BAGDAD: Le Parlement irakien a approuvé lundi le budget du pays pétrolier, une loi de finances lestée d'un déficit record et qui donne à Bagdad plus de contrôle dans la gestion du brut du Kurdistan d'Irak.
Habitué aux retards budgétaires, le gouvernement avait envoyé son projet de loi de finances aux députés en mars. Fait inédit, il couvre l'année fiscale 2023, mais aussi 2024 et 2025. Pour chacune de ces trois années, les dépenses s'élèveront à près de 153 milliards de dollars, un record. De cette somme, 12,67 % reviennent à la région autonome du Kurdistan d'Irak.
Le budget entérine surtout un changement de taille sur lequel le gouvernement régional kurde et Bagdad s'étaient mis d'accord en avril pour ouvrir la voie à la reprise des exportations de pétrole kurde via la Turquie. Ces exportations sont interrompues depuis le mois de mars après la décision d'un tribunal international donnant à Bagdad la haute main sur la gestion du brut kurde.
Selon la loi des Finances, les ventes de pétrole du Kurdistan d'Irak doivent désormais passer par la compagnie pétrolière d'Etat irakienne (Somo), et non plus exclusivement par les autorités régionales.
En outre, Erbil devra livrer pas moins de 400.000 barils de pétrole par jour à Bagdad. Et les recettes liées à la vente du pétrole kurde à l'étranger devront être déposées sur un compte bancaire à la Banque centrale d'Irak géré par Bagdad.
Pour chaque année concernée par le budget fédéral, les recettes totales s'élèveront à 103,4 milliards de dollars sur la base d'un baril de pétrole à 70 dollars, l'or noir constituant environ 90% des revenus du pays.
Déficit record
Le déficit est, lui, chiffré à 49,5 milliards de dollars, là aussi un chiffre record par rapport au dernier budget voté en 2021 (aucun budget n'avait été approuvé en 2022 à cause de l'instabilité), où le déficit se montait à 19,8 milliards de dollars.
Le secteur public irakien devrait connaître une forte croissance qui, à en croire les analystes, risque de plomber le budget. L'économiste Ahmed Tabaqchali chiffre cette vague de recrutement à plus de 600.000 et une ardoise pour les salaires et pensions du secteur public à plus de 58 milliards de dollars.
"L'Irak est vulnérable car si les prix du pétrole baissent, il faudra procéder à des coupes budgétaires", explique-t-il à l'AFP. "Or, étant donné qu'on ne peut pas réduire les dépenses fixes, il faudra réduire les dépenses d'investissement".
Une "dépendance aux revenus du pétrole" contre laquelle le Fonds monétaire international a mis en garde le gouvernement irakien le mois dernier, l'appelant à observer une "politique fiscale bien plus stricte".
Enfin, les dépenses d'investissement se montent à 37,9 milliards de dollars. Cette enveloppe ira notamment à la construction d'infrastructures, la "priorité" du Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani dans un pays où hôpitaux, routes et écoles sont bien souvent vétustes, victimes de la corruption et des conflits qui ont ensanglanté l'Irak pendant quatre décennies.