PARIS: La majorité présidentielle va "faire bloc" mercredi en commission à l'Assemblée nationale pour torpiller une proposition d'abrogation de la retraite à 64 ans, face à des oppositions vent debout contre une tentative de les "museler".
L'examen par les quelque 70 députés de la commission des Affaires sociales, à partir de 9h30, est un premier round pour ce texte porté par le groupe indépendant Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires), avant son arrivée le 8 juin dans l'hémicycle. Mais chaque camp espère déjà marquer des points décisifs.
Car malgré les faibles chances qu'a cette initiative d'aboutir sur le plan législatif, elle maintient la flamme des opposants à la réforme, avant une nouvelle journée de mobilisation le 6 juin.
Et elle embarrasse l'exécutif, inquiet de l'impact politique d'une éventuelle abrogation du texte par l'Assemblée nationale, quelques semaines à peine après la promulgation, mi-avril, de cette loi très contestée.
La Première ministre Elisabeth Borne a une nouvelle fois mardi attaqué les oppositions, les accusant de mentir aux Français "en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu'il serait censuré par le Conseil constitutionnel".
"Nous ferons bloc" pour contrer cette proposition de loi, a promis la cheffe de file des députés macronistes du groupe Renaissance, Aurore Bergé.
«Atteinte grave»
Avec ses alliés Horizons et Modem, elle a qualifié d'"atteinte grave" aux institutions la décision du président de la Commission des Finances, Eric Coquerel (La France insoumise), de déclarer la proposition de loi de Liot "recevable".
Selon l'exécutif, abroger la réforme des retraites coûterait plus de 15 milliards d'euros.
Or, l'article 40 de la Constitution dispose qu'une proposition de loi ne doit pas créer de charge publique.
Mais M. Coquerel a invoqué "les droits des oppositions" et une "pratique communément admise" de ne pas faire barrage à ce titre à des textes parlementaires.
Le camp présidentiel n'a pas baissé les armes et échafaudé un plan pour contrer la proposition de loi de Liot.
Il espère réussir à supprimer l'article d'abrogation des 64 ans mercredi en commission, où le rapport de force lui semble plus favorable que dans l'hémicycle.
S'il y parvient, le groupe Liot se verrait contraint de réintroduire sa mesure par un amendement avant le 8 juin.
Un scénario qui autoriserait la présidente de l'Assemblée à brandir elle-même le couperet de la recevabilité financière, et d'empêcher ainsi un vote dans l'hémicycle.
"Je prendrai mes responsabilités", a dit mardi Yaël Braun-Pivet, membre de Renaissance, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage plus tôt.
«Le courage de perdre»
Pour que ce coup de billard à plusieurs bandes aboutisse, la majorité compte sur la promesse des dirigeants Les Républicains de lui prêter main forte mercredi.
"Je pense que la majorité des députés LR n'ont pas envie de participer à cette facétie qu'est cette proposition de loi", a déclaré le chef de file du groupe de droite, Olivier Marleix, tandis que la gauche et Liot espèrent que certains LR leur prêteront main forte.
"Nous ne laisserons pas l'exécutif museler la représentation nationale", ont prévenu les quatre groupes de la coalition de gauche Nupes, promettant d'utiliser "tous les moyens possibles" pour riposter au camp présidentiel. Ils organisent un rassemblement près du Palais Bourbon à 13H00.
Pour la cheffe de file des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, "les soutiens du gouvernement ont deux options (...) : soit faire de l'obstruction soit perdre". "Je leur dis +ayez le courage de perdre et d'affronter le vote de l'Assemblée nationale+".
Le groupe RN de Marine Le Pen a prévu pour sa part de soutenir le texte d'abrogation "face aux tentatives de sabordage de la macronie".
Bertrand Pancher, chef de file de Liot, en a appelé mardi à Emmanuel Macron, dans un courrier où il dénonce les "manœuvres" du camp présidentiel. "Nous vous demandons, en responsabilité, de laisser les députés voter et de respecter le fait démocratique", écrit-il au chef de l'État.