PARIS: Le président français, Emmanuel Macron, n’aime pas crier dans le vide, mais il aime encore moins baisser les bras. Alors que le Liban est plongé sur le plan politique dans une inertie totale, et que les conditions de vie ne cessent de se dégrader, il a présidé mardi 2 décembre une deuxième conférence d’aide internationale d’urgence sur le Liban avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Des représentants de 27 pays se sont joints à cette réunion, ainsi qu’une dizaine d’organisations internationales et, pour la première fois, des représentants de la société civile libanaise.
Submergé par des crises en tout genre sur le plan intérieur, Emmanuel Macron avait d’autres urgences à régler que le Liban, et aurait très bien pu se passer d’agir, d’autant que les responsables libanais eux-mêmes ne semblent pas pressés de sortir leur pays du marasme.
Quatre mois après l’explosion du port qui a dévasté la capitale libanaise, enfonçant le pays encore davantage dans une profonde crise économique, sociale et sanitaire, les responsables politiques sont en effet toujours dans l’incapacité de s’entendre sur la formation d’un gouvernement.
Malgré ce constat navrant, dans l’esprit d’Emmanuel Macron, jeune président dynamique, s’abstenir serait abandonner la population libanaise à son triste sort, et tourner le dos à sa détresse. En homme d’action, il a voulu réaffirmer une nouvelle fois son attachement aux engagements pris lors de ses deux visites successives à Beyrouth (les 4 et 31 août) pour pousser le Liban vers une sortie de crise.
Le but affiché de la conférence était de dresser un premier bilan de l’aide humanitaire fournie aux Libanais à la suite de l’explosion du port de Beyrouth et de procéder à un état des lieux des nouveaux besoins. Le président français a voulu envoyer un nouveau message d’espoir aux Libanais et leur affirmer que la France reste à leurs côtés. Mais il a aussi maintenu la pression sur les dirigeants libanais dans l’espoir de leur faire respecter la feuille de route qu’ils ont approuvée à l’unanimité lors de sa seconde visite à Beyrouth, fin août.
Maintien de la pression sur les dirigeants libanais
Prenant la parole à l’ouverture de la conférence, Macron n’a pas mâché ses mots à l’égard de la classe politique libanaise, déclarant que les engagements «n’ont pas été respectés» et «rien ne permet de dire que ce n’était pas que des mots». Dans une déclaration faite le 27 septembre dernier, le président français avait déjà fustigé sévèrement la classe politique libanaise. «J’ai honte pour vos dirigeants», avait-il alors lancé. Des paroles qui sont tombées dans l’oreille d’un sourd. Lors de cette conférence de soutien, le président est encore revenu à la charge, pour renouveler ses mises en garde, en l’absence d’un gouvernement crédible, de reformes et de transparence. Sans actes, le Liban n’accédera pas aux aides structurelles adoptées lors de la conférence Cedre, qui s’est tenue à Paris en avril 2018.
Le président français s’est en revanche félicité que les promesses des donateurs du 9 août, aient été «tenues et même dépassées. Plus de 280 millions d’euros ont été décaissés, ce qui a permis de faire face à une partie importante des besoins immédiats». Il estime que «c’est beaucoup, mais ça ne suffit pas» et que «ce soutien ne saurait remplacer l’engagement des forces politiques libanaises à former le plus rapidement un gouvernement et mettre en œuvre la feuille de route des reformes.»
«Nous ne lâcherons rien ni sur nos promesses ni sur nos exigences, que ce soit sur les reformes ou sur l’enquête sur l’explosion du port», a-t-il enfin insisté, alors que l’origine de cette explosion reste à ce jour non élucidée. Emmanuel Macron a renouvelé son intention d’effectuer une troisième visite au Liban au cours du mois de décembre.
La Banque mondiale, l’ONU, et l’Union européenne ont annoncé la mise en place d’un fond pour le relèvement précoce du pays avec la participation de la société civile libanaise. À l’issue de cette conférence, une question persiste : de quels leviers Macron dispose-t-il pour faire sortir la classe politique libanaise de sa confortable torpeur? L’équation semble difficile à trouver, d’autant plus que la France ne semble pas emballée par des sanctions qui viseraient les responsables politiques libanais. Une source à l’Élysée a clairement exprimé des doutes concernant l’efficacité de cette méthode, en affirmant que, jusqu’à preuve du contraire, les sanctions adoptées par les États-Unis n’ont aucunement changé la donne au Liban.