Affaire Jérémie Cohen: un an après, retour sur un drame très politisé

Le 16 février 2022 vers 20h00, Jérémie Cohen, 31 ans et porteur d'un handicap léger, traversait les voies ferrées quand il a été percuté par un tramway à Bobigny. (AFP)
Le 16 février 2022 vers 20h00, Jérémie Cohen, 31 ans et porteur d'un handicap léger, traversait les voies ferrées quand il a été percuté par un tramway à Bobigny. (AFP)
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Publié le Mardi 02 mai 2023

Affaire Jérémie Cohen: un an après, retour sur un drame très politisé

  • Un an après les faits, aucun élément n'est venu accréditer le «motif religieux», assure le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis)
  • L'instruction est toujours en cours: Si les juges retiennent un délit, les deux suspects seront jugés en correctionnelle. En cas de crime, ils seront renvoyés devant les assises

BOBIGNY: Il y a un an, la mort à Bobigny de Jérémie Cohen, un jeune de confession juive percuté par un tramway après avoir été frappé s'invitait dans la campagne présidentielle. Aujourd'hui, l'enquête s'écarte de la piste d'un meurtre antisémite et dessine un drame aux contours plus complexes.

"Est-il mort parce que juif ? Est-il mort pour fuir les racailles ?", écrivait alors sur Twitter le candidat d'extrême droite Eric Zemmour. Quant à sa rivale Marine Le Pen, elle évoquait ce qui "pourrait être un meurtre antisémite".

Mais un an après les faits, aucun élément n'est venu accréditer le "motif religieux", assure le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Le 16 février 2022 vers 20h00, Jérémie Cohen, 31 ans et porteur d'un handicap léger, traversait les voies ferrées quand il a été percuté par un tramway à Bobigny.

Une première enquête est ouverte pour "homicide involontaire par conducteur" après l'accident, mais rapidement classée sans suite car l'infraction pénale visant le conducteur du train n'était pas caractérisée.

"Il y a eu raté au démarrage, une enquête qui nous est apparue déficiente. A tel point que le procureur a rectifié le tir en désignant deux juges d’instruction", assure Me Patrick Klugman, avocat de la famille Cohen au départ de l'affaire.

Mécontente, la famille endeuillée conduit sa propre enquête. Elle se déplace sur les lieux de l'accident, colle des affiches dans le quartier et lance un appel à témoins qui se révélera payant.

Des vidéos prises par un passant et récupérées par la famille sont largement relayées sur les réseaux sociaux.

Deux enquêtes 

On y distingue Jérémie Cohen encerclé par une dizaine de personnes et recevoir de violents coups de poing. Il tombe à terre, se relève puis traverse en courant la chaussée, l'air désorienté, avant d'être percuté par le tramway.

Le père de la victime sollicite aussi Eric Zemmour pour médiatiser l'affaire, qui prend une tournure politique à une semaine du premier tour de la présidentielle.

Une nouvelle enquête est alors ouverte pour "violences commises en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner", confiée à la police judiciaire de Seine-Saint-Denis.

Ce drame va faire réagir toute la classe politique, jusqu'à l'Elysée. Emmanuel Macron réclame la "clarté complète" sur cette affaire qui, avait-il ajouté, ne doit pas donner lieu à des "manipulations politiques".

Très rapidement, deux hommes âgés de 28 et 24 ans se présentent au commissariat. Ils sont mis en examen, l'un pour violences volontaires en réunion, l'autre pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Le second est en détention provisoire depuis un an et encourt quinze ans d'emprisonnement.

"Les jeunes que je défends reconnaissent le plus complètement possible d’avoir porté des coups mais ils fournissent des éléments de contexte pour expliquer leur réaction, éléments que la justice semble refuser de prendre en compte", déplore Me Lucas Minkowski.

«Comportement inapproprié»

"Dans l'émotion et la récupération politique, on s'est beaucoup éloigné de la simple réalité de ce tragique dossier et du contour réel des faits reprochés", regrette l'avocat.

L'agression de Jérémie Cohen fait suite à "un comportement inapproprié" de la victime, qui se trouvait en état d'ébriété, détaille une source proche du dossier.

Les deux mis en cause accusent le jeune homme de s'être masturbé devant une mère de famille puis d'avoir agressé sur son passage la petite amie d'un jeune du quartier, provoquant la colère de ses amis. Devant les enquêteurs, ils ont admis l'agression mais récusé son caractère antisémite.

Ces éléments ont été confirmés aux policiers par la jeune fille et des témoins de la scène.

"Mes clients ne sont pas des racistes. Ils ont été élevés en banlieue où la tolérance entre les communautés est le maître mot, contrairement à ce qui existe dans l'esprit de certains représentants de notre nation", estime Me Minkowski.

Ce dossier est "biaisé en raison du contexte initial du classement sans suite du parquet", juge-t-il.

Un an après la mort du jeune homme, "ses parents sont toujours dans une souffrance extrême", confie leur avocat, Me Franck Serfati.

L'instruction est toujours en cours et les juges doivent désormais déterminer la qualification des faits. S'ils retiennent un délit, les deux suspects seront jugés en correctionnelle. En cas de crime, ils seront renvoyés devant les assises.


Mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu: la France «doit appliquer les règles», estime Braun-Pivet

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.  L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire. L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI. (AFP)
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  • La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif
  • "A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a estimé mardi qu'en tant que signataire du statut de la Cour pénale internationale, la France "doit appliquer les règles" et arrêter le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s'il venait sur le territoire hexagonal.

"A partir du moment où la France est signataire, adhérente du statut de Rome et reconnaît la CPI, je pense qu'elle doit appliquer les règles qui en découlent, il n'y a pas de raison d'y déroger", a expliqué Yaël Braun-Pivet sur Sud radio.

La Cour pénale internationale, à laquelle Israël n'a pas adhéré et dont les États-Unis se sont retirés, a lancé jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahu et du chef de la branche armée du Hamas palestinien Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

"C'est toute la difficulté de la justice internationale (...), c'est quand même compliqué d'avoir une justice qui n'est pas reconnue par tous", a estimé la présidente de l'Assemblée française, défendant néanmoins "la stricte application du droit".

"En vertu de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas d'injonction à faire au gouvernement et au pouvoir exécutif", a-t-elle précisé, "mais, en tout état de cause, il nous faut tirer les conséquences de cette adhésion à la CPI, évidemment".

Paris a "pris acte" jeudi de ces mandats d'arrêt, rappelant "son attachement au travail indépendant de la Cour" mais sans dire explicitement si la France procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.

L'Italie et le Royaume-Uni ont en revanche immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.

A l'inverse, la Hongrie a invité le chef du gouvernement israélien en signe de défiance.


Budget: «pas de catastrophe annoncée» tempère Braun-Pivet face aux menaces de censure

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025. (AFP)
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  • "J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe"
  • Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts

PARIS: La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré mardi ne pas envisager de "catastrophe annoncée", face aux menaces de censure qui planent sur le projet de budget de l'Etat pour 2025.

"J'entends tout et souvent n'importe quoi (...) Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de +shutdown+ à l'américaine (...) Il n'y a pas de scénario catastrophe", a déclaré Mme Braun-Pivet, invitée sur Sud Radio.

"Le gouvernement peut présenter au Parlement ce qu'on appelle une loi spéciale pour prélever les impôts à partir du 1er janvier, il peut y avoir reconduction des dépenses par décret pour pouvoir payer les fonctionnaires, les retraités, etc. (...) Je ne veux pas inquiéter nos compatriotes. Nous sommes en responsabilité réelle", a-t-elle ajouté.

Interrogée sur les pressions auxquelles est confronté le Premier ministre Michel Barnier - Marine Le Pen pour l'extrême droite puis Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu lundi leurs menaces de censure du gouvernement après leurs entretiens avec le locataire de Matignon - Yaël Braun-Pivet considère qu'il s'agit plutôt de "positions politiques".

"Le rôle du Premier ministre, lorsqu'il construit un budget, c'est de prendre en compte les expressions des parlementaires élus de la nation représentant les Français. (...) Il faut faire des choix et c'est justement ça qui lui incombe en tenant compte des opinions et des expressions politiques des uns et des autres".

Face à l'intention du RN de voter la censure si le budget restait "en l'état" selon Marine Le Pen, la présidente de l'Assemblée nationale a rappelé que la motion de censure est "un droit constitutionnel qui appartient aux parlementaires" et appelé à ce que "chacun se mette dans une position constructive pour le bien de notre pays".

Outre les oppositions, certains alliés de Michel Barnier font monter la pression pour limiter les hausses d'impôts.

Le chef des députés macronistes Gabriel Attal, qui était reçu mardi matin avec les autres dirigeants du "socle commun", a redit lundi ses "doutes" à ce sujet mais jugé Marine Le Pen "totalement irresponsable", en marge d'un déplacement dans l'Orne.


France: la menace de la censure s'accroît sur le gouvernement Barnier

Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
Cette vue générale prise à Paris le 2 avril 2024, montre le Sénat français lors d'une session. (AFP)
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  • Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire
  • Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise

PARIS: Le risque de censure s'est accru lundi sur le gouvernement français: la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen et Mathilde Panot au nom de la gauche ont fermement maintenu leurs menaces en ce sens, après des entretiens avec le Premier ministre conservateur Michel Barnier.

Formé le 21 septembre à l'issue de plusieurs semaines de crise politique suivant la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, en juin, l'exécutif se sait bâti sur du sable, étant minoritaire.

Une censure ne serait pas "le chaos", a souligné Mme Le Pen après avoir été reçue lundi par M. Barnier.

Alors que selon elle le Premier ministre a "campé sur ses positions", elle a affirmé que le RN ne "renoncer(ait) pas à défendre les Français", refusant de céder "à la petite musique (...) consistant à dire si jamais ce budget est refusé, s'il y a une censure, ça va être dramatique, ça va être le chaos".

Le RN est le parti comptant le plus grand nombre d'élus à l'Assemblée (125 sur 577 sièges).

Le Premier ministre n'a visiblement pas davantage convaincu la cheffe de file des députés de la France insoumise (gauche radicale), Mathilde Panot, qu'il a reçue ensuite.

A sa sortie de l'entretien, Mme Panot a appelé "l'ensemble des députés", y compris du RN, à voter la motion de censure. Elle a prévu de la déposer avec ses alliés du Nouveau front populaire (NFP) si le Premier ministre utilisait l'article 49.3 de la Constitution -qui lui permet de faire passer un texte sans vote- pour forcer l'adoption de son budget 2025 décrié.

Mme Panot a "acté des désaccords profonds" avec M. Banier, le budget étant selon elle "le plus violent socialement et écologiquement" de la Ve République.

Alors que la France est lourdement endettée et que le gouvernement veut faire voter de nombreuses économies, la gauche et l'extrême droite, qui s'y opposent, pourraient le faire tomber ensemble.

"Jusqu'à présent, on avait une opposition de style entre la gauche et le RN", observe le politologue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Olivier Costa. "La gauche souhaitait censurer le gouvernement Barnier dès que possible, l'estimant illégitime, alors que l'extrême droite souhaitait le laisser œuvrer pour s'afficher en parti responsable".

Mais "pour la première fois depuis que Barnier est en poste, il y a un risque réel d'avoir une motion de censure contre lui", souligne-t-il.

- "Mort politique" -

Un raidissement attribué par nombre d'analystes aux ennuis judiciaires de Marine Le Pen, qui à l'instar de son parti est accusée de détournements de fonds publics européens, pour un préjudice de 4,5 millions d'euros.

Les réquisitions ont été lourdes à l'encontre de Mme Le Pen: cinq ans d'emprisonnement, dont deux ferme, 300.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate, ce qui signifie qu'elle deviendrait inéligible dès le prononcé du verdict, même en cas d'appel.

"C'est ma mort politique qui est réclamée", considère la candidate trois fois malheureuse à la présidentielle française, qu'une condamnation empêcherait de concourir à celle de 2027.

Alors que le RN refuse officiellement de lier une éventuelle censure à ses ennuis judiciaires, le chercheur Olivier Costa voit dans les déclarations à répétition de ses cadres une "stratégie d'agitation" médiatique.

"Si le gouvernement Barnier tombe, plus personne ne se souciera du procès des assistants parlementaires du RN, alors qu'ils sont actuellement sous le feu de la rampe", estime-t-il.

- "Chienlit" -

Le vote de la motion de censure pourrait intervenir dans la deuxième quinzaine de décembre, si le gouvernement a recours à l'article 49.3.

"Est-ce que le RN passera réellement à l'acte? Je ne sais pas", souligne toutefois le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po Paris, interrogé par l'AFP. Car il y aura selon lui "un coût politique" pour ceux qui feront tomber l'exécutif.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", parce qu'"il n'existe aucune majorité alternative au socle qui soutient le gouvernement", a estimé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.

La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a elle évoqué le risque d'"un scénario à la grecque" pour la France, la censure du budget pouvant selon elle plonger le pays dans une crise financière.