NEW YORK: Dans le cadre de la réponse internationale à la guerre en Syrie, l'Assemblée générale des Nations unies a voté jeudi en faveur de la création d'une institution indépendante chargée d'enquêter et de faire la lumière sur le sort de plus de 150 000 Syriens portés disparus ou victimes de disparitions forcées aux mains du régime syrien, des forces d'opposition ou de groupes terroristes depuis le début du conflit, il y a douze ans.
En présentant le projet de résolution, le représentant permanent du Luxembourg auprès des Nations unies, Olivier Maes, a rendu hommage à la «force et au courage» des familles syriennes qui «cherchent désespérément à chaque jour savoir ce qu'il est advenu de leurs proches et où ils se trouvent».
Il a ajouté : «Les familles, en particulier les femmes, sont confrontées à des difficultés administratives et juridiques, à des incertitudes financières et à de profonds traumatismes alors qu'elles continuent à rechercher leurs proches disparus.»
Un grand nombre d'organisations internationales, non gouvernementales, humanitaires et organisations centrées sur la famille, dont le Comité international de la Croix-Rouge, la Commission internationale des personnes disparues et la Commission internationale indépendante d'enquête sur la République arabe syrienne, qui mènent des enquêtes sur les cas de personnes disparues en Syrie et en assurent le suivi.
Cependant, le manque de coordination laisse les familles dans l'incertitude lorsqu'elles cherchent à savoir où se trouvent leurs proches, et les victimes et les survivants ne savent pas où communiquer les informations qu'ils pourraient avoir.
Les familles ont insisté sur la création d'une agence internationale indépendante, à la mesure de l'ampleur et de la complexité de la crise, chargée d'enquêter sur le sort de leurs proches.
S'inspirant de leurs avis et conseils, le secrétaire général des Nations unies a publié l'année dernière un rapport concluant qu'une telle institution internationale, dotée d'un mandat solide pour enquêter et élucider le sort des disparus et apporter un soutien à leurs familles, constituerait la pierre angulaire d'une solution globale à la crise.
La résolution qui en a résulté a été parrainée par plus de 50 pays, dont l'Albanie, l'Australie, le Danemark, la République dominicaine, l'Estonie, la Finlande, la France, la Géorgie, l'Allemagne, la Grèce, l'Islande, l'Irlande, Israël, l'Italie, la Lettonie, le Liberia, la principauté du Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Slovénie et l'Espagne.
Des humains, pas des statistiques
Maes a indiqué que la nouvelle institution «renforcera la complémentarité et évitera le chevauchement des tâches. Elle servira de point d'entrée unique pour la collecte et la comparaison des données, et assurera la coordination et la communication avec tous les acteurs concernés et les initiatives en cours».
Il a souligné que la résolution «ne pointe personne du doigt» et a ajouté : «Elle n'a qu'un seul objectif, un objectif humanitaire : améliorer la situation des familles syriennes qui ne savent pas ce qui est arrivé à leurs frères, à leurs fils, à leurs pères, à leurs maris ou à tout autre parent. Tout cela allégera les souffrances de ces victimes en leur apportant le soutien dont elles ont besoin et les réponses auxquelles elles ont droit en vertu du droit humanitaire international.»
Un représentant de l'UE a exprimé l'espoir que «cette nouvelle institution humanitaire puisse aider à guérir certaines des blessures causées par douze années de conflit. Ce faisant, elle jouera un rôle important en contribuant aux efforts de réconciliation et de paix durable».
L'ambassadeur américain, Jeffrey De Laurentis, a réaffirmé que la résolution était de nature humanitaire et a ajouté : «Elle se concentre sur tous les Syriens disparus, indépendamment de leur appartenance ethnique, de leur religion ou de leur affiliation politique.
«De nombreux Syriens nous ont demandé de ne pas oublier qui cette institution cherche à défendre : les personnes disparues et détenues qui ont encore une vie bien remplie à vivre. Ce ne sont pas des statistiques, ce sont des conjoints, des enfants, des frères et sœurs, des parents, des amis, des collègues.
«Comme le montrent leurs témoignages poignants, nous devons apporter des réponses attendues depuis longtemps aux victimes et à leurs familles qui méritent notre soutien.»
De Laurentis a ajouté que Damas avait refusé de participer aux efforts visant à créer l'institution.
La représentante permanente adjointe de la Russie auprès des Nations unies, Maria Zabolotskaya, a déclaré que l'Assemblée générale, «en violation de la Charte des Nations unies, est aujourd'hui invitée à créer un instrument de pression sur la Syrie sous un prétexte humanitaire cynique qui n'a rien à voir avec les véritables objectifs de cette initiative».
Elle a ajouté que loin d'être indépendant ou impartial, le mécanisme «ne peut qu'obéir aux ordres de ses commanditaires» et a insisté sur le fait que «pour résoudre véritablement le problème des personnes disparues, il est nécessaire de développer une coopération substantielle avec Damas, de lui fournir une assistance efficace et de lever les sanctions illégales et unilatérales qui affectent négativement ces efforts, ainsi que la reprise des efforts de secours humanitaire et de redressement dans son ensemble».
Zabolotskaya a également demandé la fin de «l'occupation étrangère de la Syrie» et le rapatriement des «citoyens étrangers présents dans le pays».
Bassam Sabbagh, représentant permanent de la Syrie auprès des Nations unies, a déclaré que la résolution est «politisée et vise la Républiquegime arabe syrienne».
«Ce projet reflète clairement une ingérence flagrante dans nos affaires intérieures et fournit de nouvelles preuves de l'approche hostile de certains États occidentaux à l'égard de la Syrie. Au cœur de ce groupe se trouvent les Etats-Unis», a-t-il soutenu.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com