SAÏX: Les opposants à l'A69 Toulouse-Castres, dont certains campent déjà dans des platanes ou en plein champ à Saïx, dans le Tarn, appellent à manifester samedi sur le futur tracé de cette autoroute, une mobilisation écologiste suivie de près par les autorités.
Alors que quelque 2 000 personnes sont attendues à cette manifestation et aux activités du week-end, dont des concerts et une course de "bolides" allant "le plus lentement possible", des élus opposés au projet ont dénoncé vendredi sa "totale contradiction avec l'urgence climatique".
"Il y a une chance encore d'arrêter (le chantier), même si elle est mince", a déclaré à Vendine Gilbert Hébrard, ancien maire de cette commune de Haute-Garonne, à la limite du Tarn, où des opposants ont depuis plusieurs semaines dressé des tentes dans des platanes pour en empêcher l'abattage.
"Ce projet est devenu emblématique de la lutte climatique", a ajouté à ses côtés Sabine Mousson, maire de Teulat, commune tarnaise qui serait, a-t-elle précisé, "coupée en deux" par la future autoroute.
Disparition de terres agricoles
Egalement présents à cette conférence de presse, des élus ont pointé la disparition de terres agricoles ou le risque d'une plus grande concentration de population dans la métropole toulousaine.
Antoine Maurice, tête de liste EELV battue de justesse aux municipales à Toulouse en 2020, a proposé de renforcer la liaison ferroviaire Toulouse-Castres, avec un train toutes les heures au lieu d'une dizaine par jour actuellement.
Mais d'autres élus du Tarn, de tous bords politiques, soutiennent l'autoroute, qui réduirait d'une vingtaine de minutes le trajet Castres-Toulouse en 2025 – d'une durée d'un peu plus d'une heure aujourd'hui.
Atosca, concessionnaire privé de l'A69, qualifie son projet d'"exemplaire" en termes de respect de l'environnement ou de création d'emplois. Concernant les terres agricoles, l'emprise prévue a été réduite de 380 à 300 hectares, selon son directeur général Martial Gerlinger.
A la sortie de Vendine, centre de la contestation jusqu'à ces derniers jours, des dizaines d'affichettes contre l'A69, et défendant plutôt un aménagement de la route nationale existante, sont toujours collées sur les arbres menacés.
Mais samedi, les opposants se rassembleront à Saïx, à quelque 37 km de là, dans le Tarn.
Plusieurs centaines de militants (quelque 400, selon le préfet) venus de diverses régions, dont la Nouvelle-Aquitaine ou Provence-Alpes-Côte-d'Azur, ont monté vendredi deux chapiteaux et des tentes, installé des tables, un bar et une cantine sur une surface équivalant à une dizaine de terrains de foot.
Moins d'un mois après des affrontements entre gendarmes et manifestants contre les "mégabassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), les autorités suivent de près cette mobilisation.
Le préfet du Tarn, François-Xavier Lauch, a précisé vendredi soir que les 800 gendarmes et policiers mobilisés resteront en retrait si la manifestation est "pacifique".
Pas d'«envie absolue de violence»
Le ministère des Transports a fait savoir que Clément Beaune avait demandé dès janvier une revue de sept projets autoroutiers, "au regard des enjeux actuels: lutte contre l'artificialisation des sols, réduction des émissions de CO2, mais aussi désenclavement des territoires".
"Le projet d'A69 ne fait pas exception à cette démarche de réexamen", ajoute le ministère, tout en nuançant du fait de son état d'avancement: "les travaux ont débuté, et un contrat engageant l'Etat a été signé avec le concessionnaire".
Vendredi matin, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait averti qu'"on peut en débattre, mais pas en découdre", ajoutant toutefois qu'il n'y a "pas de renseignement qui démontre que dans le Tarn les gens aient une envie absolue de violence".
Des déclarations en deçà des propos qu'il avait tenus le 5 avril, classant alors l'A69 parmi 42 projets "susceptibles de faire naître des contestations extrêmement violentes".
Des opposants l'avaient accusé de "mettre le feu aux poudres", dans une région où le souvenir de Rémi Fraisse reste très présent.
Le 26 octobre 2014, le corps de ce militant écologiste de 21 ans avait été retrouvé sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn), à une soixantaine de kilomètres de Saïx, après des affrontements d'opposants avec les forces de l'ordre.
Cinq mois plus tard, le projet était abandonné au profit d'une retenue d'eau réduite de moitié, et le gouvernement faisait évacuer le site occupé pendant seize mois par des "zadistes".