PARIS: Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont appelé samedi à une "journée d'expression de la colère cheminote" jeudi prochain, présentée comme une "étape de préparation" aux manifestations du 1er mai, peu après la promulgation express de la réforme des retraites.
"La promulgation nocturne de la loi ne change rien du tout à notre combat. Nous ne passerons pas à autre chose tant que cette loi n'est pas abandonnée", affirment dans un communiqué la CGT-Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots, qui mènent une grève reconductible depuis le 7 mars.
Avant les défilés du 1er mai, les organisations syndicales "proposent, comme étape de préparation, de faire du 20 avril prochain une journée d'expression de la colère cheminote (...) y compris dans un cadre interprofessionnel", indiquent-elles.
Cette date tombe la veille des vacances scolaires des régions parisienne et occitane et d'un week-end de chassé-croisé dans les autres zones qui sont déjà en congés.
Dénonçant la "brutalité de la réforme" du gouvernement malgré les nombreuses journées de mobilisation, l'intersyndicale estime que "la violence sociale, orchestrée par le gouvernement et le président des riches, nous engage à rester mobilisés".
Les syndicats misent sur le traditionnel rendez-vous du 1er mai qu'ils souhaitent transformer en "journée de mobilisation exceptionnelle et populaire" contre le cœur de la réforme, la retraite à 64 ans.
Retraites: depuis le 19 janvier, trois mois d'une mobilisation «historique»
Les plus grosses mobilisations dans la rue depuis des décennies dans les métropoles comme les sous-préfectures, des grèves avec de fortes perturbations, les syndicats unis ont mis en marche depuis trois mois une mobilisation jugée "historique" contre la réforme des retraites.
Si la décision du Conseil constitutionnel vient clore une phase de la mobilisation, celle-ci n'est "pas finie", veulent croire les syndicats.
Des manifestations d'ampleur partout sur le territoire
La première journée de grève et de manifestation est organisée le 19 janvier. D'emblée, elle surprend les observateurs - et les organisateurs - par son ampleur, avec plus d'un million de participants selon les autorités (1,12).
Ce qui frappe aussi est la diffusion du mouvement sur tout le territoire, avec des cortèges dans des villes petites ou moyennes peu habituées à se mobiliser, et des salariés "qui ne manifestent pas souvent".
Lors de la réunion de l'intersyndicale le 19 janvier, Catherine Perret (CGT) égrène les chiffres: 6 000 manifestants à Troyes, 3 000 à Dole, 10 000 à Nevers, "sur une ville de 35 000 habitants c'est beaucoup".
La CFDT a battu le rappel des troupes: dès la présentation de la réforme le 10 janvier, le secrétaire général du syndicat réformiste, Laurent Berger, s'est montré très offensif, prenant la tête de la contestation au sein de l'intersyndicale, en lien étroit avec son homologue de la CGT Philippe Martinez.
Quatre autres journées d'action, les 31 janvier, 7, 11 et 16 février, suivront avant les congés d'hiver de la région parisienne, celle du 31 janvier (1,27 million de participants) surpassant la mobilisation des mouvements sociaux de 1995, 2003 et 2010, si l'on s'en tient aux chiffres des autorités.
La France pas tout à fait à l'arrêt
Le 11 février, les syndicats lancent un nouveau mot d'ordre, appelant à mettre la "France à l'arrêt" le 7 mars, au sortir des congés.
La formule est le fruit d'un compromis entre les réformistes, qui ne veulent pas "bloquer" le pays et ne croient pas à la "grève générale", et les syndicats plus enclins à durcir le mouvement via la grève reconductible - CGT, Solidaires, FSU, dont les bases sont remontées.
Dans certains secteurs, les salariés se montrent très déterminés: transports, énergie, raffineries, ports et docks, déchets... Plusieurs fédérations de la CGT s'efforcent de coordonner leurs efforts pour monter en puissance.
La journée du 7 mars est un succès au regard du nombre de manifestants, battant les records (1,28 million). Opérations de péage gratuit, routes fermées, occupation de ronds points, les modes d'action se durcissent, rappelant ceux des Gilets jaunes.
Mais force est de constater que la France n'est pas "à l'arrêt", et que dans les semaines qui suivent, la grève reconductible restera cantonnée à certains secteurs, impactant l'économie sans véritablement changer la donne. "Quand on a proposé en mars la grève reconductible, on aurait voulu et aimé que ça puisse aller beaucoup plus loin, mais c'est à nous de renforcer nos outils syndicaux", analyse avec le recul Simon Duteil (Solidaires).
Les opposants les plus radicaux reprochent à l'intersyndicale de s'être satisfaite de "journées saute-mouton", de loin en loin, sans appeler à la grève reconductible.
Mais l'unité syndicale était à ce prix, et sur le terrain la "grève reconductible a eu du mal à prendre et tenir dans la durée", y compris dans les secteurs les plus mobilisés, constatait fin mars le sociologue des syndicats Karel Yon, soulignant les effets de "la législation restreignant le droit de grève" ces dernières années.
Après le 49.3, un rebond avec la jeunesse
Quelques heures avant le vote de la loi à l'Assemblée nationale le 16 mars, les syndicats faisaient grise mine, lors d'une conférence de presse organisée devant le palais Bourbon. Entre les membres de l'intersyndicale, les journalistes pouvaient percevoir comme un flottement, et un peu de découragement.
L'utilisation du 49.3 a redonné un coup de fouet aux mobilisations, faisant entrer plus largement la jeunesse dans le mouvement, alors qu'à la question sociale s'est ajoutée selon les opposants à la réforme une "crise démocratique".
Aux marches syndicales, de plus en plus marquées par la tension entre manifestants et forces de l'ordre, se sont ajoutées des défilés spontanés émaillés de dégradations auxquelles les autorités ont répondu par des arrestations massives.
Vendredi, au soir de la décision du Conseil constitutionnel, les syndicats ont appelé à faire du 1er-Mai une "journée de mobilisation exceptionnelle" - la 13e du mouvement.