BERLIN: A force de concessions en série sur la décarbonation de l'économie et le droit d'asile, les Verts allemands, réunis samedi en mini-congrès, voient leur étoile pâlir dans les sondages et la grogne monter dans leurs rangs.
"Cela fait certainement de nombreuses années que la situation n'a pas été aussi dangereuse pour le parti", résume la chaîne d'information NTV. Et le mini-congrès réuni samedi à Bad Vilbel en Hesse risque de laisser éclater au grand jour les tensions.
Dans les enquêtes d'opinion, le parti écologiste, donné à environ 14%, n'est plus désormais qu'en quatrième position, après avoir cru en 2021, lors des dernières élections, pouvoir conquérir la chancellerie.
Les "Grünen" sont en particulier distancés par le parti d'extrême droite AfD, qui a trouvé dans son opposition à la politique climatique un nouveau carburant à son essor et est crédité, avec environ 20%, d'intentions de vote sans précédent.
Bouc-émissaire
Le parti Vert paye au prix fort sa participation au gouvernement depuis 2021, au côté des sociaux-démocrates d'Olaf Scholz et des libéraux du FDP.
La cohabitation avec ces derniers, hérauts de la rigueur budgétaire et défenseurs acharnés de l'automobile allemande, est très délicate.
Une personnalité en particulier suscite le rejet dans l'opinion: le vice-chancelier écologiste et ministre du Climat, Robert Habeck.
Bouc-émissaire de l'extrême droite et du quotidien populaire Bild, le plus lu d'Allemagne, il est accusé de vouloir rogner les libertés des Allemands au nom de la lutte contre le réchauffement.
Ce philosophe de formation, candidat potentiel à la chancellerie en 2025, est critiqué pour avoir tenté d'imposer dès janvier prochain à toute nouvelle chaudière de fonctionner avec au moins 65% d'énergie renouvelable.
La mesure a suscité une telle levée de boucliers dans un contexte d'inflation et de récession que le numéro 2 du gouvernement, sous pression de ses partenaires libéraux, a dû revoir ses ambitions à la baisse.
Difficile à digérer pour des Verts qui ont dû avaler de nombreuses couleuvres ces dernières années, du réarmement allemand à la réouverture de centrales à charbon, en passant par la prolongation de centrales nucléaires.
"Il est très décevant pour les Verts de constater qu'ils ne parviennent guère à traduire concrètement leurs propres convictions, précisément au moment où la crise climatique s'aggrave" et qu'une jeune génération de militants multiplie les actions coup de poing, confirme à l'AFP la politologue Ursula Münch.
La réforme à venir du droit d'asile dans l'Union européenne constitue elle un point de discorde dans les rangs des "Grünen".
L'Allemagne a en effet donné son aval le 9 juin à un projet d'accord qui prévoit notamment la mise en place de centres aux frontières extérieures de l'UE pour certains migrants, dont les familles avec enfants.
Vague de départs
Cette réforme révulse en particulier l'aile gauche du parti qui y voit une remise en cause du droit d'asile.
Les deux figures du parti n'ont pas caché leur embarras, M. Habeck pointant un "compromis très douloureux", et la cheffe de la diplomatie, Annalena Baerbock, une décision "pas facile".
Les Jeunes du parti sont eux vent debout. Ils menacent de présenter une motion exigeant des ministres écologistes qu'ils bloquent le projet.
Pour le co-président des Jeunes verts, Timon Dzienus, "l'opposition est encore plus grande qu'au moment de Lützerath", village de l'ouest de l'Allemagne évacué pour permettre l'extension d'une mine à ciel ouvert malgré la mobilisation de militants écologistes.
Sur l'asile, "les plus jeunes du parti ne semblent pas prêts à faire de concessions, considérées comme une trahison de l'objectif d'une politique humanitaire des réfugiés", estime Mme Münch.
En interne, des cadres s'inquiètent, selon la presse allemande, d'une vague de départs parmi les 120 000 militants du parti.
Mais un éventuel blocage du projet d'accord risquerait fort d'ouvrir une crise au sein de la coalition, le SPD d'Olaf Scholz le soutenant lui totalement.
"Le problème, c'est que trois partenaires aux idées très différentes doivent travailler ensemble, et ce à une époque de crises existentielles", résume Mme Münch, qui ne croit cependant pas à une implosion de la coalition.