PARIS: Huées, consternation et colère ont accueilli vendredi la décision du Conseil constitutionnel de valider l'essentiel de la réforme des retraites, lors de rassemblements dans toute la France qui ont parfois débouché sur des manifestations sauvages émaillées de dégradations.
"Cette décision fera date. Je constate qu'on va à terme vers le décès de la Ve République", lance Jean-Marie, enseignant de 50 ans, sur la place de l'Hôtel de Ville à Paris. Il dit osciller "entre détermination et consternation".
La décision du Conseil constitutionnel, tombée peu avant 18H00, y a été accueillie par les huées des manifestants.
Environ 4 000 personnes s'y étaient rassemblées en début de soirée à l'appel de plusieurs syndicats, dont la CGT et FO, selon une source policière. Plusieurs centaines de jeunes s'y étaient rendus plus tôt, après avoir manifesté au départ de la gare Saint-Lazare.
"C'est scandaleux. Où est la démocratie?", lance Béa, bibliothécaire de 61 ans. Non loin, un quadragénaire se dit "trop abattu" pour réagir à chaud. "Certains disent que la mobilisation faiblit, moi je crois qu'elle se radicalise", a estimé Raji Aletcheredji, 24 ans, syndiqué Solidaires.
Plusieurs centaines de personnes sont ensuite parties en cortèges sauvages dans les rues du centre de Paris. Ceux-ci ont été émaillés d'incidents et de dégradations et des groupes de manifestants ont parfois été encerclés par des forces de l'ordre, ont constaté des journalistes de l'AFP.
A 22H30, la préfecture de police avait procédé à 112 arrestations. Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a évoqué sur BFMTV une "trentaine de mises à feu de poubelles".
A Rennes, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans le centre. "C’est une déclaration de guerre", a réagi Fabrice Le Restif, secrétaire de l'Union départementale FO d'Ille-et-Vilaine. "On nous a craché à la gueule, on ne va pas se laisser faire".
En début de soirée, la porte d'un poste de police a été incendiée avant que les flammes ne soient éteintes au bout de quelques minutes après l'intervention d'un canon à eau. Même scénario sur une des portes du centre des congrès sis dans l'ancien couvent des Jacobins.
"Les dégradations et attaques ce soir à Rennes, contre un commissariat et le Couvent des Jacobins, par des casseurs déterminés à en découdre sont inacceptables", a dit le ministre de l'Intérieur Gérard Darmanin sur twitter.
Des manifestations et rassemblements ont également été organisés à Lille, Dijon, Caen ou Marseille.
«Gouvernement têtu et sourd»
Dans la cité phocéenne, environ 200 personnes se sont rassemblées devant la préfecture. Puis des manifestants ont envahi vers 20H00 les voies de la gare Saint-Charles, où la circulation des trains a été suspendue jusqu'à 22H30 avant une reprise progressive du trafic.
"Là je pense que tout le monde est un peu révolté, désabusé, dégoûté parce que là on s’assoit sur la démocratie en fait", a réagi Marion, 35 ans.
A Strasbourg, un rassemblement statique autorisé a réuni 600 à 700 personnes dans le centre. La décision du Conseil constitutionnel a d'abord été accueillie dans un silence manifestement résigné, avant des prises de parole.
Une manifestation sauvage a été organisée avant de prendre fin après 21H00. Les policiers ont fait plusieurs fois usage de lacrymogènes.
A Toulouse où 2 300 personnes s'étaient rassemblées dans l'après-midi pour une manifestation, selon la préfecture, quelques centaines de personnes se sont réunies place du Capitole vers 18H00.
A Bordeaux, après un rassemblement d’environ 400 personnes, une partie d’entre elles ont manifesté à partir de 20H00, dont une bonne partie de manifestants radicaux qui ont causé des dégâts – poubelles brûlées, abribus cassés, vitrines de banques brisées – et lancé des projectiles sur les forces de l’ordre. Celles-ci ont riposté avec des gaz lacrymogènes.
Des manifestations ont eu lieu dans d’autres villes de la région comme Poitiers ou Pau.
A Dijon, bravant la pluie glaciale, et cantonnées sur une place du centre par un important dispositif policier, quelque 200 personnes ont entonné des chants.
A Lyon, 300 à 400 personnes, selon la préfecture, étaient en mouvement dans le centre en début de soirée, éparpillées par petits groupes dans les petites rues mais repoussées par des tirs de lacrymogène, a constaté un journaliste de l'AFP.
A Grenoble, quelque 200 personnes étaient en manifestation sauvage dans les rues en début de soirée, la police les repoussant à plusieurs reprises.