Une action urgente est nécessaire pour faire face au sort des réfugiés syriens au Liban

Sur cette photo prise le 13 juin 2023, des femmes et des enfants syriens se tiennent près de tentes dans un camp de réfugiés à Saadnayel, dans la vallée de la Bekaa, à l'est du Liban (Photo, AFP).
Sur cette photo prise le 13 juin 2023, des femmes et des enfants syriens se tiennent près de tentes dans un camp de réfugiés à Saadnayel, dans la vallée de la Bekaa, à l'est du Liban (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 20 juin 2023

Une action urgente est nécessaire pour faire face au sort des réfugiés syriens au Liban

Une action urgente est nécessaire pour faire face au sort des réfugiés syriens au Liban
  • Malgré leurs espoirs initiaux de trouver la stabilité et la sécurité au Liban, la plupart des familles syriennes ont du mal à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires
  • Plutôt que de s'attaquer aux causes profondes des problèmes économiques et sociaux, la faute en est rejetée sur les réfugiés

Lorsque la guerre syrienne a éclaté, en 2011, l'aide internationale a afflué et les pays ont ouvert leurs portes pour soutenir les personnes touchées par le conflit. Cependant, près de treize ans plus tard, le sort des réfugiés syriens au Liban est plongé dans l'incertitude alors qu'ils font face à une diminution du financement international, à une menace imminente de rapatriement et à une existence de plus en plus précaire dans un pays d'accueil instable. Alors que les difficultés de la vie quotidienne augmentent pour de nombreux Syriens au Liban, la situation nécessite une attention, un engagement et une action renouvelés pour trouver des solutions à long terme.

Après le déclenchement de la guerre en Syrie, près de deux millions de personnes ont cherché refuge au Liban voisin, autrefois un lieu de stabilité relative dans une région agitée, mais qui est maintenant aux prises avec une inflation galopante et une dépréciation monétaire qui a plongé plus de 80% de sa population dans la pauvreté. Les personnes les plus durement touchées par la chute libre de l'économie libanaise sont les réfugiés syriens.

Malgré leurs espoirs initiaux de trouver la stabilité et la sécurité au Liban, la plupart des familles syriennes ont du mal à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Une personne sur neuf dépend de l'aide humanitaire simplement pour survivre. Entre-temps, le financement international alloué aux réfugiés syriens au Liban a régulièrement diminué. Cela est évident dans tous les aspects de leur vie quotidienne, avec de graves conséquences pour leur santé et leur bien-être. La diminution de l'approvisionnement en eau potable quelques mois seulement avant l'épidémie de choléra de l'année dernière n'en est qu'un exemple. La dégradation des conditions de vie a conduit nos équipes à traiter depuis le début de l'année un nombre alarmant de personnes pour des infections cutanées.

Les Syriens qui ont besoin de soins médicaux ont constaté que le soutien dont ils disposaient avait considérablement diminué. Au début de cette année, le Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (HCR) a annoncé une réduction de la couverture des soins de santé secondaires à seulement 50% pour les soins de santé liés à la maternité et un plafonnement pour les autres couvertures d'hospitalisation essentielles. D'autres intervenants, parmi les organisations nationales et internationales qui fournissent des soins de santé, ont réduit leurs services ou les ont complètement annulés. De manière alarmante, les Syriens qui n'ont pas contacté le HCR pour s'enregistrer ne pourront plus bénéficier de la couverture des frais médicaux. Il est à noter que, depuis 2015, le gouvernement a empêché le HCR d'enregistrer des réfugiés. Cela a pour principale conséquence de priver les Syriens qui sont entrés au Liban après 2015 d’un plein accès aux services ainsi qu’à une protection.

Dans le même temps, la détérioration de la situation économique au Liban s'est accompagnée d'une montée constante d’un discours antiréfugiés. Avant la crise économique, les politiciens libanais utilisaient les réfugiés syriens pour obtenir un financement continu des donateurs internationaux comme de la communauté internationale. Cependant, avec la diminution du financement international, il y a eu un changement de discours: maintenant, le gouvernement propose de rapatrier des milliers de réfugiés en Syrie, avec ou sans leur consentement, quelques centaines d’entre eux ayant déjà été renvoyés dans leur pays entre mai et avril de cette année.

Lorsque des crises qui se chevauchent se produisent simultanément, un schéma inquiétant se dessine: plutôt que de s'attaquer aux causes profondes des problèmes économiques et sociaux, la faute en est rejetée sur les réfugiés, qui sont décrits comme un prélèvement sur les ressources ou une menace pour les emplois et la sécurité. Le Liban ne fait pas exception à cette tendance à désigner des boucs émissaires: nouvelles lois discriminatoires, surveillance accrue, manque d'accès aux services de base et capacité limitée à exercer les droits humains sont devenus monnaie courante.

En conséquence, les réfugiés syriens sont confrontés à de graves difficultés sur tous les fronts: diminution de l'aide humanitaire, menace d'expulsion et position de plus en plus incertaine dans un pays d'accueil instable. Leur situation illustre parfaitement les lacunes de la stratégie de la communauté internationale face aux crises: cette dernière échoue trop souvent à apporter des solutions globales et durables, se concentrant plutôt sur des approches d'aide ponctuelles qui font défaut aux personnes les plus vulnérables lorsque survient une évolution dans les changements géopolitiques et le contexte économique.

La situation et les conditions de vie des réfugiés syriens au Liban exigent une attention et une action renouvelées de la part de la communauté internationale.

Ana Paula Berlin

Alors que l'assistance rapide sous forme de nourriture, d'abris et d'aide médicale joue un rôle vital pour sauver des vies en cas d'urgence, une planification à long terme et des interventions durables en cas de crise prolongée permettent aux communautés de reconstruire leur vie et de se libérer du cycle du déplacement, de la pauvreté et de l'incertitude.

La situation et les conditions de vie des réfugiés syriens au Liban exigent une attention et une action renouvelées de la part de la communauté internationale. Leurs souffrances n'ont pas pris fin avec leur déplacement initial – et cela doit être reconnu. Plus important encore, les organisations internationales qui travaillent au Liban ont la responsabilité de se concentrer sur des évaluations de besoins spécifiques, de restructurer leur programmation, de réévaluer l'impact de leurs activités et de faire pression pour une coordination plus efficace. Un changement est nécessaire pour faire face à cette crise oubliée et appuyer des solutions durables qui donnent la priorité au bien-être et à la protection de tous ceux qui ont été forcés de fuir leur foyer.

Alors que nous assistons à des lueurs d'espoir qui nous font penser que la situation en Syrie pourrait commencer à s'améliorer, nous devons veiller à ce que les réfugiés syriens ne soient pas laissés pour compte alors que le monde est en marche.

Bien que cet article se concentre sur les difficultés rencontrées par les réfugiés syriens au Liban, il est essentiel de reconnaître que cela ne représente qu'une partie (environ 20 %) des 6,8 millions de réfugiés syriens dispersés dans le monde, ainsi que des 6,9 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays. À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, notre intention est de souligner les besoins particuliers de la population syrienne dus aux récentes évolutions au Liban, sans porter atteinte au sort des réfugiés dans d'autres lieux, qui nécessitent tous un engagement réaffirmé sur le sujet. La perspective libanaise s'inscrit dans les rencontres et le point de vue personnels d'Ana Paula Berlin, responsable du Plaidoyer de Médecins sans frontières (MSF) au Liban.

 

Ana Paula Berlin est la responsable du Plaidoyer Médecins Sans Frontières (MSF).

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.