BORDEAUX: Maisons fissurées, églises endommagées, habitants à reloger: l'heure est au recensement des dégâts samedi dans l'est de la Charente-Maritime et le sud des Deux-Sèvres, à l'épicentre d'un "très fort" séisme ressenti vendredi de Rennes à Bordeaux sans faire de victime.
Après une secousse de magnitude entre 5,3 et 5,8, deux répliques ont été enregistrées samedi matin (magnitude 5 et 3,7), selon le Bureau central sismologique français, ajoutant à la crainte des habitants du secteur touché, dont certains ne peuvent pas réintégrer leur maison fragilisée.
Dans le bourg de La Laigne (Charente-Maritime), nombreux sont les murs fissurés. Des pierres et des tuiles gisent à terre et des cheminées menacent de tomber des toits.
Des dizaines de maisons ont été décrétées "inhabitables" par les pompiers. Comme celle de Tony, chef de chantier de 46 ans, qui part s'installer chez des amis.
"On va récupérer des affaires et puis on va essayer de se changer la tête", dit-il. "Nous, on a rien (pas de blessure, ndlr) et c'est le principal. Mais on a tout perdu en l'espace de 10 secondes".
"C'est malheureux pour nous et pour tout le village. Il n'y a qu'à regarder l'église, c'est parlant", souligne-t-il évoquant le clocher très endommagé.
Dans ce bourg, "135 bâtiments ont été globalement touchés par le séisme" et "170 personnes qui doivent être relogés", a expliqué le chef des pompiers Didier Marcaillou.
"La plupart des maisons du centre de la commune ont été touchées à des degrés divers. L'église est totalement inutilisable. L'école va devoir être fermée par précaution", a déclaré sur place Nicolas Basselier, préfet de Charente-Maritime.
Ce tremblement de terre, qui s'est produit à 18H38 à mi-chemin entre La Rochelle et Niort, est le plus important dans cette région de l'ouest de la France depuis une cinquantaine d'années et une secousse sismique enregistrée à Oléron en 1972.
Les séismes d'une magnitude égale ou supérieure à 5, comme celui enregistré vendredi soir, sont rares en France selon les spécialistes, même si le dernier remonte à novembre 2019 en Drôme-Ardèche.
"En moyenne, il y en a un tous les 10 ans en France métropolitaine", d'après Jérôme Vergne, sismologue à l'Institut Terre et Environnement de Strasbourg.
La secousse a été ressentie dans une grande partie de l'ouest du pays, de Rennes à Bordeaux et jusqu'à Limoges, engendrant de nombreux appels aux services de secours et témoignages sur les réseaux sociaux.
Dans un village après le séisme, "on ne sait pas où aller"
"Il faut qu'on se reloge et on ne sait pas où aller": dans la petite commune de La Laigne, à l'épicentre d'un important séisme ressenti vendredi dans l'ouest de la France, des habitants désemparés ne peuvent plus rentrer chez eux.
À mesure que des pompiers spécialisés en bâtiment inspectent les maisons de ce bourg de 500 habitants en Charente-Maritime, le verdict tombe: vert, jaune, rouge ou noir. Dans les deux derniers cas, impossible de réintégrer son domicile, trop fragilisé.
Dans une rue, un voisin lance à un autre: "Alors, t'es classé quoi ?"
"Nous, on est classé rouge", expliquent à l'AFP Pascal et Patricia Chardonné. Vendredi, quand la terre a fortement tremblé vers 18h38, du plâtre leur est tombé dessus. Dans leur maison bicentenaire, "le poêle à bois a tourné sur lui-même, la vaisselle, les bibelots, le vin, tout est tombé", raconte Patricia.
"Regardez, les quatre coins des murs ont bougé, montre Pascal. Il faut qu'on se reloge et on ne sait pas où aller."
Devant la mairie, une cinquantaine d'habitants font la queue.
"L'assurance nous a dit de venir déclarer le sinistre mais on ne sait pas qui va nous recevoir. On habite dans le marais (poitevin) et personne n'est venu nous voir, ni les pompiers, ni les gendarmes", expliquent à l'AFP Line et Régis Gallo.
Dans le village, de nombreux murs sont fissurés, des pierres et des tuiles gisent au pied des façades et quelques cheminées menacent de tomber des toits.
Sur le clocher de l'église, moineaux et pigeons explorent les fissures apparues après le séisme. L'électricité, coupée pendant quelques heures après le séisme, est revenue.
Selon Bruno Asperti, premier adjoint au maire de La Laigne, "les maisons en pierre et à étage sont plus touchées. Les maisons basses et récentes le sont moins".
"Tout raser"
A la mi-journée samedi, le directeur des pompiers du département, Didier Marcaillou, a fait état de 135 bâtiments touchés à La Laigne et de 170 personnes à reloger. "Une cinquantaine de maisons sont classées rouge et une douzaine noir", a-t-il détaillé.
Rouge: les résidents peuvent passer prendre des affaires et repartir ; noir : interdiction absolue de rentrer.
"Les maisons classées noir sont-elles réparables ?", demande le préfet Nicolas Basselier, venu se rendre compte de la situation sur place. "Il faudra faire venir des experts", répond le chef des pompiers.
Guillaume Wacrenier, un habitant, s'affairait à remettre en place les tuiles déplacées ou tombées: "On annonce des orages pour ce soir".
Absent de sa maison à l'heure du séisme, c'est la locataire de son gîte qui l'a prévenu: "Elle m'a appelé en pleurs, elle m'a dit +tout a explosé. Les pierres sont sorties des murs+."
Dans la soirée, il a vu ses voisins "faire leurs valises et partir".
Boulangère à La Laigne depuis 33 ans, Cécile Appercé était à son comptoir vendredi quand la secousse a eu lieu. "J'ai pensé à un crash d’avion, je suis sortie, tout le monde criait".
Dans le bourg, la maison de Tony, chef de chantier de 46 ans, n'est "plus habitable". Il prévoit d'aller loger "chez des amis".
"En l'espace de dix secondes, on a tout perdu", se désole-t-il, évoquant une maison "ouverte de partout: j'ai vu des murs avec 12 cm de décalage".
Même constat chez Sylvain, 22 ans, qui attend les pompiers et leur verdict de couleur.
"Je pense qu'ils vont classer la maison en noir, dit-il, fataliste. À mon avis, on va tout raser pour en refaire une autre".
Séisme inhabituel
Des dégâts similaires ont été observés dans les villages alentour, comme à Cram-Chaban (Charente-Maritime) où des sépultures ont été endommagées par des chutes de pierre de l'église dominant le cimetière.
A Saint-Hilaire la-Palud (Deux-Sèvres), l'église a elle aussi souffert et un périmètre de sécurité a dû être établi vendredi soir, forçant à évacuer des riverains.
Au total, 38 personnes ont dû être relogées dans ce secteur du sud des Deux-Sèvres selon la préfecture.
Deux personnes ont été légèrement blessées dans ce département et "de nombreux dégâts matériels tels que des chutes de pierres, des fissures et un effondrement partiel de toiture" ont été constatés.
Les évaluations bâtimentaires se poursuivent samedi, menées par des pompiers spécialisés qui doivent recevoir du renfort des départements voisins.
En marge d'un déplacement dans le Calvados, la Première ministre Elisabeth Borne a assuré samedi que l'Etat allait "s'assurer que tout le monde ait accès à un relogement" si nécessaire, après ce "séisme inhabituel sur notre territoire".
"Étant donné l’intensité du séisme (...), une procédure accélérée de reconnaissance de catastrophe naturelle sera enclenchée afin de prendre en compte les potentiels dégâts structurels", a par ailleurs indiqué sur Twitter le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin.