BERLIN: Des supporters de Recep Tayyip Erdogan tentent d'intimider les électeurs turcs décidés à voter en Allemagne pour un autre candidat aux élections considérées périlleuses pour le président turc, selon des hommes politiques et des électeurs.
"Ils nous provoquent. Mais nous ne réagirons pas", a assuré à l'AFP Ercan Yaprak, coresponsable de l'antenne du parti républicain du peuple (CHP, opposition) au quartier Neukoelln de Berlin.
"S'ils s'attendent à ce que nous leur répondions au consulat, nous ne le ferons pas. Nous ne voulons pas d'une bagarre", poursuit-il.
Le CHP a recours à des bus afin de rassembler les votants de la capitale votant au consulat turc. Or, à l'arrivée des groupes de manifestants pro-Erdogan les attendent à l'entrée du consulat.
Une voiture diffusant des chants pro-Erdogan est passée mardi devant l'antenne locale du CHP.
Katresu Ergez, 29 ans, citoyenne turco-allemande attendant de monter dans le bus, s'est déjà rendue au consulat la semaine dernière afin d'accompagner l'une de ses amies.
"Ils vous insultent à l'entrée" du consulat, dit-elle. "Si vous ne portez pas le voile et si vous êtes habillée de façon moins traditionnelle, vous êtes directement considérée comme anti-Erdogan et insultée".
Il en va de même sur les réseaux sociaux, fait-elle valoir. "Vous vous faites insulter, vous êtes qualifiée de terroriste et des choses de ce genre".
«tentative flagrante»
"Il y a une tentative flagrante d'influencer l'opinion et même de mettre des gens sous pression", a déclaré à la chaîne de télévision allemande ZDF Herbert Reul, ministre de l'Intérieur de l'État de Rhénanie-du-nord-Westphalie, dénonçant "des méthodes qui ne sont pas acceptables".
En début d'année, un membre du parti AKP d'Erdogan a menacé les dirigeants turcs exilés en Allemagne en déclarant à Neuss, port fluvial de la Rhénanie-du-nord-Westphalie : "Nous les tabassons en Turquie et maintenant, nous allons les tabasser en Allemagne".
Ce genre d'attitude doit être proscrite, selon le ministère de l'Intérieur de cet État. "Si des tels politiciens pensent qu'ils pourront poursuivre leur campagne ici, ils doivent savoir que nous ne le permettrons pas", a dit M. Reul.
Les Turcs vivant en Allemagne, qui constituent la plus importante communauté de ce pays à l'étranger, ont commencé à voter fin avril pour les élections présidentielles et législatives jugées périlleuses pour Recep Tayyip Erdogan.
Au total, 1,5 million de Turcs peuvent voter jusqu'au 9 mai dans 26 différents bureaux de vote répartis dans toute l'Allemagne, selon la commission électorale YSK.
Parmi eux, beaucoup de descendants des travailleurs émigrés "invités" à contribuer au miracle économique allemand des années 60 et 70. Ils forment de loin le plus gros contingent de cette diaspora forte de 3,4 millions d'électeurs répartis dans 73 pays du monde.
Tous les instituts de sondage annoncent un score serré avant le scrutin du 14 mai qui doit départager le président turc, candidat à sa réélection, et son principal rival, Kemal Kiliçdaroglu, 74 ans, candidat de l'Alliance nationale qui réunit six partis de l'opposition.