WASHINGTON : Donald Trump en campagne dans le Sud des Etats-Unis pour soutenir des candidats républicains ? Sur le papier, la formule est gagnante. Mais depuis sa défaite, qu'il n'a pas reconnue, le président américain sème la confusion, et son camp s'inquiète.
L'enjeu est énorme : l'élection partielle du 5 janvier dans l'Etat de Géorgie déterminera la couleur politique du Sénat et, par ricochet, une grande partie du début de mandat de Joe Biden, tant les votes de la Chambre haute sont cruciaux.
Si les républicains perdent les deux sièges en jeu, le Sénat sera à 50-50, ce qui reviendrait à une victoire démocrate, car la vice-présidente Kamala Harris serait alors, comme le prévoit la Constitution, placée dans un rôle d'arbitre.
Depuis l'élection, remportée par Joe Biden, Donald Trump tente de jeter discrédit sur le système électoral américain, sans apporter d'éléments concrets mais en relayant rumeurs infondées et théories du complot.
En dépit d'une avalanche de revers judiciaires, il n'a pas changé de ton depuis un mois. Dans un message vidéo décousu de 46 minutes diffusé mercredi, il a une nouvelle fois dénoncé les "forces corrompues" qui se seraient rendues coupables de fraudes "massives".
Dans ce contexte, son appel à se mobiliser dans les urnes pour soutenir les sénateurs républicains David Perdue et Kelly Loeffler pourrait perdre en puissance.
Donald Trump est attendu samedi à Valdosta, dans le sud du "Peach State" où l'élection présidentielle fut extrêmement serrée : Joe Biden l'a emporté avec quelque 13.000 voix d'avance.
Sa capacité à galvaniser les électeurs est, incontestablement, son atout maître, et l'estrade de campagne reste son terrain de jeu favori.
Mais l'équation est cette fois plus compliquée, le pari plus risqué.
Quel sera le discours de ce président qui ne gouverne presque plus et a promis d'utiliser "125%" de son énergie à démontrer qu'il n'a pas perdu l'élection du 3 novembre ?
Parlera-t-il de ses griefs, ou de l'enjeu du Sénat ? Dira-t-il "Tout est truqué !" ou "Allez voter!"?
Certains, dans son camp, redoutent que les électeurs restent chez eux en estimant que les dés sont pipés. Voire, pour les plus trumpistes d'entre eux, refusent de voter pour les deux sénateurs sortants jugeant qu'ils n'ont pas soutenu avec assez d'allant leur président dans sa croisade.
Lin Wood, l'un des avocats appartenant à la nébuleuse ayant mené des actions en justice en Géorgie pour contester la victoire de Biden, elle est allée jusqu'à appeler à ne pas voter lors d'"une autre élection frauduleuse", avant de tenter de rectifier le tir quelques jours plus tard.
Insultes et tensions
"J'irai en Géorgie pour un grand meeting de campagne Trump pour soutenir nos deux formidables sénateurs républicains, David et Kelly", a tweeté le président américain. "Nous devons travailler dur pour nous assurer qu'ils l'emportent"
"Je suis si fière d'avoir le soutien de notre président et enthousiaste à l'idée de l'accueillir de nouveau en Géorgie!", a répondu Kelly Loeffler.
Mais les tensions sont réelles dans la famille républicaine.
D'autant que le locataire de la Maison Blanche s'est montré d'une agressivité inouïe envers plusieurs responsables du Grand Old Party de l'Etat, au premier rang desquels le gouverneur, Brian Kemp.
"Il n'a absolument rien fait. J'ai honte de l'avoir soutenu", a-t-il lancé, furieux qu'il n'ait pas désavoué le secrétaire d'Etat local Brad Raffensperger, lui aussi républicain, qui a validé le résultat du scrutin.
L'attitude du gouverneur samedi sera observée avec attention : accueillera-t-il Donald Trump à sa descente d'Air Force One? Les deux hommes s'afficheront-ils ensemble ?
Seule certitude, le parti républicain joue gros. Et Donald Trump, qui évoque désormais ouvertement une nouvelle candidature en 2024, aussi.
Pour l'éditorialiste conservateur Marc Thiessen, ancien "speechwriter" de George W. Bush, l'avenir politique de 45e président de l'histoire pourrait se jouer sur sa gestion de ce scrutin.
"Si Trump utilise son capital politique pour mener le parti républicain à la victoire en Géorgie, ce pourrait être la première étape d'une réhabilitation", a-t-il écrit cette semaine dans le Washington Post.
"Mais s'il laisse les démocrates reprendre le Sénat parce qu'il était obnubilé par la dénonciation d'une sombre théorie sur un complot communiste visant à voler l'élection de 2020, alors il tombera en disgrâce. Et il l'aura mérité".