France: Facebook visé par une plainte après le suicide d'une adolescente harcelée au collège

Les parents de 'Lindsay', une jeune fille de 13 ans qui s'est suicidée, s'adressent aux représentants des médias lors d'une conférence de presse à Vendin le Vieil, dans le nord de la France, le 1er juin 2023, après la mort de l'adolescente le 12 mai 2023. (AFP)
Les parents de 'Lindsay', une jeune fille de 13 ans qui s'est suicidée, s'adressent aux représentants des médias lors d'une conférence de presse à Vendin le Vieil, dans le nord de la France, le 1er juin 2023, après la mort de l'adolescente le 12 mai 2023. (AFP)
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Publié le Jeudi 01 juin 2023

France: Facebook visé par une plainte après le suicide d'une adolescente harcelée au collège

  • «Si vous lisez cette lettre c’est que je suis sûrement partie (...) je n’en pouvais plus des insultes matin et soir, des moqueries, des menaces (...)», avait écrit la collégienne
  • L'enquête judiciaire ouverte a donné lieu à l'inculpation de quatre mineurs pour «harcèlement scolaire ayant conduit au suicide» et d'une personne majeure pour «menaces de mort»

VENDIN-LE-VIEIL: "Si chacun avait fait son travail pour protéger Lindsay, elle serait vivante": la famille d'une adolescente française qui s'est donnée la mort à 13 ans après avoir été victime de harcèlement scolaire, a annoncé jeudi avoir déposé plainte, notamment contre Facebook.

Après avoir pointé du doigt ce "travail" non fait, l'avocat de la famille, Me Pierre Debuisson, a lu une lettre rédigée par la jeune fille plusieurs mois avant son suicide, survenu mi-mai dans le nord de la France.

"Si vous lisez cette lettre c’est que je suis sûrement partie (...) je n’en pouvais plus des insultes matin et soir, des moqueries, des menaces (...) malgré tout ce qui s’est passé elles me voudront toujours du mal", y avait écrit la collégienne.

"Si on avait été aidés, si on avait été soutenus, je suis sûre que ma fille serait parmi nous", a affirmé sa mère, Betty, lors de cette conférence de presse.

"J’ai tout essayé, j’ai tout fait, on n’a pas été aidés, on a été lâchés, complètement, aucun soutien, ni avant, ni pendant, ni après", a-t-elle fustigé.

L'enquête judiciaire ouverte sur la mort de Lindsay a donné lieu à l'inculpation de quatre mineurs pour "harcèlement scolaire ayant conduit au suicide" et d'une personne majeure pour "menaces de mort".

Le suicide de Lindsay est "un échec collectif", selon Pap Ndiaye

Le ministre de l'Education Pap Ndiaye a estimé jeudi sur BFMTV que le suicide de Lindsay, 13 ans, qui s'est donné la mort après avoir été victime de harcèlement scolaire, est "un échec collectif".

"A l'évidence, il s'agit d'un échec collectif, la mort de Lindsay, son suicide, c'est une tragédie pour ses proches, pour l'Education nationale et pour le pays, comme pour le suicide de n'importe quel jeune", a témoigné Pap Ndiaye jeudi soir, quelques heures après que la famille de l'adolescente a annoncé avoir déposé plainte notamment contre le rectorat et Facebook.

"C'est une chaîne d'événement: la principale instigatrice des violences a d'abord été exclue temporairement le 14 novembre (...) puis exclue définitivement le 27 février dernier et on aboutit à la tragédie du 12 mai", a relaté Pap Ndiaye sur BFMTV, évoquant le problème du "cyberharcèlement", qui a pris dans ce cas le relais du harcèlement à l'école.

Pour Pap Ndiaye, les réseaux sociaux "ont leur part de responsabilité". Il faut selon lui les "mettre sous pression de manière plus accentuée".

"Avec d'autres ministères nous allons nous concerter et agir de manière extrêmement ferme à l'égard des réseaux sociaux car au-delà  de ce qu'ils peuvent dire, nous savons que leur réaction est trop lente", a-t-il martelé.

Dans un communiqué, Pap Ndiaye a promis d'"inviter à échanger les principaux responsables des réseaux sociaux, en particulier le groupe Meta France (Facebook, Instagram), SnapChat, TikTok et Twitter, en lien avec le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, le ministère de la Justice et le ministère chargé de la Transition numérique et des Télécommunications".

Le ministre a par ailleurs affirmé suivre "personnellement" le dossier du suicide de Lindsay. Citant l'enquête judiciaire et administrative, il a assuré en tirer "toutes les conclusions à l'égard des personnels le cas échéant et surtout les conclusions générales sur la manière dont on peut avancer".

Pap Ndiaye a annoncé un "renforcement de la cellule de lutte contre le harcèlement". Evoquant les numéros verts sur le cyberharcèlement (3018) et le harcèlement à l’école (3020), il a expliqué que "les moyens qui leur sont attribués seront augmentés pour recruter davantage de psychologues, experts des réseaux sociaux et d’écoutants".

Propos haineux après son suicide 

Le réseau social a été "complètement défaillant" en laissant proliférer des "propos haineux", même après la mort de cette collégienne, qui était scolarisée à Vendin-le-Vieil, dans le nord de la France, a détaillé Me Pierre Debuisson.

"La mort de Lindsay n’a pas suffi, puisque après la mort de Lindsay, des insultes (…) ont continué à circuler sur les réseaux sociaux et continuent de circuler", a affirmé l'avocat, pointant des posts sur Instagram, propriété de Facebook, se réjouissant du suicide de l'adolescente.

Selon l'avocat, le groupe américain s'est rendu coupable d'une "violation totale" de l'obligation qui lui impose de modérer et contrôler les contenus publiés sur ses plateformes.

La famille de Lindsay a également annoncé jeudi avoir porté plainte contre les enquêteurs et les autorités éducatives pour leur défaillance supposée dans ce dossier.

Contacté par l'AFP, le rectorat de l'académie de Lille n'a pas souhaité faire de commentaire.

«Insuffisant»

Il avait annoncé la semaine dernière l'ouverture d'une enquête administrative, concédant que les services scolaires auraient pu "aller plus loin dans le suivi" de la jeune fille.

"Toutes mes pensées pour Lindsay et ses proches alors que des attaques ignobles se poursuivent sur les réseaux sociaux", a tweeté mercredi le ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye.

La "famille a besoin de réponses, il faut qu’on lui donne", a pour sa part déclaré jeudi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, en déplacement dans le nord de la France. Il a insisté sur  "les responsabilités parentales" dans la lutte contre le harcèlement.

En France, un dispositif de prévention du harcèlement scolaire, le programme pHARe, est expérimenté depuis 2019 dans les écoles élémentaires et les collèges de six académies. Il doit être généralisé cette année.


Au Salon de l'agriculture, Macron attendu au tournant

Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
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  • Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier
  • Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon

PARIS: Visites politiques encadrées et les vaches seront bien gardées? Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier.

Pas d'incitation à chahuter cette année, mais des appels au calme ambivalents de la part des principaux syndicats agricoles, qui doivent être reçus l'un après l'autre en début de matinée avant la traditionnelle coupe de ruban et la déambulation présidentielle.

Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon, qui ouvre ses portes au public à 09H00. En 2024, des milliers de personnes avaient été bloquées à l'extérieur pendant plusieurs heures en raison de heurts entre manifestants et CRS en marge de la venue d'Emmanuel Macron, entre huées, insultes, bousculades et violences.

Sécurité renforcée, commissariat mobile, chartes pour encadrer les visites politiques... Les organisateurs sont sur les dents pour ne pas voir se répéter le scénario catastrophe de l'an dernier.

L'entourage d'Emmanuel Macron lui a conseillé d'éviter une visite marathon, à l'image des 13 heures de déambulation de 2024 parmi les plus de 1.400 exposants et 4.000 animaux accueillis chaque année.

"Le président sera très probablement pris à parti", a averti Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat historique, qui l'attend sur les dossiers internationaux.

Cet automne, c'est l'opposition à l'accord de libre-échange UE-Mercosur qui a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent aussi les taxes douanières chinoises et craignent des mesures similaires de la nouvelle administration américaine.

"Je souhaite qu'il en parle à Donald Trump (...): arrêter les importations massives qui ne respectent pas nos normes, lever les contraintes qui nous empêchent d'être compétitifs", renchérit Pierrick Horel des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA.

Pour Patrick Legras, porte-parole de la Coordination rurale, forte de sa percée aux élections professionnelles de janvier, "ça va être tendu". Selon lui, Emmanuel Macron va aussi avoir du mal à "expliquer qu'on négocie encore un accord pour importer du sucre ou du poulet d'Ukraine" — l'accord d'association UE-Ukraine, en cours de révision — évoquant des produits érigés en symboles d'une "concurrence déloyale".

Coutumière des actions coup de poing, la Coordination rurale a toutefois passé à ses sympathisants un message d'apaisement, dans l'espoir qu'Emmanuel Macron "aura vraiment quelque chose" à leur dire, selon sa président Véronique Le Floc'h.

- "Où sont les promesses?" -

Plus d'un an après la mobilisation qui avait bloqué routes et autoroutes, l'heure est au bilan des mesures obtenues par les agriculteurs qui réclament un revenu "décent", plus de considération et moins d'injonctions.

Pour le gouvernement, ses engagements ont été "honorés": "500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget", "soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté", "indemnisations à hauteur de 75 millions d'euros aux propriétaires du cheptel touché par les épizooties" ou encore "la mise en place du contrôle administratif unique en octobre dernier".

Surtout, deux jours avant le Salon, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole, attendue depuis trois ans par la profession. Ce texte érige l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur", facilite les installations, la construction de bâtiments d'élevage et le stockage de l'eau, tout en dépénalisant certaines infractions environnementales.

"Un an après, où sont passés les prix plancher et ses promesses? Au Salon 2024, nous demandions des prix minimum garantis pour les producteurs: non seulement on n'a pas du tout avancé, mais la situation est pire aujourd'hui", s'indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat.

Elle estime que les demandes de l'alliance FNSEA-JA et de la CR ont été privilégiées, au détriment d'une "réelle transition agroécologique". Un argument repris par la gauche à propos de la loi d'orientation agricole.

Les personnalités politiques de tous bords devraient se succéder auprès de la vache limousine Oupette, égérie de l'édition 2025. Le Premier ministre François Bayrou est attendu lundi.

Malgré la volonté des organisateurs de limiter les visites à une journée pour chaque parti, Jordan Bardella (RN) a prévu de s'y rendre dimanche et lundi avec une délégation, comme en 2024, où les demandes de "selfies" avec le chef du parti d'extrême droite avaient contrasté avec la visite présidentielle.

En novembre, à la veille de nouvelles mobilisations paysannes, il s'était affiché dans le Lot-et-Garonne avec des cadres de la Coordination rurale, qui faisait campagne de son côté pour "dégager la FNSEA" des chambres d'agriculture.


France: face à des familles en colère, un maire annonce que les corps de 60 harkis ont été transférés en 1986

Des membres de familles harkies se tiennent près d'une stèle commémorative énumérant 146 noms de Harkis décédés, dont 101 enfants, à Rivesaltes, dans le sud-ouest de la France, le 21 février 2025. (AFP)
Des membres de familles harkies se tiennent près d'une stèle commémorative énumérant 146 noms de Harkis décédés, dont 101 enfants, à Rivesaltes, dans le sud-ouest de la France, le 21 février 2025. (AFP)
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  • Le maire André Bascou, en poste depuis 1983, a présenté vendredi ses excuses aux familles qui cherchent à savoir où ont été enterrés une soixantaine de corps et à leur offrir une "sépulture digne"
  • "Entre le 15 et le 19 septembre 1986, les corps ont été exhumés et inhumés au cimetière Saint-Saturnin. Je ne sais pas précisément où ils se trouvent", a déclaré le maire octogénaire, regrettant de ne pas avoir contacté les familles "à l'époque"

RIVESALTES: Les ossements de 60 harkis décédés et inhumés sans sépulture au camp de Rivesaltes, dans le sud de la France, entre 1962 et 1964, ont été transférés en 1986 dans un cimetière de la ville, a révélé vendredi le maire, face à des familles, en colère, à la recherche de corps, dont ceux de 52 bébés.

Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, 21.000 harkis - ces Français musulmans recrutés comme auxiliaires de l'armée française pendant la guerre - et leurs familles ont transité par le camp de Rivesaltes, près de Perpignan.

A l'automne dernier, des tombes d'enfants harkis décédés entre 1962 et 1964 ont été découvertes lors de fouilles demandées par les familles, mais elles étaient dépourvues d'ossements.

Le maire André Bascou, en poste depuis 1983, a présenté vendredi ses excuses aux familles qui cherchent à savoir où ont été enterrés une soixantaine de corps et à leur offrir une "sépulture digne".

"Entre le 15 et le 19 septembre 1986, les corps ont été exhumés et inhumés au cimetière Saint-Saturnin. Je ne sais pas précisément où ils se trouvent", a déclaré le maire octogénaire, regrettant de ne pas avoir contacté les familles "à l'époque".

Dans la salle de la mairie de Rivesaltes, une trentaine de proches de ces enfants défunts ont montré colère et incompréhension, ont constaté des journalistes de l'AFP.

La ministre déléguée en charge de la Mémoire et des Anciens combattants, Patricia Mirallès, qui avait réclamé en octobre 2023 la tenue de fouilles sur le camp de Rivesaltes, a salué la tenue de cette réunion mais réclamé que le maire fasse "la lumière sur tout ce qui s'est passé, avec des archives que nous avons nous-mêmes retrouvées au ministère des Armées".

"Les dépouilles sont aujourd'hui dans le cimetière de Rivesaltes", a-t-elle ajouté devant la presse, "je crois qu'on est dans la reconnaissance".

Entre 1962 et 1965, environ 90.000 harkis et leurs familles ont fui les massacres de représailles en Algérie et ont été accueillis en France. Plusieurs dizaines de milliers furent parqués dans des "camps de transit et de reclassement" gérés par l'armée, aux conditions de vie déplorables et théâtre d'une surmortalité infantile.


France: face à la menace d'extinction des civelles, le pari du repeuplement

Ces très jeunes anguilles pêchées sur la Vie, un fleuve côtier de Vendée (ouest), sont acheminées par camion frigorifique dans les zones définies comme les plus propices à leur croissance. (AFP)
Ces très jeunes anguilles pêchées sur la Vie, un fleuve côtier de Vendée (ouest), sont acheminées par camion frigorifique dans les zones définies comme les plus propices à leur croissance. (AFP)
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  • Sous les couvercles, les civelles, petits poissons gris translucides de quelques centimètres, fins comme des vers, s'agitent dans un fond d'eau
  • Bottes en plastique aux pieds et parka sur le dos, les hydrobiologistes déversent délicatement les civelles en bordure du fleuve, sur une dizaine de kilomètres en aval de Saumur, dans l'ouest de la France

SAUMUR: D'une berge déserte, deux barques en acier chargées d'une montagne de boîtes s'élancent sur la Loire, plus long fleuve de France: à l'intérieur, 400 kg de civelles. Menacé d'extinction, cet alevin de l'anguille fait l'objet d'un programme de repeuplement au long cours.

Sous les couvercles, les civelles, petits poissons gris translucides de quelques centimètres, fins comme des vers, s'agitent dans un fond d'eau.

Bottes en plastique aux pieds et parka sur le dos, les hydrobiologistes déversent délicatement les civelles en bordure du fleuve, sur une dizaine de kilomètres en aval de Saumur, dans l'ouest de la France.

"Une partie des civelles sont marquées. Cela permet d'opérer un suivi à six mois, un an et trois ans pour vérifier leur développement, leur taux de croissance et leur répartition sur la zone", explique Yann Le Péru, hydrobiologiste du centre d'étude Fish Pass, prestataire scientifique du programme de repeuplement, porté par le comité régional des pêches (Corepem) et qui répond à un appel à projet du ministère français de la Transition écologique.

Ces très jeunes anguilles pêchées sur la Vie, un fleuve côtier de Vendée (ouest), sont acheminées par camion frigorifique dans les zones définies comme les plus propices à leur croissance.

"Dans les années 2000, avant les quotas de pêche, on a vraiment mesuré le déclin. Mais depuis trois ou quatre ans, on observe à nouveau une croissance des populations. On espère que c'est le repeuplement qui fonctionne", affirme Fabrice Batard, pêcheur en Loire depuis 22 ans, à la barre de l'une des embarcations.

Climat, pêche et pollution 

Depuis 2007, l'Union européenne prévoit que tout État membre autorisant la pêche à la civelle en affecte au moins 60% au repeuplement. En France, cela représente chaque année environ 30 tonnes des 50 tonnes pêchées.

Mais le cycle de vie de l'anguille, complexe et encore mal connu, rend sa protection particulièrement ardue.

Les anguilles européennes et américaines naissent dans la mer des Sargasses, dans l'Atlantique Nord, leurs larves (appelées leptocéphales) s'orientant ensuite vers les continents en s'aidant des courants marins.

"Les leptocéphales deviennent des civelles, qui vont remonter dans les cours d'eau. Elles grandissent dans les fleuves et lagunes pendant 5 à 35 ans, puis se métamorphosent une nouvelle fois et migrent à nouveau pour aller pondre en mer", retrace Eric Feunteun, professeur en écologie marine du Muséum national d'histoire naturelle à Paris.

Pour expliquer le déclin des populations d'anguilles, phénomène mondial, les scientifiques mettent en avant une conjonction de facteurs humains, la pêche en étant "un parmi d'autres", précise Éric Feunteun.

Les phénomènes océaniques liés au dérèglement climatique font évoluer les courants et déplacent les zones de ponte. En eau douce, les barrages et écluses perturbent les migrations. Les aménagements des fleuves et la bétonisation des berges jouent également un rôle majeur, tout comme la pollution. D'après Eric Feunteun, les anguilles les plus contaminées mesurent en moyenne vingt centimètres de moins que leurs congénères, ce qui pourrait altérer leur fécondité.

Braconnage 

Une autre menace de taille pèse depuis plusieurs années sur les civelles: le braconnage. Cet "or blanc" peut se vendre en Asie jusqu'à 5.000 euros le kg, selon l'Office français de la biodiversité (OFB).

D'après Europol, environ 100 tonnes de civelles sont braconnées chaque année dans l'Union européenne et acheminées en Asie via des filières illicites.

Pour le moment, considérant le long cycle de vie des anguilles, "il est encore difficile de prouver scientifiquement le bénéfice des programmes de repeuplement mis en place depuis dix ans, mais il y a des indices", explique Alexis Pengrech, du comité régional des pêches.

Co-auteur d'une analyse sur dix ans du repeuplement, Eric Feunteun considère que le repeuplement pourrait bien être efficace pour restaurer la population.

"On a pu montrer que la croissance des anguilles s'était améliorée mais pas, si ce n'est par déduction, que la mortalité a baissé. C'est intuitif, mais il faut encore consolider les études pour pouvoir le démontrer", affirme-t-il.

"On nous a dit il y a quinze ans que l'espèce pouvait disparaître", se souvient le pêcheur Fabrice Batard. "A nous tous de jouer pour que ça n'arrive pas."