ZVECAN: Des manifestants serbes restaient jeudi mobilisés contre l'intronisation de maires albanais dans le nord du Kosovo, théâtre de récents affrontements avec la force de l'Otan, au moment où la pression internationale s'accroît sur Pristina et Belgrade pour une désescalade des tensions.
Si dans un premier temps des grandes puissances internationales, notamment Paris et Washington, ont attribué au gouvernement kosovar la responsabilité des derniers incidents, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a appelé jeudi les deux parties à réduire les tensions.
"Nous appelons les gouvernements du Kosovo et de Serbie à prendre des mesures immédiates en vue d'une désescalade des tensions", a déclaré M. Blinken à l'issue d'une réunion ministérielle de l'Otan à Oslo. Selon lui, "l'escalade actuelle" met en péril leurs aspirations à une intégration européenne.
Le président français Emmanuel Macron a adopté une attitude similaire à l'issue d'une réunion quadripartite avec les présidents serbe et kosovare à Chisinau, et après une rencontre avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
"Nous avons demandé aux deux parties l'organisation dans les meilleurs délais de nouvelles élections dans ces quatre municipalités", a déclaré M. Macron en insistant sur des "décisions claires" demandées aux deux dirigeants "pour la semaine prochaine".
Selon le président français, cette demande implique un "engagement de la part du Kosovo" et la "participation à ces élections de manière claire de la part de la partie serbe".
Interrogée peu après sur ce point, la présidente du Kosovo Vjosa Osmani a assuré qu'elle était "prête à envisager" cette possibilité.
Sur le terrain, à Zvecan, dans le nord du Kosovo, ville d'affrontements en début de semaine entre des manifestants serbes et des militaires de la force de l'Otan (Kfor), quelques dizaines de Serbes se sont de nouveau rassemblés jeudi à proximité de la mairie, moins nombreux que les jours précédents, a rapporté une journaliste de l'AFP.
A cet endroit, trente militaires internationaux et une cinquantaine de manifestants serbes ont été blessés lundi dans les heurts.
Le bâtiment municipal est protégé depuis mardi par un important dispositif de la Kfor, qui a davantage renforcé mercredi sa défense avec du fil barbelé et des barrières en métal.
Des militaires de la Kfor ont aussi pris position jeudi sur plusieurs axes menant vers le centre-ville, répondant à l'appel du principal parti serbe local après des incidents dans lesquels deux voitures de la police kosovare ont été caillassées mercredi par des groupes de personnes "masquées".
Crises successives dans la région
Un policier a été blessé et les vitres des voitures ont été brisées, selon le ministère kosovar de l'Intérieur.
La Serbie, soutenue par ses alliés russe et chinois, n'a jamais reconnu l'indépendance proclamée en 2008 par son ex-province, et encourage les quelques 120 000 Serbes qui y vivent (entre 6% et 7% de la population), à défier les autorités de Pristina.
Les anciens ennemis négocient un accord de normalisation de leurs relations sous les auspices de l'Union européenne, mais la région va de crise en crise depuis des années. Cette dernière a motivé l'Otan de décider d'y déployer rapidement 700 soldats supplémentaires.
Les Serbes ont boycotté les municipales d'avril dans quatre localités dans le nord du Kosovo où ils sont majoritaires, ce qui a abouti à l'élection de maires albanais avec une participation inférieure à 3,5%.
Leur intronisation la semaine dernière par le gouvernement kosovar d'Albin Kurti a mis le feu aux poudres.
Les manifestants serbes s'opposent à ce que ces édiles, qu'ils considèrent comme "illégitimes", occupent leurs fonctions et réclament le retrait du nord du Kosovo des forces spéciales kosovares.
Dans un nouvel incident, survenu dans la journée dans la partie serbe de la ville divisée de Mitrovica (nord), deux Albanais ont été agressés et blessés par un "groupe de criminels masqués et organisés pour cet attaque", a indiqué la police kosovare dans un communiqué.
Dans cette ville, plusieurs centaines de Kosovars albanais, des jeunes essentiellement, ont brièvement manifesté en milieu de la journée près d'un pont qui relie les deux parties de la ville, albanaise et serbe, a constaté une journaliste de l'AFP.
Répondant à des appels à manifester lancés sur les réseaux sociaux, ils ont agité des drapeaux albanais et scandé "Mitrovica ne peut pas être divisée".
La police kosovare avait appelé les gens à ne pas aller à cette manifestation afin d'éviter de jeter de l'huile sur le feu.
Les manifestants avaient prévu de se rendre dans la partie nord de la ville, mais un important cordon policier leur bloquait le passage vers le pont.