WASHINGTON: Avec le changement climatique causé par les activités humaines, la fréquence des "sécheresses éclair" s'est accélérée -- des sécheresses qui sont plus difficiles à prévoir et face auxquelles il est plus compliqué de s'adapter, a averti une nouvelle étude publiée jeudi.
Si l'on considère généralement les sécheresses comme un phénomène au long cours, certaines peuvent apparaître plus soudainement, en quelques semaines, quand les conditions sont réunies.
Or le réchauffement climatique favorise certaines de ces conditions: le déficit de précipitations sur certaines zones et une évaporation accrue, liée à des températures plus hautes, a tendance à assécher les sols plus rapidement.
Pour leurs travaux, publiés dans la revue Science, les chercheurs ont analysé une période de plus de soixante ans (1951-2014). Ils se sont appuyés sur des données combinant des observations satellites et au sol sur l'humidité des terres.
Les sécheresses éclair sont en augmentation, "notamment en Europe, dans le nord et l'est de l'Asie, le Sahel, et sur la côte ouest de l'Amérique du Sud", a déclaré à l'AFP Xing Yuan, auteur principal de l'étude et professeur en Chine à l'université des sciences de l'information et de technologie de Nankin.
Elles "sont dangereuses à cause de leur apparition rapide, ne laissant pas assez de temps pour se préparer", par exemple via des mesures de répartition des ressources en eau, a-t-il souligné.
Les sécheresses éclair mettent aussi les écosystèmes à rude épreuve: "la végétation n'a pas non plus assez de temps pour s'adapter", a-t-il ajouté.
L'étude montre en outre que la fréquence des sécheresses classiques s'est elle aussi accrue dans la plupart des régions, et qu'elles ont également tendance à se déclarer plus rapidement. Malgré cela, il existe une vraie "transition des sécheresses lentes vers les sécheresses éclair", selon Xing Yuan.
Sécheresse: quatre villages des Pyrénées-Orientales sans eau potable
Quatre villages des Pyrénées-Orientales sont privés d'eau potable à partir de vendredi, leur forage ayant atteint un niveau trop bas à cause de la sécheresse, a appris l'AFP auprès de l'organisme local de gestion de l'eau.
Les communes de Bouleternère, Corbère, Corbère-les-Cabanes et Saint-Michel-de-Llotes organisent donc des distributions d'eau en bouteille auprès de leurs 3 000 habitants, a indiqué à l'AFP le président du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable, Jean-Pierre Saurie, confirmant une information du quotidien L'Indépendant.
Situé à Bouleternère, le forage qui alimente ces villages "est au niveau le plus bas, à seulement 30 centimètres au dessus de la pompe", a-t-il expliqué.
Dans des lettres d'information à la population, les mairies concernées indiquent que le forage a atteint "un seuil de prélèvement".
"Avant d'arriver au stade où on n'a plus d'eau du tout, on a préféré faire un branchement sur un forage agricole mais cette eau n'est pour l'instant pas buvable", a poursuivi M.Saurie, indiquant que des prélèvements seront réalisés dans la journée pour déterminer "dans la semaine" si l'eau est potable.
Si elle ne l'est pas, les communes disposent de suffisamment de bouteilles "pour alimenter les habitants pendant dix jours" et elles se préparent à effectuer de nouvelles commandes, a assuré M. Saurie.
"C'est exceptionnel, on n'a jamais eu une sécheresse comme ça", a soutenu M. Saurie, qui compte sur la mise en service d'un nouveau forage fin juin pour éviter cette situation à l'avenir.
Le département, frontalier de l'Espagne, est l'un des plus affectés de France par la sécheresse: entre septembre et mars, le niveau de précipitations a été divisé par deux par rapport aux normales, selon Météo-France.
Face à la situation, les 226 maires du département ont annoncé mardi la mise en place d'une charte dans laquelle ils s'engagent à accroître les économies d'eau.
Avertissement
A l'avenir, les chercheurs ont calculé les répercussions qu'auraient différents scénarios d'émissions de gaz à effet de serre sur les sécheresses éclair, en s'appuyant sur des modèles climatiques.
Si les émissions sont modérées, la tendance à davantage de sécheresses éclair continuera malgré tout à se renforcer sur quasiment toutes les régions du globe. Si les niveaux d'émissions sont plus hauts, alors cette tendance sera encore accrue sur la plupart des régions.
"Nous pensons que la réduction des émissions peut ralentir cette transition" vers davantage de sécheresses éclair, a ainsi dit Xing Yuan.
Le concept de sécheresse éclair est apparu au début du 21e siècle, mais a reçu une plus grande attention depuis la sécheresse de l'été 2012 aux Etats-Unis, qui s'est installée particulièrement vite et a causé plus de 30 milliards de dollars de pertes économiques.
"L'avertissement" des auteurs de cette étude "doit être pris au sérieux", a déclaré David Walker, chercheur à l'université de Wageningue aux Pays-Bas, et qui n'a pas participé à ces travaux.
Les régions particulièrement touchées par les sécheresses éclair se trouvent pour beaucoup dans des pays à faibles revenus, où les ressources des populations manquent pour affronter ces événements climatiques extrêmes, pointe-t-il dans un commentaire également publié dans Science.
La sévérité de l'impact sur les cultures dépendra pour beaucoup du moment où la sécheresse intervient, notamment si c'est au moment de la floraison ou de la pollinisation, ou plus tard dans l'année.
La multiplication des sécheresses éclair pose enfin un défi pour leur prédiction.
Pour l'heure, les cartographies de sécheresses sont souvent publiées une fois par mois, a souligné David Walker. "Des méthodes de détection de sécheresses qui opèrent sur des échelles de temps plus courtes sont nécessaires", a-t-il ainsi plaidé.