PARIS: Ancien inspecteur des douanes, Alex Dutilh délivre depuis près de quinze ans dans son émission "Open Jazz" sur France Musique des passeports pour un genre musical qu'il s'ingénie à rendre accessible.
"Je fais mon émission sans concession, en programmant aussi bien du jazz manouche que du John Zorn (musicien avant-gardiste new-yorkais, ndlr). John Zorn, on se dit 'c'est effrayant', mais pas du tout ! Ça dépend comment on le présente", s'exclame Alex Dutilh.
"L'émission s'appelle 'Open Jazz', parce que justement, je tiens à cette ouverture, stylistique, géographique et de générations", ajoute celui pour qui le jazz n'a pas de frontières.
Cet "amplificateur" réussit à transmettre sa passion: son émission, qu'il anime de manière savante, ludique et conviviale, est la plus podcastée (124 000 podcasts en mars) et la troisième la plus écoutée de la station.
"Open Jazz" n'est pas la première expérience radiophonique d'Alex Dutilh, qui a fait ses débuts sur France Musique en février 1982. Quarante après, il en est devenu un pilier.
"Le héros de mon enfance, c'était (le rugbyman) Pierre Albaladejo, qui n'a eu qu'un seul maillot, celui rouge et blanc de Dax, révèle ce fan de rugby. Je suis aussi l'homme d'un seul maillot, celui de France Musique. Je n'ai jamais travaillé pour une autre radio".
Parisien depuis 1971, sans avoir renié l'accent chaud de son terroir, les Landes, Alex Dutilh fête son entrée dans une cinquième décennie sur les ondes par un concert retransmis en direct sur France Musique mardi soir.
Il en a imaginé le fond et la forme: une vingtaine de musiciens de tous âges, en formations souvent inédites, rendront hommage à Bill Evans. Un clin d'oeil au passé: la première émission qu'il anima en remplaçant au pied levé Laurent Goddet, était consacrée au célèbre pianiste.
"Le piano, c'est une madeleine. J'ai commencé le piano à cinq ans, j'en ai fait douze ans, c'est un instrument dont j'entends les subtilités plus facilement", explique-t-il.
«Gourmandise»
La passion pour le jazz s'est abattue sur ce Landais comme la foudre sur un arbre. A 18 ans, alors étudiant en droit à Bordeaux, un ami lui fait découvrir "Olé" du saxophoniste John Coltrane.
"Je suis sorti de l'écoute de ce disque pétrifié. J'étais glacé, j'avais eu un choc esthétique", raconte Alex Dutilh à l'AFP. "J'ai compris que cette musique allait changer ma vie".
Pendant ses études supérieures, il va approfondir son érudition jazzistique en dévorant disques, livres, revues, concerts...
Lorsqu'il monte à Paris pour exercer le métier d'inspecteur des douanes, Alex Dutilh va rapidement imposer sa silhouette et sa bonne humeur dans le milieu du jazz.
"Pour résumer, je gagnais ma vie dans la douane, et je la dépensais dans le jazz". À 73 ans, Alex Dutilh, qui a fini par quitter les douanes en 1984, possède toujours une pêche incroyable.
"Comment j'entretiens ma forme ? Par la gourmandise et la curiosité, et la pratique du sport. La gourmandise c'est comme un dopage intellectuel, elle s'applique aussi bien à la musique, qu'à ce qu'on mange, ce qu'on boit, ce qu'on voit, aux amis qu'on a", décrit-il.
"L'autre chose, c'est le sport. Mes parents se sont connus en faisant de l'athlétisme, ma grande fille est prof d'éducation physique, et moi je fais une à deux fois par semaine de la pelote basque, le sport de mon enfance".
Ce dynamisme lui permet, dès qu'il n'est pas à l'antenne, d'enfourcher son scooter orange pour aller écouter des concerts. "Je l'appelle mon orange pressée", confie-t-il, avec humour.
Car ce solide gaillard au physique de première ligne aime plus que tout aller au contact. "Aller sur le terrain, aller écouter des concerts, aller dans les festivals, ça me semble essentiel. Il n'est pas possible de faire ce métier sans un contact direct et constant avec les musiciens".