PARIS: Le gendarme des financements politiques, Jean-Philippe Vachia, s'est dit jeudi "étonné par l'étonnement" de Bruno Le Maire après l'ouverture d'une enquête préliminaire sur le financement de son microparti "Avec BLM" et a épinglé le député Nicolas Dupont-Aignan.
Lors de la présentation à la presse de son rapport annuel, le président de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), a indiqué avoir "saisi le parquet" dans trois cas de "dette fournisseur" qui concernent les partis Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan avec 655.134 euros, le mouvement créé par Corinne Lepage CAP21-Le Rassemblement citoyen avec 246.103 euros et la formation de gauche Nouvelle donne avec 184.125 euros.
Nicolas Dupont-Aignan a affirmé à l'AFP que les factures non payées par son parti à des prestataires s'élevaient à ce jour à 249.678 euros. "Nous avons en effet remboursé au cours de ces 18 derniers mois la différence", a-t-il expliqué, ajoutant que le chiffre donné par la commission remontait au 31 décembre 2021.
Il a précisé que la dette restante serait acquittée "dès que l’État nous versera la part de financement public que nous attendons depuis avril 2023".
Dans le cas de "Avec BLM", le microparti du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) de la police judiciaire parisienne doit déterminer si des dons illégaux ont été faits au travers de factures de prestataires non réglées.
Bruno Le Maire s'est dit "surpris" que la justice ait été saisie, affirmant que ses comptes de campagne de 2017 avaient été validés par la CNCCFP, a indiqué son entourage.
"Permettez-moi à mon tour d'être étonné de l'étonnement", a répliqué M. Vachia, estimant qu'il y a deux aspects différents.
"Vous pouvez avoir des comptes certifiés (par la Commission), ce qui signifie que sur le plan formel, votre compte est correct", a-t-il expliqué. "Nonobstant, nous avons constaté d'éventuelles irrégularités intrinsèques".
Le microparti a "passé en profits exceptionnels des dettes fournisseurs non remboursées. Ce n'est pas normal car la loi interdit totalement à un fournisseur de faire des cadeaux aux partis politiques pas plus qu'aux candidats", a expliqué le président de la Commission, confirmant que cette formation avait d'abord invoqué "la prescription".
Ce sont ces factures de prestataires non réglées qui sont dans le viseur des enquêteurs.
Selon Mediapart, qui a révélé l'ouverture de l'enquête préliminaire, sur "plus d'une dizaine" de prestataires non payés, les plus grosses dettes annulées émanent de deux spécialistes de la communication politique : Experian (avec une facture de 24.990 euros non réglée) et Catch Digital Strategy (9.000 euros).
Dans les quatre cas, M. Vachia a tenu à expliquer pourquoi ces questions de "dette fournisseurs" peuvent constituer des "aides illégales" aux partis politiques.
"Lorsque pendant des années et des années vous avez les mêmes dettes que vous retrouvez à l'égard d'entreprises dans les comptes d'un parti politique, cela montre que de facto le fournisseur accorde un avantage à la formation parce que celle-ci ne rembourse pas sa dette", a-t-il souligné.
Dans le cas de "Avec BLM", les infractions sont passibles de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.