ESSAOUIRA: «Histoire, spiritualité et musique gnaoua». C’est avec ces trois mots que l’on pourrait décrire la ville marocaine d’Essaouira. Mais cela ne suffirait pas: cette devise reviendrait à emprisonner l'âme joyeuse, paisible et généreuse de cette ville envoûtante. Or, ceux qui la connaissent savent que décrire l’atmosphère si particulière qui y règne s’apparente à une véritable gageure.
De nombreuses légendes ont toujours accompagné cette ville habitée depuis l'Antiquité. Tels les remparts de sa médina, inscrite au patrimoine culturel de l’Unesco, un halo magique semble protéger sa destinée de ville unique et de fleuron culturel du Maroc.
Le festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira a été créé en 1997. Du 22 au 25 juin 2023 s'est tenue la 24e édition de cet événement culturel qui compte parmi les plus importants du royaume chérifien.
«C’est la septième fois que je viens à Essaouira pour son festival», explique Hicham al-Maakoul, un jeune Marocain de 25 ans originaire de Tanger, au micro d’Arab News en français. «La première fois, je devais avoir 16 ou 17 ans et, depuis, c’est devenu une sorte de pèlerinage spirituel, un moment de l'année où je laisse tout derrière moi pour me ressourcer», poursuit-il.
300 000 festivaliers ont élu domicile dans la ville des 480 000 Souiris (habitants d’Essaouira), qui compte plus de 35 maâlems [maîtres gnaouas] incontestés qui enchantent les différentes scènes du festival. En outre, 480 musiciens en provenance du Maroc et de 15 pays différents font résonner les musiques du monde.
William Stuart, jazzman et musicien américain professionnel rencontré dans un magasin de musique, nous explique: «Je suis ce rendez-vous incontournable des musiques du monde depuis des années, que ce soit pour m’inspirer dans mon travail d’artiste ou pour rencontrer de nouvelles personnes. Des figures historiques de la musique, comme Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Frank Zappa, sont venues à Essaouira. En tant qu’artiste, quand on s’y trouve, on comprend leur présence ici», ajoute-t-il avec émotion.
Une édition spéciale
Pour les festivaliers, cette édition a une saveur spéciale. Après deux ans d’absence en raison de la pandémie de Covid-19 et une édition hybride en 2022 (elle s’est déroulée dans plusieurs villes), le public a enfin renoué avec le festival Gnaoua sous sa forme originelle : trois jours dans l’antre sacré d’Essaouira.
Une panoplie de maâlems marocains et de musiciens venus des quatre coins de la planète étaient de la partie: le guitariste cubain du mythique Buena Vista Social Club, Eliades Ochoa, le chanteur pakistanais Faiz Ali Faiz, le Trio Joubran, la musicienne reggae belge Selah Sue, le groupe franco-algérien Gnawa Diffusion, Ky-Mani Marley, Torsten de Winkel et de nombreux autres artistes de renom.
Neila Tazi, cofondatrice et productrice du festival, a déclaré lors de l’ouverture: «Le festival revient en force pour consacrer les valeurs d’humanité, de vivre-ensemble et de fraternité qui l’ont toujours caractérisé.»
Dans les ruelles de l’ancienne médina d’Essaouira, l’ambiance est pleine de joie. Les sourires des festivaliers ajoutent une touche spéciale au décor multicolore que proposent les commerces, les vendeurs ambulants ou encore les groupes improvisés de musiciens amateurs qui n'hésitent pas à faire le spectacle.
«On a l’impression que le temps s'arrête quand on est à Essaouira», affirme Catherine, une quadragénaire qui habite à Paris et qui est accompagnée par son mari, Fabrice. «Ce qui est poignant, au-delà de l’ambiance et le festival, c’est le sentiment de sécurité que l’on ressent ici. On peut se balader jusqu'à 5 heures du matin dans l’ancienne Médina ou même à la plage sans être inquiété par quoi que ce soit», renchérit Fabrice au micro d’Arab News en français.
En effet, un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé à l’occasion de cette 24e édition. Police, gendarmerie, protection civile: les différents services qui assurent la sécurité ont quadrillé la ville d’Essaouira pour le bien-être des festivaliers. Malgré leur présence massive, notamment aux abords des sites importants, à l'instar de celui de la plage ou de la scène Moulay-Hassan, ils se fondent dans le décor et n’ont eu à intervenir qu’en de très rares occasions.
Quatre ans après sa dernière édition sous son format original, le festival Gnaoua d’Essaouira, porté par ses organisateurs, a réussi le défi d’offrir au monde l’un de ses meilleurs programmes. Avec une programmation musicale de haut niveau, une organisation réglée au métronome, le public n’attend qu’une chose : le prochain rendez-vous, qui marquera les vingt-cinq ans du festival.