Allocution d’Emmanuel Macron: Est-il possible d’espérer une amorce de changement?

Le président français Emmanuel Macron attend d'être présenté dans les coulisses avant de prononcer un discours à l'Institut Nexus dans le théâtre Amare à La Haye, le 11 avril 2023, dans le cadre d'une visite d'État aux Pays-Bas. (AFP).
Le président français Emmanuel Macron attend d'être présenté dans les coulisses avant de prononcer un discours à l'Institut Nexus dans le théâtre Amare à La Haye, le 11 avril 2023, dans le cadre d'une visite d'État aux Pays-Bas. (AFP).
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Publié le Lundi 17 avril 2023

Allocution d’Emmanuel Macron: Est-il possible d’espérer une amorce de changement?

  • Cette réforme est l’épreuve de trop pour ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen en 2022
  • Le timing de cette réforme est absolument «désastreux»

PARIS: Quelques heures à peine après la validation par le Conseil constitutionnel de l’essentiel de la réforme des retraites, le président, Emmanuel Macron, y apposait sa signature. Le texte, décrié par une majorité de Français comme injuste, mal préparé et brutal, est désormais un fait accompli. 

Cette signature devait mettre un terme à plusieurs mois de polémiques virulentes et de protestations durant lesquels M. Macron a proclamé haut et fort qu’il ne lâcherait rien. 

La réalité du pays est tout autre, car la France est plus que jamais vent debout contre la réforme et contre un président qui n’a pas su préserver le raz-de-marée de sympathie qui l’a porté au pouvoir lors de son premier mandat en 2017. 

Ce capital s’est érodé au fil des crises successives, et la France est aujourd’hui un pays figé dans ses divisions alors qu’Emmanuel Macron, lui, est un chef d’État qui cristallise tous les rejets des Français. 

Sur le papier, il est gagnant puisque sa réforme des retraites est promulguée, mais en réalité, il se retrouve paralysé politiquement et isolé de son peuple. 

Ce résultat n’est ni le fruit de la malchance ni celui du hasard, c’est l’aboutissement inévitable de la méthode Macron. 

Politologue et professeur de sciences politiques à Kedge Business School, Virginie Martin explique à Arab News en français que le principal problème du texte de la réforme est l’âge du départ à la retraite à 64 ans après quarante-trois annuités de travail. 

«Cet âge de 64 ans ne sera pas accepté par l’opinion publique ni par les syndicats», assène-t-elle, d’autant plus qu’il y a eu un grand problème en amont de cette loi. 

Mme Martin estime qu’il y a eu une négociation brutale ou plutôt pas de négociations en amont du texte de la réforme; il y a eu une négociation avec les partis politiques, mais pas avec les corps intermédiaires et les syndicats. 

C’est donc la méthode qui pose problème, car «objectivement, qu’on soit pour ou contre cette réforme des retraites, rien ne s’est passé correctement». 

La réforme impopulaire des retraites n’est pas la seule cause du malaise actuel, elle est surtout le détonateur qui a fait exploser les déceptions accumulées par une grande partie des Français. 

La réforme impopulaire des retraites n’est pas la seule cause du malaise actuel, elle est surtout le détonateur qui a fait exploser les déceptions accumulées par une grande partie des Français. 

Cette réforme est l’épreuve de trop pour ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen en 2022 et qui vont afficher une sorte de fin de non-recevoir à ses velléités réformatrices. 

Ces Français-là, indique Virginie Martin, «vont résister contre ce président qui s’accroche au fait qu’il a été élu, et qui refuse désormais de prendre en considération le fait qu’il a été élu contre Marine Le Pen». 

Le président persiste et signe, affirmant qu’il ne veut rien savoir et qu’il est élu, mais «il confond trop facilement légalité et légitimité». 

Effectivement, assure la politologue, d’un point de vue légal, il est élu, mais pour acquérir une légitimité, il aurait pu faire autrement en exerçant une présidence plus modeste et surtout en choisissant un meilleur timing pour engager sa réforme. 

Le timing de cette réforme est absolument «désastreux», souligne Mme Martin, faisant allusion à deux ans de pandémie de Covid-19, puis à une guerre en Ukraine et à une inflation galopante. 

La méthode présidentielle n’est pas appréciée, elle est d’ailleurs au centre des critiques des différentes forces politiques, y compris la sienne, «Renaissance». 

C’est pour cette raison qu’il existe autant de violence et de véhémence dans les oppositions, indique Virginie Martin, et c’est cette situation qui a aidé les syndicats à rebondir alors qu’ils étaient moribonds lors du mouvement des gilets jaunes. 

Avouant avoir été une «macroniste» de la première heure avant de déchanter, la politologue concède avec amertume: «Il me semble qu’on a affaire à un président qui ne sait pas faire de politique; pour lui, la politique, c’est l’affaire du commun, c’est l’intérêt général, c’est la question de la négociation, c’est la question de tout le monde.» 

D’ailleurs, avant d’être président, ajoute-t-elle, il n’a jamais fait de politique et il n’a jamais été élu, donc il ne connaît pas le terrain. «Il se complaît dans sa posture jupitérienne, dans cette verticalité, cette autorité, et plus on l’affronte, plus il se braque, au lieu d’entendre et d’écouter.» 

Quand il est contrarié, assure Mme Martin, «il va plus loin, c’est quelque chose qui dépasse le domaine politique, c’est une question d’orgueil personnel». 

Il paraît clair que les quatre années qui restent, avant la fin de son second mandat, seront difficiles, à moins d’opérer un changement radical de méthodologie et d’écoute. 

Emmanuel Macron va s’adresser ce soir au Français, dans l’intention de tourner la page de la réforme des retraites et d’esquisser un nouveau cap. 

Peut-on espérer que cette allocution soit une amorce de changement et un rapprochement sincère avec les Français et les problèmes qui leur tiennent le plus à cœur, soit la restauration des services publics dégradés et le pouvoir d’achat? 

Pas si sûr, selon Virginie Martin, car M. Macron «est un président qui aime beaucoup enjamber les problèmes et là, il va encore enjamber».  


Les députés ne voleront pas au secours de Le Pen, qui devra s'en remettre à la justice

(Photo AFP)
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  • Les députés ne voleront pas au secours de Marine Le Pen.
  • aucun groupe, hors extrême droite, ne devrait voter la proposition de Ciotti visant à supprimer l'inéligibilité immédiate, ne laissant à la cheffe de file du RN d'autre choix que de saisir les tribunaux.

PARIS : Les députés ne voleront pas au secours de Marine Le Pen : aucun groupe, hors extrême droite, ne devrait voter la proposition de Ciotti visant à supprimer l'inéligibilité immédiate, ne laissant à la cheffe de file du RN d'autre choix que de saisir les tribunaux pour pouvoir participer à l'élection présidentielle.

Mardi, le député des Alpes-Maritimes a reconnu, à demi-mot, que sa proposition de loi visant à « supprimer l’application immédiate de l’inéligibilité », qui serait débattue lors de la journée réservée à son groupe (UDR) le 26 juin, n'avait plus guère de chances de succès après les dernières prises de position des uns et des autres.

« On voit bien les yoyos politiques », a-t-il déploré, alors que « la semaine dernière, tout le monde semblait adhérer à ce qui relève d'un principe de bon sens ».

Un peu plus tôt, le porte-parole des députés LR, Vincent Jeanbrun, avait exclu de faire « une loi pour Marine Le Pen ».

Dans la foulée du jugement, la proposition d'Éric Ciotti n'avait pourtant pas été écartée d'un revers de main.

Le président du groupe LR, Laurent Wauquiez, avait déclaré vouloir attendre de connaître le contenu du texte. « Les autres pays européens font-ils ça ? Non (...) Donc oui, il y a débat et ce débat doit être ouvert », avait-il jugé.

François Bayrou avait laissé la porte ouverte en estimant que « la réflexion doit être conduite » par les parlementaires à propos de l'exécution provisoire qui « fait que des décisions lourdes et graves ne sont pas susceptibles de recours ».

Jean-Luc Mélenchon avait quant à lui semé le doute en clamant son opposition aux mesures exécutoires et en estimant que « la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple ». 

Mais lundi, le coordinateur de LFI Manuel Bompard a clarifié la position de son groupe, excluant de voter « une loi de confort pour Marine Le Pen », qui n'a « plus de raison de se plaindre » après avoir obtenu la possibilité d'être jugée rapidement en appel.

Aucun suspense non plus du côté des macronistes. « Si tu voles, tu payes, surtout quand on est un responsable politique. Alors non, nous ne voterons pas la proposition de loi de M. Ciotti », a lancé dimanche Gabriel Attal, cherchant à se positionner comme le principal opposant au RN.

Selon un sondage Ifop publié vendredi, 64 % des Français s’opposent à une modification de la loi pour supprimer l'exécution provisoire.

La justice semble donc bien être la seule voie de sortie pour Marine Le Pen, en dépit de l'avalanche de critiques contre l'institution qui secoue son camp depuis une semaine (« tyrannie des juges », « quarteron de magistrats », « juges rouges », etc.).

La cour d'appel de Paris a annoncé qu'elle rendrait sa décision à l'été 2026.

Si Marine Le Pen n'est pas relaxée en appel, alors tout dépendra de la durée de la peine d'inéligibilité qu'elle encourra et de son exécution provisoire ou non.

Si cette inégibilité n'est pas d'application immédiate, alors la députée a déjà indiqué qu'elle irait en cassation. Un tel pourvoi est a priori suspensif, ce qui lui permettrait de se présenter en 2027, vu les délais moyens devant la Cour de cassation.

Toutefois, il y a débat chez les juristes pour savoir si cette suspension s'appliquerait également à l'exécution provisoire.
 


Nouveau cri d'alarme sur l'aide sociale à l'enfance

La députée française et rapporteur de la Commission d'enquête parlementaire sur la protection de l'enfance, Isabelle Santiago (G), aux côtés de la députée française Laure Miller, s'exprime lors de la présentation du rapport de la commission sur la protection de l'enfance, à l'Assemblée nationale à Paris, le 8 avril 2025. (Photo JULIEN DE ROSA / AFP)
La députée française et rapporteur de la Commission d'enquête parlementaire sur la protection de l'enfance, Isabelle Santiago (G), aux côtés de la députée française Laure Miller, s'exprime lors de la présentation du rapport de la commission sur la protection de l'enfance, à l'Assemblée nationale à Paris, le 8 avril 2025. (Photo JULIEN DE ROSA / AFP)
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  • Dans son rapport final publié mardi, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale alerte sur la situation de la protection de l'enfance : « Hier à bout de souffle, elle est aujourd’hui dans le gouffre ».
  • les mesures de protection sont en hausse de 44 % depuis 1998, alors que le nombre de personnel sur le terrain est lui en « baisse constante » sur la dernière décennie. 

PARIS : Dans un « cri d'alarme » face à un système « qui craque de toutes parts », une commission d'enquête parlementaire exhorte à « agir vite » pour refonder l'aide sociale à l'enfance, prônant notamment l'adoption d'une loi de programmation et un renforcement des contrôles.

Dans son rapport final publié mardi, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale alerte sur la situation de la protection de l'enfance : « Hier à bout de souffle, elle est aujourd’hui dans le gouffre ». Cette commission avait été lancée au printemps 2024, quelques mois après le suicide de Lily, une adolescente de 15 ans placée dans un hôtel.

« Il ne s'agit plus seulement de constater, mais d’agir vite », ajoute-t-elle.

Selon le dernier bilan officiel, 396 900 jeunes sont suivis par la protection de l'enfance en France, compétence des départements depuis les années 1980. Mais sur le terrain, la dynamique s'enraye : les mesures de protection sont en hausse de 44 % depuis 1998, alors que le nombre de personnel sur le terrain est lui en « baisse constante » sur la dernière décennie. 

Résultat : les enfants sont accueillis en « sureffectif », les mesures de placement ne sont pas exécutées faute de place suffisante et les professionnels sont « en perte de sens ».

Pour « sortir de la crise », la commission préconise d'adopter une loi de programmation et de mettre en place un « nouveau fonds de financement » de la protection de l’enfance.

Face à des demandes de placement en déshérence, la commission recommande également d'augmenter le nombre de juges et de greffiers afin de permettre un suivi efficace.

Elle appelle par ailleurs à créer une commission de réparation pour les enfants placés ayant été victimes de maltraitance dans les institutions, et à renforcer les contrôles, avec « au moins une inspection tous les deux ans » pour les établissements et les assistants familiaux.

Écartant l'option d'une recentralisation, elle recommande plutôt la mise en place sans délai d'un comité de pilotage réunissant l'État, les départements et des associations, afin de relancer une stratégie ministérielle. 

« Scandale d'État »

« Les rapports ne peuvent plus se permettre de prendre la poussière, on est face à une urgence absolue », déclare à l'AFP la rapporteure de la commission, la députée socialiste Isabelle Santiago.

« Nous sommes face à un enjeu de santé publique, notre action aura un impact sur le devenir de centaines de milliers d'enfants », ajoute-t-elle, évoquant les conséquences « dramatiques » de la situation sur la santé physique et mentale des jeunes ainsi que sur leur parcours scolaire. « C'est un scandale d'État, il faut passer à l'action maintenant. »

S'exprimant avant la publication du rapport, la ministre des Familles, Catherine Vautrin, a présenté dimanche des pistes pour améliorer la protection de l'enfance (prévention, réflexion sur l'adoption, santé, etc.), mais sans s'avancer sur les moyens financiers, admettant une situation budgétaire « difficile ». 

Elle a notamment évoqué des mesures visant à mieux prévenir le placement des enfants, à aider les assistants familiaux ou à mieux suivre leur santé.

Si ces mesures constituent « des premiers pas », Isabelle Santiago a déploré, mardi lors d'une conférence de presse, qu'on ne dise pas « comment, où et avec quel budget ».

Avant la commission d'enquête, des dizaines de rapports (Cour des comptes, Conseil économique, social et environnemental, Défenseure des droits, etc.) et d'alertes (Unicef, syndicat de magistrats, associations, etc.) se sont succédé ces dernières années.

Tout en reconnaissant les défaillances du système actuel, le gouvernement et les départements se renvoient régulièrement la balle, les seconds estimant ne plus être en mesure d'assurer leur mission en raison des coupes budgétaires et de la hausse du nombre de mineurs étrangers non accompagnés. 

Mardi, une dizaine d'anciens enfants placés ont brandi des pancartes et organisé une manifestation près de l'Assemblée nationale afin d'appeler l'État à reconnaître « ses défaillances » et à agir sans délai.

« L'urgence est d'apporter une bonne fois pour toutes du crédit aux rapports », estime Deborah, ancienne enfant de l'Ase et travailleuse sociale. « On se contente de répéter des constats accablants, et pendant ce temps-là, quel avenir pour ces enfants ? »

Face aux « promesses non tenues », un appel à la mobilisation nationale a par ailleurs été lancé par le « collectif des 400 000 », qui réunit une soixantaine d'associations et de fédérations.


Face aux taxes douanières de Trump, l'industrie française se concerte ce mardi

vue extérieure du ministère de l'Economie et des Finances, le 05 avril 2000, rue de Bercy à Paris. (Photo by LAURENT HUET / AFP)
vue extérieure du ministère de l'Economie et des Finances, le 05 avril 2000, rue de Bercy à Paris. (Photo by LAURENT HUET / AFP)
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  • Les industriels français se réunissent ce mardi à Bercy autour du ministre Marc Ferracci, afin d'élaborer une position commune dans la riposte européenne à la crise commerciale mondiale
  • l'Union européenne a proposé lundi aux États-Unis une exemption totale de droits de douane pour les produits industriels

PARIS : Les industriels français se réunissent ce mardi à Bercy autour du ministre Marc Ferracci, afin d'élaborer une position commune dans la riposte européenne à la crise commerciale mondiale déclenchée par la hausse des droits de douane américains.

Alors que l'Union européenne a proposé lundi aux États-Unis une exemption totale de droits de douane pour les produits industriels dans le but de tenter d'éviter une guerre commerciale dévastatrice, le ministre va consulter « l'ensemble des filières et les représentants des employeurs et des salariés » français sur la réponse à apporter.

Les marchés ont plongé pour le troisième jour consécutif lundi, suite à l'offensive protectionniste américaine sans équivalent depuis les années 1930, avec l'annonce par le président américain Donald Trump, mercredi, d'une série de droits de douane supplémentaires à hauteur de 20 % sur les produits en provenance de l'Union européenne. 

La Bourse de Paris, qui n'avait pas connu une chute pareille depuis mars 2022, a dévissé de 4,78 % lundi. La Bourse de New York est parvenue pour sa part à limiter ses pertes.

En France, le président Emmanuel Macron avait appelé la semaine dernière les industriels français à suspendre leurs investissements aux États-Unis, dans le cadre d'une riposte européenne qu'il souhaite « proportionnée » afin de laisser sa chance à la négociation avec les Américains.

Dans cette période de turbulences, il est important « d'éviter l'escalade », avait ajouté vendredi Marc Ferracci à Toulouse.

« Nous allons procéder à une analyse extrêmement fine. Nous attendons que toutes les filières industrielles nous fassent remonter leurs analyses sur le niveau de réponse approprié. Le mot d'ordre, c'est l'unité et le travail collectif pour établir le diagnostic », a-t-il ajouté. 

Le 10 avril, le commissaire européen à l'Industrie, Stéphane Séjourné, doit également rencontrer les principales filières industrielles européennes afin de trouver le bon dosage de réponse à Washington.