CHASIV YAR, UKRAINE: Le coordinateur vidéo de l'Agence France-Presse en Ukraine, Arman Soldin, a été tué mardi après-midi lors d'une attaque de roquettes russes dans l'Est de l'Ukraine, près de la ville assiégée de Bakhmout.
Dans la soirée, Emmanuel Macron lui a rendu hommage. "Journaliste de l'Agence France-Presse, l'un de nos compatriotes, Arman Soldin, a été tué en Ukraine. Avec courage, dès les premières heures du conflit il était au front pour établir les faits. Pour nous informer", a écrit sur Twitter le président français.
Peu après, le ministère de la Défense ukrainien a présenté ses "sincères condoléances à sa famille et à ses collègues", ajoutant, sur le même réseau social: "Il a consacré sa vie à rendre compte de la vérité au monde".
Arman Soldin faisait partie d'une équipe de cinq reporters de l'AFP qui accompagnaient des soldats ukrainiens sur le front le plus actif de la guerre, dans les environs de Tchassiv Iar, localité ukrainienne proche de Bakhmout et visée quotidiennement par les forces russes.
La salve de roquettes Grad qui l'a touchée a été tirée vers 16H30 locales (13H30 GMT). Il a été touché alors qu'il s'était couché au sol pour tenter de se protéger. Le reste de l'équipe s'en est sorti indemne.
"L'Agence dans son ensemble est effondrée", a déclaré Fabrice Fries, le PDG de l'AFP. "Sa mort est un terrible rappel des risques et dangers auxquels sont confrontés les journalistes au quotidien en couvrant le conflit en Ukraine".
Phil Chetwynd, directeur de l'information de l'AFP, a salué la mémoire d'un journaliste "courageux, créatif et tenace". "Le travail brillant d'Arman résumait tout ce qui nous rend fier du journalisme de l'AFP en Ukraine", a-t-il ajouté.
Les journalistes et salariés de l'AFP morts en mission ou dans des attentats
Comme Arman Soldin, journaliste vidéaste tué mardi dans l’est de l’Ukraine, de nombreux journalistes et salariés de l'Agence France-Presse sont morts en mission ou dans des attentats depuis la création de l'Agence en 1944.
Les journalistes, permanents ou pigistes, et autres salariés de l'AFP morts en mission ou dans des attentats:
- Mai 2023 - Arman SOLDIN (Ukraine) - Coordinateur vidéo de l'AFP en Ukraine
- Juillet 2018 - Mohammad AKHTAR (Afghanistan) - Chauffeur au bureau de Kaboul
- Avril 2018 - Shah MARAI (Afghanistan) - Chef photographe du bureau de Kaboul
- Avril 2018 - Abdullah AL-QADRY (Yemen) - Vidéaste qui avait travaillé pour l'AFP
- Mai 2017 - Javier VALDEZ (Mexique) - Pigiste
- Août 2014 - James FOLEY (Syrie) - Journaliste indépendant
- Mars 2014 - Sardar AHMAD (Afghanistan) - Journaliste
- Avril 2006 - Salah JALIL AL GHARRAOUI (Irak) - Responsable administratif
- Mai 2005 - Raed JAFFAT (Irak) - Correspondant
- Mai 2005 - Paolo COCCO (Italie) - Photographe
- Décembre 2004 - Deyda HYDARA (Gambie) - Correspondant
- Juin 2003 - Acquitté KISEMBO (République démocratique du Congo) - Correspondant
- Juillet 2003 - Ali ASTAMIROV (Ingouchie) - Correspondant
- Septembre 1995 - Mushtaq ALI (Cachemire) - Photographe
- Octobre 1995 - Georges BENDRIHEM (Tunisie) - Photographe
- Avril 1994 - Lissy SCHMIDT (Kurdistan irakien) - Correspondante
- Décembre 1989 - Eloy GUEVARA (Salvador) - Photographe
- Juin 1975 - Bernard CABANES (Paris) - Journaliste
- Mars 1975 - Paul LEANDRI (Vietnam) - Journaliste
- Avril 1974 - Marc FILLIOUX (Laos/Cambodge) - Correspondant
- Décembre 1969 - Alain SAINT-PAUL (Vietnam) - Journaliste
- Septembre 1962 - Paul GUIHARD (Etats-Unis) - Journaliste
- Février 1951 - Jean-Marie de PREMONVILLE (Corée) - Journaliste
- Juillet 1950 - Maximilien PHILONENKO (Japon) - Journaliste
Journaliste reporter d'images expérimenté précédemment en poste à Londres, Arman Soldin était le coordinateur vidéo en Ukraine depuis septembre 2022 et se rendait régulièrement sur le front.
Il faisait partie également de l'équipe AFP qui avait couvert les tout premiers jours de l'invasion russe.
"Arman était enthousiaste, énergique, courageux. C'était un vrai reporter de terrain, toujours prêt à partir y compris dans les zones les plus difficiles", a dit la directrice Europe de l'AFP, Christine Buhagiar.
Evacué de Sarajevo à un an
A l'Assemblée nationale française, les députés de tous les groupes se sont levés mardi soir pour applaudir en hommage au journaliste.
Recruté à Rome en 2015 en tant que stagiaire avant de rejoindre le bureau de Londres la même année, Arman, de nationalité française et bosnien d'origine, était né à Sarajevo. Il était l'un des premier évacués en France en 1992 au début du siège de la ville. Il avait à peine un an.
"Les histoires de réfugiés me touchent", racontait-il l'année dernière pour le blog Making Of de l'AFP, interrogé depuis Kiev alors qu'il s'éclairait à la bougie.
Il parlait couramment français, anglais et italien mais ses origines l'aidaient dans son travail en Ukraine: "Je baragouine un peu en bosniaque, c'est aussi une langue slave, on se comprend un peu (...) "Beaucoup de femmes s'appellent Oksana, ma mère aussi".
Footballeur doué, il avait joué, jeune, au Stade Rennais dans l'ouest de la France mais avait abandonné ses espoirs d'accéder à une carrière professionnelle.
Quand la Russie a envahi l'Ukraine en février l'année dernière, Arman s'est porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l'Agence.
"Un an presque jour pour jour depuis mon arrivée en Ukraine pour la première fois qui a changé ma vie", écrivait-il en février, se disant "très fier et ému du travail, des efforts et des larmes que nous y avons consacrés avec mes collègues". "Ce n'est pas fini", ajoutait-il.
Il est au moins le onzième reporter, fixer ou chauffeur de journalistes a avoir été tué en Ukraine depuis le début de l'invasion russe le 24 février 2022, selon un décompte des ONG spécialisées RSF et CPJ.