PARIS : Ce lundi soir, Emmanuel Macron vient de prononcer l'adresse aux Français censée redonner de l'oxygène à un quinquennat à bout de souffle. Alors, comme pour filer la métaphore, il sort dans Paris, prendre l'air qui peut-être lui manque dans ce palais de l'Elysée qui isole.
Une escapade au restaurant, avec son épouse, alors que depuis des semaines la tension sociale engendrée par sa réforme des retraites l'a souvent confiné au 55, rue du Faubourg Saint-Honoré.
Les dîners à La Rotonde, ce restaurant de Montparnasse où il aime se ressourcer, sont devenus rares. "C'est pas le moment", glissait récemment un proche, d'autant que la façade de la brasserie a subi un début d'incendie en marge d'une manifestation contre la retraite à 64 ans.
S'aventurer dehors, c'est prendre quelques risques. La sortie de lundi a été accompagnée d'un début de polémique lorsque, en rentrant à pied, il s'est arrêté pour entonner un chant pyrénéen avec des jeunes anonymes, dont il s'avérera, après diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux, qu'ils appartenaient à une organisation à la réputation sulfureuse.
Sur le moment, "je sais pas qui c'est", balaie le chef de l'Etat, qui fait remarquer que, s'il avait passé son chemin, on l'aurait accusé d'être "méprisant".
Difficile équilibre à trouver, entre l'enfermement et l'exposition à une France qui lui crie comme rarement, un an après sa réélection pour un second quinquennat, son désamour voire sa détestation.
«Pas planqué»
"Il n'est pas isolé du tout", assure Brigitte Macron. Tout juste concède-t-elle que "l'Elysée, c'est un lieu un petit peu à part".
"Pas planqué", c'est l'image que tentent désormais d'afficher le président et ses équipes -- parfois critiqués, dans la sphère gouvernementale, pour avoir tardé à "aller au contact", "sa marque de fabrique".
Après avoir passé le plus clair de son temps au "Château" depuis le début de l'année, dans une posture en retrait plutôt à contre-emploi, il retourne au plus près des Français, quitte à se faire conspuer, comme mercredi en Alsace.
Pour autant, nombre de ses amis décrivent un Emmanuel Macron comme surprotégé par son entourage.
De l'avis général en Macronie, il ne reste plus grand monde, autour du président, pour lui dire quand il fait fausse route.
A part sûrement Brigitte Macron, et l'ex-président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, toujours présent à ses côtés mais en retrait depuis sa défaite aux législatives.
Comme souvent par gros temps, mais peut-être encore plus que par le passé, ministres et conseillers s'épanchent -- sous couvert de l'anonymat -- sur cet Elysée où tout, à les entendre, dysfonctionne.
«Gadget»
Par qui est conseillé Emmanuel Macron? "Il ne l'est pas", tranche l'un. "Par personne", soupire un autre.
Et comme toujours lorsque l'orage gronde, ce sont les communicants qui essuient les critiques.
Mais le pôle politique est aussi considéré trop faible par nombre de stratèges macronistes. Et, au fond, c'est tout l'attelage qui est défini au mieux comme bancal, au pire comme "clanique".
Même le tout-puissant secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler, ce "jumeau" de l'ombre d'Emmanuel Macron qui fuit la lumière mais est réputé tenir d'une main de fer tous les dossiers, ne serait plus toujours aussi proche que jadis du président à en croire certains. "C'est l'usure du couple", sourit un visiteur régulier du palais.
Par ces temps de crise politique, Emmanuel Macron fait alors appel à ceux qui l'ont servi lors du premier quinquennat. Richard Ferrand, donc, mais aussi l'ancien conseiller en communication Clément Léonarduzzi, retourné chez Publicis, ou l'ex-conseiller spécial Philippe Grangeon.
"Quand tu appelles les ex à la rescousse, c'est que ça va vraiment pas", tance un cadre du camp présidentiel.
La réalité, se désole un autre, c'est qu'Emmanuel Macron "gouverne seul".
Certes, lors des moments critiques de son quinquennat, il réunit les ténors du gouvernement et de la Macronie.
Comme ces dîners, à l'automne, au moment de décider quand et comment réformer les retraites. Ou cette enfilade de réunions de crise, mi-mars, lorsqu'il a dû se résoudre à recourir à l'outil controversé du 49.3 pour la faire passer, faute de pouvoir affronter un vote à l'Assemblée.
Dans la majestueuse cour d'honneur, qui dessert l'hôtel d'Evreux où se trouvent les bureaux du chef de l'Etat, c'est alors un ballet de véhicules qui crissent sur les graviers. A huis clos, le président écoute les positions des uns et des autres, qui ne tardent pas à fuiter dans les médias, sans être forcément suivies d'effets. "C'est baroque", ironisait en décembre un allié d'Emmanuel Macron.
A ces alliés ou amis, il envoie toujours ses sms rituels pour demander "comment tu sens les choses?". Mais "c'est devenu un gadget, ce n'est pas un échange politique", déplore un conseiller de l'exécutif.
L'entourage d'un participant relate toutefois que, lors de la dernière réunion au sommet, juste avant l'allocution de lundi, il y a eu "un vrai débat politique" qui a "vraiment nourri" le discours présidentiel. "C'était hyper intéressant, il devrait le faire plus souvent."