Les avantages possibles de la paix devraient favoriser la normalisation entre le Golfe et l'Iran

Le ministre des Affaires étrangères d'Oman, Sayyid Badr al-Busaidi, à droite, et le ministre des Affaires étrangères d'Iran, Hossein Amir-Abdollahian, à Mascate (Oman), le 21 juin 2023. (Reuters)
Le ministre des Affaires étrangères d'Oman, Sayyid Badr al-Busaidi, à droite, et le ministre des Affaires étrangères d'Iran, Hossein Amir-Abdollahian, à Mascate (Oman), le 21 juin 2023. (Reuters)
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Publié le Vendredi 23 juin 2023

Les avantages possibles de la paix devraient favoriser la normalisation entre le Golfe et l'Iran

Les avantages possibles de la paix devraient favoriser la normalisation entre le Golfe et l'Iran
  • Les quatre décennies de guerre et de conflits qui ont suivi la révolution iranienne de 1979 ont déstabilisé toute la région au-delà du Golfe et retardé son développement
  • En 1979, l'année de la révolution, l'Iran était un acteur économique important, alors que la plupart des économies du CCG étaient petites

De nombreux arguments plaident en faveur d'un retour des relations entre les deux rives du Golfe à leur niveau normal. Les quatre décennies de guerre et de conflits qui ont suivi la révolution iranienne de 1979 ont déstabilisé toute la région au-delà du Golfe et retardé son développement. Les retombées géopolitiques ont été considérables. En plus du fait qu’ils seraient de nature à sauver des vies, les avantages économiques d'un éventuel apaisement du conflit entre le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et l'Iran seraient énormes si nous parvenons à faire de la reprise des relations diplomatiques entre l'Arabie saoudite et l'Iran le moteur d'une région plus pacifique et plus prospère.
Au lieu de gaspiller leur fortune dans des conflits régionaux et de vaines courses aux armements, les États du CCG préféreraient consacrer leurs ressources à des projets de développement, d'infrastructure et de diversification plus importants, alors qu'ils se préparent à l'ère de l'après-pétrole. Il en va de même pour l'Iran, qui s'est malheureusement transformé en une économie de guerre permanente et a donné la priorité aux interventions étrangères plutôt qu'à la prospérité intérieure.

1979, l'année de la révolution
Le contraste entre la trajectoire économique de l'Iran depuis la révolution et celle du CCG au cours de la même période illustre les conséquences de ces priorités divergentes. Bien qu'ils aient entamé tardivement leur développement économique par rapport à l'Iran, les pays du CCG ont réussi à le rattraper et à le dépasser rapidement à presque tous les niveaux. Le pétrole a été découvert en Iran en 1908, des décennies avant l’ensemble des pays de l’organisation. Avant la révolution, et comme dans les pays du CCG, le pétrole a fourni des revenus abondants pour alimenter le développement économique. Toutefois, après 1979, les trajectoires de développement des deux parties ont fortement divergé.
En 1979, l'année de la révolution, l'Iran était un acteur économique important, alors que la plupart des économies du CCG étaient petites; elles apparaissaient à peine sur les registres des réalisations internationales. Le produit intérieur brut combiné de l’organisation régionale n'était que de 180 milliards de dollars (1 dollar = 0,91 euro), le plus important étant celui de l'Arabie saoudite avec 113 milliards de dollars, soit environ 62% du total. En 2023, leur PIB combiné atteindra 2 100 milliards de dollars, soit une multiplication par douze au cours des quarante-quatre dernières années, ce qui en fait la huitième économie mondiale. L'année dernière, la région du CCG a été le bloc de pays à la croissance la plus rapide du monde.

Stagnation chronique de l'économie
Outre la croissance économique, les six États membres du CCG ont considérablement amélioré leurs indicateurs sociaux relatifs à la santé, à l'éducation et à l'égalité des sexes, dépassant déjà les objectifs de développement durable des Nations unies fixés pour 2030. Ils s'enorgueillissent de posséder des universités, des centres de recherche et des pôles d'énergie renouvelable de classe mondiale. Ils sont devenus des pôles d'attraction pour les touristes, les visiteurs et les talents du monde entier.
En revanche, l'Iran, dont la population est beaucoup plus nombreuse et dont les ressources naturelles sont tout aussi abondantes, n'a pas obtenu d'aussi bons résultats au cours des quarante-quatre années qui se sont écoulées depuis la révolution. Certes, il détient les quatrièmes réserves de pétrole et les deuxièmes réserves de gaz naturel du monde, mais c’est un importateur net de gaz.
En 2023, le PIB de l'Iran s'élevait à seulement 367 milliards de dollars, soit environ 17% du total du CCG. La stagnation chronique de l'économie a donné lieu à des manifestations répétées, dont certaines sont devenues violentes, les jeunes réclamant des emplois et une amélioration de leurs conditions de vie.
Au début de l'année 2023, l'Iran était sur la voie de la stagflation – une croissance minimale, voire nulle, combinée à un taux de chômage élevé et à une forte inflation, de l'ordre de 50%. Selon les chiffres officiels, plus de la moitié des Iraniens vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Le rial iranien s'échangeait à plus de 420 000 pour un dollar, atteignant un niveau record de 447 000 rials le 21 janvier. À titre de comparaison, il s'échangeait à 70 pour un dollar avant la révolution de 1979.

«Une décennie de retard»
Le 30 janvier, le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, a publiquement critiqué l'échec des politiques de son gouvernement. Il a déclaré que l'économie avait «une décennie de retard» et stagnait depuis 2011, citant «de nombreux indicateurs négatifs qui le démontrent». Cette année-là a marqué le début de ce que l'on appelle le «Printemps arabe», lorsque l'Iran a adopté ses politiques les plus interventionnistes dans les pays voisins.
«Il s'agit d'indicateurs fiables qui proviennent d'organisations officielles et non d'affirmations vides de sens», a lancé Khamenei, qualifiant de «honteux» le taux de chômage élevé chez les jeunes professionnels. Il a admis que la mauvaise gestion économique était à blâmer, critiquant même la focalisation excessive du pays sur son programme nucléaire comme un facteur qui contribue à la mauvaise performance économique. Il a également critiqué la bureaucratie et la réglementation excessive du gouvernement.
Dans son discours de janvier, Khamenei a appelé à une réflexion économique à plus long terme: «Nous devons concentrer nos efforts sur au moins sept, huit ou dix ans» en mettant l'accent sur les entreprises fondées sur la connaissance et la création d'emplois, a-t-il souligné.
Avec des directives aussi claires venant du sommet, Téhéran devrait poursuivre ces objectifs économiques, transformant ainsi la percée diplomatique entre l'Arabie saoudite et l'Iran en un moteur de paix et de prospérité partagée.

Fréquents bouleversements
Les transformations économiques et sociales des pays du Golfe peuvent être attribuées, en partie, à leurs environnements politiques pacifiques et stables, à leurs pratiques commerciales plus libres et à leur intégration au sein du CCG. Ces pays sont également étroitement intégrés à l'ensemble de la région et au reste du monde. En revanche, l'Iran a connu de fréquents bouleversements; il s'est lancé dans des aventures extérieures coûteuses et est devenu un paria international ainsi qu’un État voyou, agissant en dehors des normes internationales et suscitant des sanctions de la part des Nations unies, des États-Unis et de l'Europe.
Le CCG et l'Iran ont déjà tenté de s'engager sur le plan économique. Plusieurs accords de coopération économique ont été signés avec certains pays du CCG et des discussions ont été entamées sur l'établissement d'une zone de libre-échange élargie entre le CCG et l'Iran, mais les clivages politiques ont empêché la conclusion d'un tel accord, en particulier après la grave polarisation qui a suivi l'année 2011.
Pour s'engager sur la voie de l'intégration économique, les principes convenus dans la déclaration de Pékin du mois de mars – respect de la souveraineté et non-ingérence – doivent être mis en œuvre au niveau opérationnel. Une coopération en matière de sécurité est également nécessaire, notamment pour lutter contre le terrorisme, la violence politique, l'extrémisme violent et le sectarisme ainsi que pour éviter de mêler les affiliations et les différences religieuses à la politique.

 

Le contraste entre la trajectoire économique de l'Iran depuis la révolution et celle du CCG illustre les conséquences de ces priorités divergentes.

Dr Abdel Aziz Aluwaisheg

Les désaccords avec l'Iran ne sont pas tous de nature politique ou sécuritaire. Certains constituent des différends frontaliers et territoriaux entre voisins; ils doivent être traités conformément au droit international, notamment la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Une fois que les mesures de confiance nécessaires auront été prises, l'intégration économique pourra facilement suivre. S'il choisit la voie de la paix, l'Iran aura la capacité d'obtenir des résultats similaires à ceux des États du CCG, voire de les dépasser. Il dispose d'une population beaucoup plus importante et d'une main-d'œuvre qualifiée, ainsi que de ressources naturelles comparables à celles des États du CCG. L'intégration de l’organisation régionale et de l'Iran pourrait facilement doubler leur PIB combiné actuel, de 2 500 milliards de dollars, en moins d'une décennie, à en juger par la trajectoire passée des États du CCG. SI l’on ajoute l'Irak, le huitième pays du Golfe, les avantages de l'intégration pourraient propulser la région vers des sommets économiques sans précédent.

Abdel Aziz Aluwaisheg est secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et les négociations. Il est par ailleurs chroniqueur pour Arab News.

Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne représentent pas nécessairement celles du CCG.

Twitter: @abuhamad1

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.