DIJON: Ouverte il y a un an, la Cité de la gastronomie et du vin de Dijon n'a pas atteint le million de visiteurs souhaité, ce qui n'empêche pas "un formidable succès", selon la mairie, tandis que l'opposition municipale crie au "fiasco".
"Un million" d'entrées, avait promis le maire François Rebsamen (PS) en inaugurant, le 6 mai 2022, la Cité internationale de la gastronomie et du vin (CIGV).
Un an plus tard, le millionième visiteur n'a toujours pas franchi les portes de cet ensemble de musées, boutiques et restaurants, destiné à être l'ambassadeur du "repas à la française", tel qu'inscrit au patrimoine de l'Humanité en 2010.
"On sera à 840.000 le 6 mai", se réjouit le maire dans un entretien avec l'AFP, soit le deuxième site touristique de Bourgogne-Franche Comté derrière la basilique de Vézelay (Yonne, un million de visiteurs).
"C'est un formidable succès", en déduit M. Rebsamen, qui attribue l'échec à atteindre le million de visiteurs à la fréquentation du cinéma Pathé-Gaumont, installé sur le site.
Loin des 500.000 entrées espérées par la mairie, le cinéma en a fait "près de 200.000", confirme à l'AFP Aurélien Bosc, président de Pathé Cinémas qui se dit cependant "confiant: "il faut du temps pour lancer un cinéma, généralement entre trois et cinq ans".
Hors cinéma, "près de 650.000 personnes" se sont rendues sur place, souligne M. Rebsamen, ravi que la Cité n'attire pas que les touristes mais aussi les Dijonnais : ils sont ainsi 61% à la trouver "utile", selon un sondage Ifop auprès de 803 Dijonnais.
"Les résultats ne sont pas du tout à la hauteur des espérances", conteste Emmanuel Bichot, conseiller municipal LR. "C'est un fiasco", assure le candidat à la mairie, déjà en campagne pour les élections de 2026 après l'annonce par M. Rebsamen qu'il ne se représenterait pas.
"C'est un gouffre financier", affirme-t-il, ce que le maire dément : les musées et leur boutique, les seuls espaces gérés par la mairie tandis que tout le reste est privé, accusent un déficit d'un million d'euros. "C'est largement supportable", assure le maire. - "Un déficit de communication" -
Quant aux espaces privés, les restaurants et la cave sont "7-8% au-dessus des prévisions", se réjouit Julien Bernard, président de l'exploitant Epicure.
Le bilan des boutiques du "Village gastronomique" est plus mitigé. "On est satisfait", avance prudemment William Krief, président du groupe propriétaire, K-Rei. "Ce n'est pas un carton mais on est en phase avec nos prévisions. Ce genre de projet nécessite trois ans", plaide-t-il.
"C'est vide", tranche l'écologiste Olivier Muller, opposant municipal, évoquant la déconfiture de la Cité de la gastronomie de Lyon, fermée en 2020 après moins d'un an d'exploitation. Elle a rouvert l'an dernier avec un projet plus modeste.
"C'est un musée pour les riches, pour les touristes américains et chinois", assure M. Muller, blâmant des magasins de bouche "hors de prix".
Pourtant, un rapide constat montre des tarifs tout à fait dans la moyenne: 12 euros les moules-frites, 5,90 les six escargots et des verres de vin à partir de 3,50.
Il s'agit en fait d'un "déficit de communication", analyse Matthieu Honnorat, ancien directeur du Village. "Les Dijonnais l'ont prise en grippe, cette Cité", dit-il.
"On a peut-être commis une erreur" au démarrage en offrant des "produits de qualité, qui ont donc un prix, ce qui ne correspondait pas au public", reconnaît William Krief.
"Mais on a revu la copie", dit-il, en proposant dorénavant un concept de "food court" qui plaît à un "large public": à la poissonnerie, la boucherie, la fromagerie..., le visiteur compose sa planche à déguster en terrasses, dans les allées.
"Mais des planches, c'est ça qu'on attend d'une cité de la gastronomie ?", se demande Matthieu Honnorat, qui a quitté le Village "parce que les valeurs ne (lui) correspondaient pas".
"Plutôt que défendre une Cité de la gastronomie, il faudrait mettre de la gastronomie dans la Cité", renchérit M. Bichot.