MOSCOU: Le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, a revendiqué samedi la capture de la ville de Bakhmout dans l'est de l'Ukraine, épicentre des combats, où Kiev a dit encore se battre tout en jugeant la situation "critique".
Si elle était confirmée, la prise de Bakhmout permettrait à Moscou d'afficher une victoire après une série de revers humiliants. Elle interviendrait aussi avant une contre-offensive d'ampleur que Kiev dit préparer depuis des mois.
L'annonce de M. Prigojine intervient aussi alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky se trouve au sommet du G7 à Hiroshima au Japon, où il enchaîne les rencontres pour accentuer la pression internationale sur Moscou.
"Le 20 mai 2023, aujourd'hui, à midi, Bakhmout a été prise dans sa totalité", a annoncé M. Prigojine dans une vidéo diffusée par son service de presse sur Telegram, où il se tient aux côtés d'hommes armés devant des bâtiments en ruines.
"L'opération pour la prise de Bakhmout a durée 224 jours (...) Il n'y avait que Wagner ici" mais aucune troupe régulière de l'armée russe, a ajouté M. Prigojine, qui est en conflit ouvert avec la hiérarchie militaire à Moscou.
La vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar, a affirmé sur Telegram que les défenseurs ukrainiens contrôlaient toujours "certaines installations industrielles et infrastructures" et immeubles d'habitations, bien que "la situation est critique".
Le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak a pour sa part assuré à la télévision que "Bakhmout sera libérée, comme tous les autres territoires de l'Ukraine".
Selon M. Prigojine, Wagner retirera ses hommes de la ville à partir du 25 mai et en laissera la défense à l'armée russe régulière, se tenant à disposition après rotation et entraînement pour des opérations futures de Moscou.
"D'ici au 25 mai, nous allons fouiller complètement la ville, créer des positions défensives et la transférerons aux militaires pour qu'ils s'en occupent. De notre côté, nous retournerons dans les bases", a déclaré M. Prigojine.
Menaces envers l'état-major
Les deux camps ont subi d'importantes pertes à Bakhmout, ville de quelque 70.000 habitants avant l'offensive russe, aujourd'hui en grande partie dévastée par les combats.
Les forces russes y ont progressé lentement tout en prenant des localités avoisinantes telles que Soledar plus au nord. Elles contrôlaient ces dernières semaines Bakhmout à plus de 90%, ne luttant plus au sein de la cité que contre une dernière poche de résistance ukrainienne dans l'ouest.
L'Ukraine a cependant revendiqué cette semaine la prise de plus de vingt kilomètres carrés aux forces russes au nord et au sud de la ville, mettant en danger les flancs de Wagner, qui sont tenus par des troupes régulières de l'armée russe.
M. Prigojine a accusé les soldats de l'armée russe de fuir leurs positions près de Bakhmout, tout en affirmant que l'état-major ne fournissait pas assez de munitions à ses hommes à dessein pour affaiblir son groupe.
"Nous ne nous sommes pas uniquement battus avec l'armée ukrainienne à Bakhmout, mais aussi avec la bureaucratie russe qui nous a mis des bâtons dans les roues", a lancé M. Prigojine samedi.
Critiquant une nouvelle fois violemment le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d'état-major Valéri Guérassimov, il a estimé que cinq fois plus d'hommes étaient morts à Bakhmout "à cause de leurs caprices".
"Ils répondront de leurs actes", a encore dit le patron de Wagner.
La Russie, qui a lancé ses troupes à l'assaut de l'Ukraine le 24 février 2022, a subi de sérieux revers sur le front, étant forcée tour-à-tour de se retirer des environs de Kiev, puis de la région de Kharkiv dans le nord-est et de la ville de Kherson dans le sud.
Le front était essentiellement fixe tout au long de l'hiver, l'essentiel des combats se déroulant à Bakhmout.
Les deux camps sont désormais dans l'attente d'une contre-offensive d'ampleur annoncée par les autorités ukrainiennes, fortes des livraisons d'armes occidentales.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré récemment que son armée avait "besoin de plus de temps" pour préparer cet assaut.