L'enlèvement d'un Saoudien, nouveau chapitre d’une saga de crime et d’impunité au Liban

Le Liban endure depuis des décennies des enlèvements, des prises d'otages et des vols à main armée; des crimes qui ont commencé avec la guerre civile des années 1970 et qui sont en hausse depuis la crise financière de 2019 (Photo, AFP).
Le Liban endure depuis des décennies des enlèvements, des prises d'otages et des vols à main armée; des crimes qui ont commencé avec la guerre civile des années 1970 et qui sont en hausse depuis la crise financière de 2019 (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 31 mai 2023

L'enlèvement d'un Saoudien, nouveau chapitre d’une saga de crime et d’impunité au Liban

  • Malgré la rapidité du sauvetage de Machari al-Mutairi, l'incident ravive les souvenirs d'enlèvements, de détournements et de vols à main armée
  • L'Arabie saoudite est déterminée à ramener le Liban dans le giron arabe, déclare le chercheur saoudien Salmane al-Ansari

DJEDDAH: Malgré la rapidité record avec laquelle les services de sécurité libanais ont sauvé mardi un citoyen saoudien enlevé, l'incident rappelle une fois de plus les nombreux cambriolages, enlèvements et détournements d'avions, qui ont frappé le pays arabe depuis les années 1970.

Machari al-Mutairi, un employé de la compagnie aérienne saoudienne Saudia Airlines qui vivait dans la banlieue d'Aramoun à Beyrouth, a été enlevé dimanche vers 3 heures du matin. La Direction des renseignements de l'armée libanaise l'a retrouvé et libéré après une opération de sécurité à la frontière avec la Syrie.

Il a été reçu à l'ambassade saoudienne à Beyrouth par l'ambassadeur, Walid Bukhari, qui a déclaré dans un communiqué: «Le citoyen saoudien libéré est en bonne santé et nous remercions l'armée et les forces de sécurité intérieure. Les efforts de sécurité confirment la volonté des autorités libanaises d'assurer la sécurité du tourisme.»

La nouvelle de l'enlèvement d’Al-Mutairi n'aura guère surpris les millions de Libanais qui ont enduré des décennies de disparitions, de prises d'otages et de vols à main armée similaires; des crimes qui sont de nouveau en hausse alors que le pays est aux prises avec des difficultés économiques chroniques.

L'ambassadeur saoudien au Liban, Walid ben Abdallah Bukhari (à droite), et le ministre de l'Intérieur intérimaire du Liban, Bassam Mawlawi, participent à une conférence de presse à l'ambassade d'Arabie saoudite à Beyrouth, au Liban (Photo, Reuters).

Au cours des dix premiers mois de 2021, le nombre de vols de voitures a augmenté de 212%, les cambriolages de 266% et les meurtres de 101% par rapport à la même période en 2019, selon les chiffres d'International Information, un cabinet de conseil indépendant basé à Beyrouth.

Depuis la guerre civile de 1975-1990, le Liban est un pays de transit, d'origine et de destination pour le trafic d'armes. Ces mêmes réseaux sont aujourd'hui utilisés pour acheminer des marchandises volées, contrôler le marché noir et faciliter le commerce florissant de la drogue –beaucoup étant contrôlés par le groupe armé chiite Hezbollah qui continue de dominer la vie publique libanaise.

«Tout pays qui compte un acteur non étatique en son sein est considéré comme un "État défaillant"», a déclaré à Arab News, Salmane al-Ansari, chercheur politique saoudien. «Le Liban n'a jamais été dominé à ce point par une milice qui travaille pour une puissance extérieure.»

«La criminalité, le trafic de drogue, l'effondrement de l'économie et le déclin de la monnaie ne sont que des symptômes du véritable problème de fond, à savoir l'absence de souveraineté nationale. Il ne sert à rien de remédier aux symptômes tant que le problème de fond existe. C'est comme espérer traiter une maladie grave avec un antidouleur.

«Le Liban doit changer de cap et se rendre compte que son avenir est très sombre s'il laisse un acteur non étatique dicter sa trajectoire», a-t-il ajouté.

Les événements qui se déroulent aujourd'hui au Liban rappellent le mauvais vieux temps des années 1980, lorsque les enlèvements, la torture, les meurtres et le trafic de drogue atteignaient des proportions endémiques dans le contexte de la guerre civile qui a dévasté le pays.

À l'époque, les Occidentaux étaient souvent pris pour cible. En 1982, des extrémistes pro-iraniens ont enlevé Davis S. Dodge, alors président de l'université américaine de Beyrouth, à l’intérieur du campus de l'université. Il a été transporté par avion dans une prison près de Téhéran où il a été détenu jusqu'à sa libération un an plus tard.

En 1984, le successeur de Dodge à la présidence de l'université américaine de Beyrouth, le Dr Malcolm Kerr, a été abattu par deux hommes armés devant son bureau. L'organisation du Jihad islamique (OJI) a revendiqué l'assassinat, évoquant la présence militaire américaine au Liban comme mobile.

La même année, William Francis Buckley, un agent de la CIA travaillant à l'ambassade des États-Unis à Beyrouth, a été enlevé par le Hezbollah, puis assassiné. L'une des raisons de son enlèvement aurait été le prochain procès de 17 militants soutenus par l'Iran, au Koweït.

À plusieurs reprises au cours de cette période, des avions entiers de voyageurs ont été pris en otage. En 1984, un vol de Kuwait Airways reliant Koweït City à Karachi, au Pakistan, a été détourné par quatre Libanais et dérouté vers Téhéran.

En raison de demandes non satisfaites, les pirates de l'air ont abattu les passagers américains Charles Hegna et William Stanford, tous deux fonctionnaires de l'Agence américaine pour le développement international, avant de se débarrasser de leurs corps sur le tarmac.

Moins d'un an plus tard, le 14 juin 1985, le vol TWA 847 a été détourné peu après son décollage d'Athènes. Pendant trois jours, l'avion a fait des allers-retours entre Alger et Beyrouth. Le plongeur de la marine américaine Robert Stethem a été assassiné à bord de l'avion.

Des dizaines de passagers ont été retenus en otage pendant les deux semaines suivantes, avant d’être finalement libérés par leurs ravisseurs après que certaines de leurs demandes ont été satisfaites. Les pirates de l’air avaient exigé la libération de 700 musulmans chiite détenus en Israël.

Les analystes occidentaux ont accusé le Hezbollah d’avoir détourné l’avion; une déclaration que le groupe a rejetée.

En 1987, Terry Waite, humanitaire et négociateur d’otages britannique s’est rendu à Beyrouth afin de négocier avec l’OJI qui avait pris plusieurs otages. Cependant, il a été lui-même kidnappé par le groupe et est resté en détention pendant mille sept cent soixante-trois jours – les quatre premières années en isolement.

Un an plus tard, le colonel William Higgins, un marine américain travaillant dans les forces de l'ONU au sud du Liban, a été enlevé et assassiné par un groupe dissident du mouvement Al-Amal, la «Résistance des croyants», allié au Hezbollah.

Malcolm Kerr, président de l'Université américaine de Beyrouth, abattu par des hommes armés alors qu'il arrivait à son bureau dans le campus (Photo, AUB).

Bien que le Liban ne soit plus en proie à une véritable guerre civile, la crise financière qui a débuté en 2019, combinée à l'incapacité de la classe politique à mettre en place un nouveau gouvernement, a créé un environnement où l'anarchie et le désespoir sont de plus en plus présents.

En effet, certains éléments indiquent que l'enlèvement d'Al-Mutairi pourrait avoir été orchestré par une organisation criminelle impliquée dans la production et le commerce du Captagon, qui sévit dans toute la région.

La chaîne d'information libanaise MTV a récemment rapporté qu'un trafiquant de drogue connu sous le nom d'Abou Salle, décrit comme l'un des chefs de cartel les plus importants de la région, était à l'origine de l'enlèvement d'Al-Mutairi.

Le raid de l'armée libanaise sur une usine de Captagon en relation avec l'enlèvement appuie cette théorie.

Des réseaux criminels transportent des marchandises volées, contrôlent le marché noir et facilitent le commerce florissant de la drogue au Liban, beaucoup étant contrôlés par le Hezbollah (Photo, AFP).

Bien que les responsables libanais aient rapidement condamné l'enlèvement, certains craignent que cet incident n'entrave les efforts de normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et le Liban, qui sont depuis longtemps tendues à cause de l'influence du Hezbollah.

Toutefois, Al-Ansari est convaincu que l'enlèvement n'entravera pas les progrès de la normalisation.

«Cela pourrait être considéré comme un petit obstacle, mais en fin de compte, l'Arabie saoudite est déterminée à ce que le Liban revienne dans le giron arabe afin qu'il puisse jouir de sa propre souveraineté, loin de l'hégémonie iranienne», a-t-il expliqué.

En mars, l'Arabie saoudite et l'Iran ont rétabli leurs relations diplomatiques dans le cadre d'un accord conclu sous l'égide de la Chine. L'impact de ce nouvel accord sur les activités des proxys de l'Iran dans la région reste toutefois mal défini.

Le commandant de bord du Boeing 727 de la TWA, John L. Testrake, originaire de Richmond (Missouri), sort du cockpit de son avion détourné, le 19 juin 1985, à l'aéroport de Beyrouth, pour s'adresser aux journalistes (Photo, Getty Images/AFP).

«On ne connait pas encore les répercussions de la médiation chinoise entre l'Arabie saoudite et l'Iran sur le dossier libanais», a signalé Al-Ansari. «Elle permettra de désamorcer la tension, mais ne résoudra pas ce problème du jour au lendemain.»

Bien que le Liban soit loin d'atteindre la stabilité, Al-Ansari pense que l'Arabie saoudite «travaillera dur avec les dirigeants libanais afin de trouver un moyen de mettre en place des réformes politiques et économiques, de lutter contre la corruption et la contrebande de drogue, et d'instaurer le bon type de gouvernance».

Les observateurs internationaux ont mis en garde contre le risque de vacance du pouvoir après le départ en octobre, du président de longue date, Michel Aoun. À ce jour, le Parlement libanais n'a toujours pas élu de nouveau président, ce qui prolonge la paralysie politique du pays.

«L'ambassadeur saoudien à Beyrouth s'est exprimé à ce sujet et a soutenu la recherche d'une solution à la vacance du pouvoir, la promotion des réformes et la nomination d'un gouvernement, car en fin de compte, l'Arabie saoudite ne peut rien apporter s'il n'y a pas de gouvernement solide à Beyrouth», a précisé Al-Ansari.

«L'Arabie saoudite ne veut rien d'autre que la stabilité politique et la prospérité du Liban. Il faudra beaucoup de temps pour atteindre ces objectifs, mais en fin de compte, c'est aux Libanais de décider de leur avenir, et les Saoudiens les aideront autant qu'ils le pourront.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Macron à Beyrouth: soutien ferme aux Libanais et leurs nouveaux dirigeants, pour une ère nouvelle

Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
Short Url
  • Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité
  • C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry

PARIS: En se rendant à Beyrouth, quelques jours après l’élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la désignation du nouveau premier ministre Nawaf Salam, le président français Emmanuel Macron a voulu confirmer que la France se tient fermement aux côtés du Liban et des Libanais, dans cette nouvelle ère qui s’ouvre.

C’est une ère porteuse de grands espoirs, pour un pays qui semblait voué au chaos, à cause de l’ineptie de sa classe politique et de ses luttes internes. C’est ce qu’il a voulu constater par lui-même en allant au contact des nouveaux dirigeants et du peuple libanais.

Mais c’est également une ère de défis complexes et difficiles, tant le Liban est fragilisé au niveau de ses institutions, de son économie et de son tissu social par des pratiques mercantiles et communautaires, les ingérences externes, puis récemment une guerre avec Israël qui a laissé une partie de son territoire en lambeaux.

Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité et consolider son unité.

C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry.

S’exprimant devant les journalistes à la suite de son tête-à-tête avec Aoun au palais présidentiel de Baabda il a souligné que la souveraineté passe par le respect du cessez-le-feu instauré entre le Liban et Israël le 26 novembre dernier et qu’il a qualifié de «succès diplomatique historique qui a permis de sauver des vies». Avec pour effet la nécessité de consolider le mécanisme de surveillance dont la France fait partie.

Cela implique une application stricte des engagements pris par les autorités israéliennes et libanaises dans le cadre de l'accord et dans les délais prévus.

 Soulignant que « des résultats ont été obtenus » à ce niveau, Macron a estimé qu’ils « doivent se fédérer, se confirmer dans la durée », avec « un retrait total des forces israéliennes, et un monopole total de l'armée libanaise sur les armes ».

C'est pourquoi ajoute Macron « nous soutenons, avec force la montée en puissance des forces armées libanaises et leur déploiement dans le sud du pays » tout en continuant à « consolider l'appui international en matière d'équipement de formation, et de soutien financier ».

Cet effort est soutenu par, la France à titre bilatéral et « je sais aussi que nos amis, l'arabie saoudite le Qatar les pays de la région sont prêts à faire davantage » ajoute-t-il, tout en travaillant « avec vous à la démarcation de la ligne bleue pour dégager une solution pérenne au bénéfice de la sécurité de tous ».

Macron a par ailleurs rappelé que cette souveraineté ne concerne pas que le sud du Liban, et que le contrôle des autres frontières, notamment dans le contexte du bouleversement en cours en Syrie, « constitue aussi un enjeu majeur ». 

L’autre pilier étant la prospérité au bénéfice de tous, il exprimé l’espoir d’une formation rapide du nouveau gouvernement pour mener à bien cette tâche et subvenir à l’urgence humanitaire qui n’est pas révolue.

La nécessité de réformer

La France assure t-il veille à ce que les engagements pris le 24 octobre à Paris soient tenus et qu'ils se traduisent matériellement au profit des populations déplacées par la guerre, Mais « au-delà des réponses d'urgence, la communauté internationale doit anticiper un soutien massif à la reconstruction des infrastructures des habitations détruites par la guerre, tout particulièrement au sud, où le million de déplacés libanais sont rentrés pour trouver leur maison et leur village réduits en cendres ».

À ce propos Macron a précisé qu’une conférence internationale pour la reconstruction se tiendra à Paris dans quelques semaines, lors d’une visite qu’effectuera le président libanais.

La prospérité suppose également des réformes, elles sont « attendues et connues » et s’adressant à Aoun dans des termes empreints d’une chaleur amicale « vous les portez, et vous les défendez », la réforme de la justice, la réforme bancaire, la réforme du marché de l'énergie, la lutte contre la corruption, « toutes ces réformes nécessaires, c'est le gouvernement à venir qui le portera, elles sont indissociables de cette reconstruction ». 

L'ensemble de ces points poursuit Macron doit servir le troisième objectif, « celui d'une nation libanaise, réconciliée et unie dans son pluralisme », car la plus grande des appartenances « est celle à une république qui croit dans l'universel, et d'un pluralisme qui respecte toutes les religions, toutes les communautés leur donnent à chacune sa place ».

Ce n'est que dans cette unité, assure-t-il dans « ce pluralisme réconcilié que le chemin est possible », rendant hommage au peuple libanais, aux milliers de victimes que le pays a déploré depuis le déclenchement de la guerre, « une guerre dans laquelle le Liban a été plongé, malgré lui par l'irresponsabilité de quelques uns ».

Avant sa rencontre avec Aoun au palais de Baabda Macron avait déposé une gerbe au monument du soldat inconnu, puis il s’est livré à un exercice qu’il affectionne particulièrement, en déambulant dans le quartier de Gemayzeh, qui avait été dévasté par l’explosion du port de Beyrouth en 2020

Évoluant au milieu d’une foule de libanais qui l’ont accueilli par des applaudissements chaleureux, il a siroté un café puis il a regardé des livres sur la reconstruction de ce quartier, qu’il avait visité juste au lendemain de l’explosion.

Il a échangé en toute spontanéité avec les personnes qui l’entouraient, il a fait des selfies, bu des jus de fruits, partagé une pizza en écoutant attentivement les personnes qui s'adressent à lui.

« Vous êtes adorable » lui lance une vieille dame, « aidez le Liban » lui demande un homme, une autre personne lui fait part de sa crainte d’une reprise de la guerre.

« Bon courage » et « garder le moral », assène le président français à ses interlocuteurs, avant de souligner que l’ère qui s’ouvre est une ère d’espoir où chacun a sa part à accomplir.

Macron avait commencé sa visite par une rencontre avec le premier ministre libanais en exercice Najib Mikati, et deux entretiens avec le chef d’état major de la FINUL, le général Jean-Jacques Fatinet, puis avec le commandant des opérations spéciales au sein du mécanisme de surveillance du cessez le feu le Général Jasper Jeffers et du représentant de la France au sein de ce mécanisme le général Guillaume Pin Hun.

 


Le procureur de la CPI, Karim Khan, rencontre le nouveau dirigeant syrien 

Short Url
  • Le président déchu, Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou, refusait de coopérer avec la CPI, ne reconnaissant pas sa compétence sur son territoire
  • M. Chareh et le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, ont rencontré "une délégation de la Cour pénale internationale, dirigée" par Karim Khan, a déclaré Sana, qui a également publié des images de la réunion

DAMAS: Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a été reçu vendredi par le nouveau dirigeant syrien, Ahmad al-Chareh, qui a pris le pouvoir après la chute de Bachar al-Assad accusé de crimes durant la guerre civile, a indiqué l'agence de presse officielle Sana.

M. Chareh et le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, ont rencontré "une délégation de la Cour pénale internationale, dirigée" par Karim Khan, a déclaré Sana, qui a également publié des images de la réunion.

Le président déchu, Bachar al-Assad, qui a fui à Moscou, refusait de coopérer avec la CPI, ne reconnaissant pas sa compétence sur son territoire.

Le groupe islamiste de M. Chareh, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), a mené une coalition qui a renversé Assad le 8 décembre, plus de 13 ans après la répression sanglante de manifestations anti-Assad ayant déclenché une guerre qui a fait plus de 500.000 morts.

Les nouvelles autorités ont promis de rendre justice aux victimes des atrocités commises durant les décennies de règne du clan Assad, s'engageant à juger les responsables impliqués dans la torture des détenus.

Elles ont exhorté la communauté internationale à leur remettre les personnes recherchées qui ont fui.

La CPI, basée à La Haye, n'a pas été en mesure d'enquêter sur la Syrie car le pays n'a jamais ratifié le Statut de Rome, son traité fondateur.

En 2014, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité visant à renvoyer le dossier syrien devant la CPI.

 


Explosion au port de Beyrouth: le juge reprend ses enquêtes après deux ans de suspension

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes". (AFP)
Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes". (AFP)
Short Url
  • M. Bitar, juge indépendant, avait dû interrompre son enquête en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu'à une série de poursuites judiciaires
  • La reprise de ses investigations intervient après l'élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre, permises par un affaiblissement du Hezbollah après sa guerre dévastatrice contre Israël

BEYROUTH: Le juge libanais Tarek Bitar, chargé d'enquêter sur la  gigantesque explosion meurtrière au port de Beyrouth a repris ses investigations et engagé des poursuites contre dix nouvelles personnes jeudi, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des pans entiers de la capitale du Liban, tuant plus de 220 personnes et en blessant plus de 6.500.

M. Bitar, juge indépendant, avait dû interrompre son enquête en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah, ainsi qu'à une série de poursuites judiciaires.

La reprise de ses investigations intervient après l'élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam comme Premier ministre, permises par un affaiblissement du Hezbollah après sa guerre dévastatrice contre Israël et la chute de Bachar al-Assad en Syrie.

M. Aoun et M. Salam se sont engagés à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et à empêcher toute ingérence dans le travail du juge, dans un pays où la culture de l'impunité prévaut.

Une source judiciaire a indiqué à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que M. Bitar avait "repris ses investigations dans le dossier et engagé des poursuites contre trois employés du port et sept officiers de haut rang de l'armée, de la sécurité générale et des douanes".

Il a précisé que les interrogatoires débuteront à partir du 7 février. Des séances d'interrogatoire sont également prévues en mars et avril avec d'autres inculpés, parmi lesquels des anciens ministres et députés.

Selon la même source, M. Bitar prévoit ensuite de clore l'enquête et de la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour qu'il examine l'affaire, en vue de formuler un acte d'accusation.

"Espoir" 

"Les promesses faites par le président et le Premier ministre, puis la reprise de l'enquête (...) aujourd'hui, nous donnent l'impression qu'il y a un espoir que les droits des victimes, pour lesquels nous n'avons cessé de lutter, ne seront pas oubliés", a déclaré à l'AFP Cécile Roukoz, l'une des avocates des familles des victimes, qui a perdu son frère dans l'explosion.

Jeudi, le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk a appelé à la "reprise d'une enquête indépendante", insistant sur la nécessité que les responsables "rendent des comptes" et proposant l'aide de son Bureau à cette fin.

La déflagration a été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium, malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

Un premier juge chargé en 2020 de l'enquête avait dû jeter l'éponge, après avoir inculpé l'ex-Premier ministre, Hassan Diab, et trois anciens ministres.

Tarek Bitar s'était à son tour attaqué à des responsables politiques, mais a été confronté aux mêmes obstacles et à une demande du Hezbollah qu'il soit démis de ses fonctions.

Il avait repris son travail à la surprise générale en janvier 2023, inculpant plusieurs personnalités de haut rang, avant d'être poursuivi pour insubordination par le procureur général, une première dans l'histoire du Liban.

Les proches de victimes et de nombreuses ONG internationales ont demandé à plusieurs reprises la formation d'une commission d'enquête internationale, mais s'étaient heurtés à un refus officiel du Liban.

Dans son premier discours mardi, M. Salam a dit qu'il ferait "tout son possible pour rendre justice aux victimes de l'explosion".