NICOSIE: Amnesty International s'est félicitée de l'envoi par l'ONU d'une lettre à l'Iran réclamant des comptes sur l'exécution sommaire de milliers de dissidents dans les prisons en 1988, mettant en garde contre de possibles « crimes contre l'humanité ».
L'ONU à Genève a confirmé le contenu de la lettre envoyée en septembre, qui n'avait pas été jusque-là rendue publique.
Des ONG de défense des droits humains font campagne depuis des années pour que justice soit rendue sur ce qu'elles considèrent être l'exécution extrajudiciaire de milliers d'Iraniens, en majorité des jeunes, à travers l'Iran, au moment où s'achevait la guerre Iran-Irak (1980-88).
Les personnes tuées étaient majoritairement des partisans de l'Organisation des Moudjahidine du peuple iranien (OMPI), un groupe d'opposition interdit en Iran qui avait soutenu Bagdad pendant le conflit.
Amnesty accuse l'Iran d'avoir « systématiquement » caché les circonstances dans lesquelles les jeunes ont trouvé la mort et le sort des restes des victimes.
En septembre, sept rapporteurs spéciaux de l'ONU ont écrit une lettre au gouvernement iranien pour affirmer qu'ils étaient « sérieusement inquiets par le refus continu (de Téhéran) de divulguer le sort (des personnes tuées) et l'endroit » où elles ont été enterrées.
Ils l'ont exhorté à mener une enquête « complète » et « indépendante » ainsi qu'à établir des « certificats de décès précis » à l'attention des familles.
« Nous sommes inquiets par le fait que la situation pourrait équivaloir à des crimes contre l'humanité », ont indiqué les experts de l'ONU, avertissant que si l'Iran continuait à « refuser de respecter ses obligations », alors une enquête internationale devrait être mise en place pour faire la lumière sur ces évènements.
Diana Eltahawy, vice-directrice du département Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty, a qualifié la lettre de « percée capitale ».
Dans un rapport en 2018, l'ONG basée à Londres avait qualifié ces évènements de « crimes contre l'humanité », et souhaité que le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU crée un mécanisme international d'enquête.
Selon des militants des droits de l'Homme, des milliers de personnes ont été tuées sur ordre du Guide suprême d'alors, l'ayatollah Rouhollah Khomeiny, sans procès dans des prisons en Iran.
Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI, opposition en exil) dont la principale composante est l'OMPI, évoque 30.000 morts.
L'affaire est très sensible dans le pays, des militants accusant des responsables aujourd'hui au gouvernement d'y être impliqués.