité".

Formules ciselées pour cogner et sourire à toute épreuve pour les selfies: la tête de liste du RN donne un coup de jeune au parti historique de l'extrême droite française fondé au début des années 1970 par Jean-Marie Le Pen, 95 ans.

La stratégie de dédiabolisation entamée il y a une dizaine d'années par sa fille Marine Le Pen, qui a lissé l'image du parti et rompu avec les déclarations antisémites et racistes de son fondateur, trouve son aboutissement avec Bardella. Il s'est imposé en moins de cinq ans dans un paysage politique en plein renouvellement.

Crédité de 32% des intentions de vote à moins de cinq semaines du scrutin, loin devant la liste de la majorité présidentielle d'Emmanuel Macron à 17%, le jeune homme au physique de gendre idéal "séduit dans toutes les catégories", résume le sondeur Frédéric Dabi dans La Croix.

"Le Rassemblement national devient un parti attrape-tout, présent dans toutes les catégories et géographies", abonde Gilles Finchelstein, de la fondation Jean Jaurès, pour qui "le RN sans le moindre doute finira en tête, comme en 2014 et 2019."

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire, pour apparaître proche des préoccupations des Français: pouvoir d'achat, immigration, insécurité...

Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021, tandis que Marine Le Pen, arrivée deux fois au deuxième tour de l'élection présidentielle derrière Emmanuel Macron, prépare l'échéance de 2027.

Il a été son porte-parole lors de la dernière campagne de 2022. Il a également conduit la liste RN aux dernières européennes de 2019, arrivée en tête juste devant celle de la majorité présidentielle.

Le scrutin européen du 9 juin pourrait parachever cette ascension à une double condition: "arriver en tête et avec un score supérieur à celui de 2019", résume l'un de ses proches.

M. Bardella, à qui Marine Le Pen a promis le poste de Premier ministre si elle est élue en 2027, a fait monter les enchères en indiquant qu'il demanderait une dissolution de l'Assemblée nationale si son parti arrive en tête, posant ainsi les enjeux en termes français plus qu'européens.

Esquive 

La tête de liste de l'extrême droite a d'ailleurs davantage fait campagne sur des thèmes nationaux, alimentant ainsi les critiques de ses opposants sur sa méconnaissance et son désintérêt pour l'Europe.

M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers, et est critiqué pour son "absentéisme" au Parlement européen. L'eurodéputée de la gauche radicale Manon Aubry le qualifie de "député fantôme".

Il n'est "pas très à l'aise" sur les dossiers européens, dit une ministre macroniste, "il se tait et se cache", abonde une autre.

Lors d'un meeting à Perpignan le 1er mai, il a prononcé un plaidoyer fourre-tout pour une "Europe des nations", "des réalités", "des gens", "du concret", "des identités", "des frontières", "du juste échange, du patriotisme économique, de la priorité nationale, de la préférence européenne".

Mais lors d'une conférence le 25 avril pour présenter son programme, organisée après le discours sur l'Europe du président Macron, il a esquivé les questions des journalistes.

Jeudi soir, le candidat d'extrême droite a tenu un premier débat télévisé avec la tête de liste macroniste, Valérie Hayer, qui a accusé le RN de "duplicité" sur l'Europe et d'être la "courroie de transmission" de la Russie.

M. Bardella a répliqué coup pour coup et éludé les critiques sur certains membres de sa liste comme Thierry Mariani, connu pour ses positions pro-Kremlin.

Un autre débat avec le Premier ministre Gabriel Attal pourrait avoir lieu prochainement.


Affaire Ghosn: Rachida Dati demande mardi à la justice l'abandon des poursuites

La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
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  • La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire
  • L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté

PARIS: La ministre de la Culture Rachida Dati demande une nouvelle fois mardi à la cour d'appel de Paris d'abandonner les poursuites qui la visent depuis 2021 dans l'affaire sur les contrats noués avec une filiale de Renault-Nissan, quand Carlos Ghosn en était le PDG.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire.

L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté, selon cette source.

Les avocats de la ministre, Mes Olivier Baratelli et Olivier Pardi, ont précisé à l'AFP que seule la prescription des faits serait examinée.

"Tout est prescrit, archi prescrit, depuis des années", estiment-ils.

Les deux conseils font valoir "la découverte d'éléments nouveaux, fondamentaux attestant que plus d'une quarantaine de dirigeants de Renault, de Nissan et de l'alliance Renault-Nissan (incarnée par la filiale néerlandaise RNBV, NDLR), étaient clairement informés de la mission d'avocat de Rachida Dati, de sa réalité, de ses prestations et du montant des honoraires".

Jamais sollicités

Le délai de prescription - trois ans à l'époque - débuterait donc au moment de la signature de la convention entre RNBV et Mme Dati en 2009 et non en 2019 avec la plainte d'une actionnaire de Renault.

"Par ailleurs, les responsables du Parlement européen affirment, de manière concordante, n'avoir jamais été sollicités pour une quelconque intervention au profit de l'alliance et encore moins de Renault", ajoutent Mes Pardo et Baratelli.

Les avocats avaient déjà saisi la chambre de l'instruction pour faire constater en vain la prescription des faits.

L'ancienne garde des Sceaux et ancienne maire LR du VIIe arrondissement de Paris est mise en examen depuis juillet 2021 pour "corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public".

Les soupçons portent sur les 900.000 euros que lui a versés entre 2010 et 2012 RNBV, alors qu'elle était avocate et députée européenne (2009-2019).

Les investigations ont cherché à déterminer si la convention d'honoraires aurait pu servir à masquer une activité de lobbying au Parlement européen interdite à tout élu.

Carlos Ghosn, lui, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international dans cette affaire depuis avril 2023: l'ancien grand patron ne s'était pas présenté à une convocation en vue d'une éventuelle mise en examen pour corruption en mai 2022.

Mme Dati comme M. Ghosn contestent toute irrégularité.

Les investigations, débutées en juillet 2019, sont terminées depuis septembre 2023.

Le parquet national financier (PNF) doit prochainement prendre ses réquisitions, puis la juge d'instruction ordonnera ou non un procès devant le tribunal correctionnel de Paris.