Les Français de confession musulmane et les Français d’origine arabe à l’épreuve du modèle français

Détails de l'intérieur de la grande mosquée de Paris. (AFP).
Détails de l'intérieur de la grande mosquée de Paris. (AFP).
Short Url
Publié le Mardi 01 décembre 2020

Les Français de confession musulmane et les Français d’origine arabe à l’épreuve du modèle français

  • À partir du début des années 1980, la société française a pris conscience de la réalité de la présence d’immigrés de culture musulmane sur le territoire national
  • L’un des problèmes de cette nouvelle génération musulmane installée en France et en Europe aujourd’hui est que la modernisation n’apparaît pas comme un processus naturel, mais plutôt comme un modèle imposé

PARIS: La dernière vague terroriste qui a frappé la France cette année, succédant à celle de 2015-2016, ressuscite un débat sur l’adaptation d’une nouvelle génération d’immigrés et son degré d’intégration dans l’Hexagone. La capacité du modèle laïc français à favoriser le respect et la mise œuvre des principes fondateurs de la République, en particulier l’égalité et la fraternité, est également questionnée.

L’année 1983 a symbolisé la nouvelle donne émergente, avec la Marche des beurs et les grèves dans le secteur de l’automobile, dans lequel la main d’œuvre immigrée joue un rôle important. On commence alors à parler de la «deuxième génération».

Les schismes culturels et les inégalités sociales compliquent et retardent sans doute la marche vers l’intégration d’une jeunesse mise à rude épreuve, prise entre le marteau des sirènes religieuses extrémistes et l’enclume du racisme et de la discrimination, en l’absence de mécanismes efficaces pour promouvoir la citoyenneté.

Choc socioculturel

À partir du début des années 1980, la société française prend conscience de la réalité de la présence d’immigrés de culture musulmane sur le territoire national, notamment dans les banlieues de grandes villes baptisées à l’époque «banlieues de l’islam».

Les travailleurs issus de l’immigration qui étaient venus en France dans les années 1970 ayant vocation à rester sur place, le paysage français s’est transformé, et, au fil du temps, l’islam est devenu la deuxième religion du pays après le catholicisme. Ainsi, parallèlement à un choc socioculturel, une méfiance s’est installée entre, d’une part, des Français autochtones et ,d’autre part, de nouveaux Français issus de l’immigration, majoritairement maghrébins.

L’année 1983 a symbolisé la nouvelle donne émergente, avec la Marche des beurs et les grèves dans le secteur de l’automobile, dans laquelle la main d’œuvre immigrée joue un rôle important. On commence alors à parler de la «deuxième génération». L’année1989 constitue une autre date clé, où la «présence musulmane » pose de nouveaux défis, notamment dans le domaine de la laïcité. L’affaire de Creil, dans laquelle trois collégiennes qui refusent d’enlever le foulard islamique en classe dans une école publique sont exclues, pose subitement la question de la manifestation du religieux dans l’espace public.

À cette époque, la gauche est au pouvoir, et le ministre de l’Éducation est le dirigeant socialiste Lionel Jospin. La laïcité, élément structurant de l’identité de la gauche française, qui avait toujours été pensée dans le contexte de l’opposition de l’État à la religion, s’est pour la première fois retrouvée confrontée à la religion musulmane, changeant énormément de choses.

Modèle républicain

Plus globalement, l’affaire de Creil va susciter un intense débat au sein de la société française, et de nouvelles problématiques naissent sur la faculté pour l’islam de s’adapter à notre modèle républicain. L’année 1989 marque ainsi en quelque sorte l’avènement d’une nouvelle ère, marquée par une plus grande présence de l’islam de France, que ce soit médiatiquement ou sociologiquement.

Les lois sur l’interdiction du foulard et d’autres signes religieux dans les écoles et l’espace public, l’interdiction du niqab, ainsi que la création du Conseil du culte musulman de France (CFCM) pour faire de l’islam un acteur à la table de la République ont certes jeté des bases juridiques, mais ne sont pas parvenues à mettre en œuvre un nouveau contrat social. 

Depuis cette période, cet «islam visible» dans une société de plus en plus pluraliste et multiculturelle ne cesse de peser sur le modèle laïc, soit en raison du refus de l’insertion des musulmans dans une société non musulmane et laïque par certains courants, soit en raison de la montée du racisme et de la crainte d’une modification du paysage religieux et social. Les diverses tentatives de l’État jacobin de légiférer pour organiser l’islam par le haut ont tour à tour échoué.Tous ces facteurs n’ont pas abouti à un apaisement social significatif ou à un processus d’intégration accompli.

Les lois sur l’interdiction du foulard et d’autres signes religieux dans les écoles et l’espace public, l’interdiction du niqab, ainsi que la création du Conseil du culte musulman de France (CFCM) pour faire de l’islam un acteur à la table de la République ont certes jeté des bases juridiques, mais ne sont pas parvenues à mettre en œuvre un nouveau contrat social ou à élaborer un code de conduite de la vie commune.

L’installation tardive de l’islam dans les contrées de l’Europe chrétienne, judéo-chrétienne ou laïque, ne cesse de poser des problèmes particuliers et feu l’islamologue Mohammed Arkoun n’avait pas tort de le faire remarquer. «L'Occident croyait en avoir fini avec la question religieuse, au plan philosophique, juridique ou culturel. L’arrivée des musulmans en Europe occidentale lui a montré qu'il n'en était rien», expliquait-il.

Fossé culturel et querelle entre les religions

Ce rappel historique montre que deux visions s’affrontent: celle qu’ont majoritairement de jeunes maghrébins de la France et qui résulte notamment d'une réaction à la longue histoire du jeu des puissances européennes dans la région, et, en face, celle d’une partie de l’establishment français et de Français de souche, marquée par le fossé culturel et la querelle entre les religions.

Dans son essai L’Orient imaginaire, Thierry Hentsch estime à juste titre que «l’Orient, et tout particulièrement l’Orient méditerranéen, sert à la conscience occidentale de lieu de référence». Cette approche s’applique aussi au monde arabe, qui se positionne souvent par rapport à l’Occident européen. En partant de ce constat, l’ignorance et la non-reconnaissance de l’autre donnent lieu à des perceptions biaisées par des préjugés et des craintes.

L’un des grands problèmes de cette nouvelle génération musulmane installée en France et en Europe aujourd’hui tient à ce que la modernisation n’apparaît pas comme un processus naturel, mais plutôt comme un modèle imposé. Elle est donc vécue comme une perte d’identité par certains cercles religieux. Les notions de citoyen et d’État de droit sont toujours confuses pour ces nouveaux venus ou nouveaux citoyens.

La séparation entre la religion et l’État établie par la loi de 1905, alors que l’islam n’apparaît officiellement sur le territoire de la métropole qu’en 1926, à l’occasion de la fondation de la Grande Mosquée de Paris, explique en partie la montée de l’islamisme politique et d’autres courants radicaux ou rétrogrades au sein de la population de confession musulmane. Le christianisme en France a pour sa part connu un cheminement différent.

Mais cette nouvelle génération musulmane qui ne vit pas un islam adapté à la réalité française ne se rend pas compte que la civilisation européenne actuelle doit beaucoup à l’époque de la présence musulmane en Andalousie, avec le rayonnement de Cordoue et de ses villes sœurs. Le mouvement de la traduction et de l’interaction culturelle qui s’est développé dans ce qui est aujourd’hui une région d’Espagne, a semé les germes du progrès européen.

Panne d’intégration ou repli identitaire

En septembre 2019, trente ans après l’affaire des foulards de Creil, un sondage a été réalisé par l’Ifop afin de suivre les évolutions de fond de la société française, en interrogeant la population de confession ou de culture musulmane. Le premier enseignement que l’on peut en tirer est que le public de croyants se conforme aux injonctions de la religion à laquelle il est rattaché spirituellement et culturellement.

On voit que l’empreinte de la religion sur cette population ne s’est pas effacée, bien au contraire. Comme le poids de cette population musulmane a augmenté et que l’observation de préceptes religieux par la jeunesse musulmane se répand et s’accélère, des acteurs économiques ont répondu à cette demande, favorisant l’émergence d’un marché encourageant en retour le respect du halal. Cette dynamique a été portée par beaucoup d’acteurs,d’associations et de mosquées fondées par des pays d’où sont issus les immigrés, ou par des associations liées à des courants idéologiques (Frères musulmans, Tabligh, entre autres). Cela démontre une panne de l’intégration pour accéder à la citoyenneté en raison de la ghettoïsation d’un côté et du repli religieux et identitaire de l’autre.

Récemment Arabnews en français s’est associé à l’institut britannique de sondages en ligne, YouGov, pour donner, à travers une enquête, la parole aux Français d’origine arabe. Réalisée entre le 8 et le 14 septembre 2020, cette enquête repose sur un échantillon représentatif de 958 Français originaires des pays arabes, habitant dans toute la France. Alors qu’une vague de violence inspirée d’un islam radical secoue les villes et la culture françaises, créant un sentiment d’insécurité et de peur, l’islamophobie est grandissante.

L’enquête confirme leur désir d’appartenir à une France démocratique et laïque. La majorité des personnes interrogées sont éduquées et ont un emploi. Les Français d’origine arabe connaissent bien, dans l’ensemble, le système français et son histoire. Ils adhèrent aux valeurs fondamentales de la République française. Les Français d’origine arabe se sont largement adaptés au mode de vie en France, mais ils ne se sentent pas acceptés, et même stigmatisés.

Le pari d’un processus de sécularisation et d’une «sortie de la religion» qui aurait également concerné la population immigrée et ces jeunes d’origine arabe s’est dissipée, avec l’affaire Rushdie, la montée des idées de l’islamisme politique, et la poursuite des flux migratoires.

La religion comme leur origine n’ont pas d’impact sur leur sentiment d’appartenance à la société française. Mais la consonance de leur nom a un impact sur leur carrière. La moitié des personnes interrogées estime que ni leur race ni leur origine ni leur religion n’ont eu d’impact sur leur sentiment d’appartenance à la société française et sur leur carrière professionnelle. Leurs réponses soulignent aussi un sentiment d’exclusion qui, pour 51 % d’entre eux, n’est pas liée à la couleur de peau mais plutôt à l’origine ethnique de leur nom (36 %) et qui, en revanche, a un impact négatif sur leurs perspectives de carrière. Ce sentiment d’exclusion est exacerbé chez les femmes qui estiment que leur pays d’origine (46 % contre 33 % des hommes) ainsi que leur religion (66 % contre 52 % des hommes) provoquent une perception négative auprès de leurs compatriotes.

Cette nouvelle génération considère que les demandes concrètes qui lui sont faites pour s’adapter à la laïcité représentent une atteinte à son identité. Ces jeunes musulmans ou ces jeunes maghrébins considèrent «qu’un élève de confession musulmane devrait pouvoir manger halal dans les cantines scolaires, et qu’une jeune fille devrait avoir la possibilité de porter le voile à l’école ou de ne pas aller à la piscine».

Ainsi, le pari d’un processus de sécularisation et d’une «sortie de la religion» qui aurait également concerné la population immigrée et ces jeunes d’origine arabe s’est dissipée, avec l’affaire Rushdie, la montée des idées de l’islamisme politique, et la poursuite des flux migratoires, provoquant une influence culturelle et sociale plus grande des pays d’origine amplifiant le repli identitaire.

Séparation entre l'Église et l'État

La révolution française a brisé les liens entre la religion et l’État. Mais Napoléon Bonaparte les a rétablis sous la forme du Concordat, et il aura fallu attendre 1905 pour instaurer la séparation entre l'Église et l'État. En effet, sur le plan du droit, l'État n'interfère pas dans la vie des religions. Mais, pour le penseur Théo Klein, récemment disparu, «cela n'empêche pas la persistance de l'influence de l'Église catholique, par exemple à travers le calendrier qui reste catholique et les fêtes qui le sont aussi pour la plupart. L’État, qui se veut laïc, est souvent amené à refuser aux autres religions ce qu’il donne aux laïcs ou aux catholiques». Ces évolutions ont creusé une fracture culturelle et sociale en France.

Dans un contexte de menace terroriste et de risques de rupture véhiculés par l’islamophobie dans un climat délétère, les différents regards d’un côté ou de l’autre sont influencés par la conjonction d'éléments d'ordre historique, politique, religieux, culturel et économique.

Pour la France, la lutte sans merci contre le terrorisme et les phénomènes de radicalisation religieuse – politique de racisme ou de populisme à outrance – représente une priorité nationale. Il en va de la défense de la cohésion nationale et de la stabilité. Dans ce cadre, l’adaptation du modèle laïc français afin qu’il devienne positif et ouvert devrait aller de pair avec les efforts des élites musulmanes pour une meilleure intégration et un respect des obligations de la citoyenneté.


À Washington, Macron veut faire entendre la voix de l’Europe sur l’Ukraine.

Le président français Emmanuel Macron (C), le président élu des États-Unis Donald Trump (G) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky posent avant une réunion au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 7 décembre 2024. (Photo de Sarah Meyssonnier / POOL / AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C), le président élu des États-Unis Donald Trump (G) et le président ukrainien Volodymyr Zelensky posent avant une réunion au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 7 décembre 2024. (Photo de Sarah Meyssonnier / POOL / AFP)
Short Url
  • L’entretien prévu entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump, à Washington ce lundi, est des plus délicats.
  • Les européens s’inquiètent que Washington et Moscou, ne scellent un accord de paix au détriment de Kiev, au regard des concessions faites gratuitement et d’entrée de jeu par l’administration américaine.

PARIS : L’entretien prévu entre le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Donald Trump, à Washington ce lundi, est des plus délicats, puisqu’il s’agit de faire entendre la voix de l’Europe et de l’Ukraine, écartées des pourparlers avec la Russie sur le dossier ukrainien.

Le président français a pris soin de se préparer à cette rencontre tout au long des jours précédents, en organisant deux réunions successives avec plus d’une trentaine de dirigeants européens sur le sujet.

Ces rencontres lui ont permis de contourner les divergences et de s’assurer d’une relative unité sur le dossier au sein de l’Europe.

Parallèlement, il a aussi convoqué en urgence à l’Elysée les représentants des forces politiques françaises, pour les mettre au fait des implications au niveau de la France et de l’Europe, de la démarche américaine, sur le dossier ukrainien.

Le chef de l’Etat s’est également adressé aux Français, à travers la presse régionale et les réseaux sociaux, pour évoquer une partie de son plan, en vue de cette rencontre qui coïncide avec le troisième anniversaire de la guerre menée par la Russie contre le territoire ukrainien.

Depuis l’annonce de Trump, de pourparlers avec la Russie sur ce dossier et la rencontre qui a eu lieu récemment à Riad à ce sujet, entre de hauts responsables américains et russes, la France et l’Europe s’efforcent de faire entendre leur voix sur ce chapitre.

Les européens s’inquiètent que Washington et Moscou, ne scellent un accord de paix au détriment de Kiev, au regard des concessions faites gratuitement et d’entrée de jeu par l’administration américaine.

Cette dernière, doute de l’objectif de l’Ukraine de rejoindre l’alliance Atlantique, et n’accorde pas d’intérêts à la restitution par les Russes des régions ukrainiennes qu’ils ont occupé depuis le début de la guerre.

Par ailleurs, l’administration américaine ne se fait aucun souci au niveau des défis sécuritaires qui peuvent guetter le continent européen, de la part du président russe Vladimir Poutine.

Partant de là, la France tout comme l’Europe s’opposent à tout règlement auquel ils ne seraient pas associés ainsi que les Ukrainiens, et Macron compte faire entendre cela à Trump, déployant à cette fin un atout principal.

Dans les propos tenus lors de son échange avec les Français sur les réseaux sociaux, Macron a affirmé qu’il dira à Trump « Tu ne peux pas être faible face au président Poutine. Ce n’est pas toi, pas ta marque de fabrique, ce n’est pas ton intérêt ».

Une manière de faire plier Trump en le ramenant à sa propre vérité, un pari à tenter sans garantie de réussite, tant les réactions et positions du président américains semblent échapper à toute logique.

D’où le sentiment que l’entretien de Macron avec son homologue américain relève d’un saut dans le vide, d’autant plus que ce dernier s’affranchi de toute sorte de limites ou garde fou.

Il s’est montré prêt à sacrifier l’Ukraine au profit de la Russie et à laisser à l’abandon ses alliées européens, et il s’est lancé dans une campagne de critiques personnelles et gratuites à l’encontre du président ukrainien Vlodomir Zelenski le traitant de « dictateur non élu ».

En dépit de cela, le Palais de l’Elysée préfère tempérer et mettre l’accent sur ce qui rapproche et uni, en soulignant à la veille de la visite présidentielle que « la France partage l’objectif du président Trump de mettre fin à la guerre en Ukraine ».

Le président français, toujours selon l’Elysée « Va à Washington dans l’esprit de soutenir cet objectif », et qu’il y va avec « des propositions d’action » et « le souci de travailler en soutien de l’Ukraine, et au renforcement de la sécurité en Europe ». 


La question se pose : comment le blé français a-t-il perdu le chemin de l'Algérie ?

Champ de blé (Photo iStock)
Champ de blé (Photo iStock)
Short Url
  • Longtemps premier acheteur du blé français, l'Algérie boude désormais les chargements de la céréale du pain exportée par l'ancienne puissance coloniale
  • « l'origine du changement d'approvisionnement de la part de l'Algérie n'est pas politique », estime Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés.

PARIS : Longtemps premier acheteur du blé français, l'Algérie boude désormais les chargements de la céréale du pain exportée par l'ancienne puissance coloniale, un désamour antérieur à la récente crise diplomatique entre Paris et Alger, expliquent des acteurs du marché.

Il fut un temps où les courtiers racontaient que « les meuniers algériens écrasaient plus de blé français que les meuniers français », relate Arthur Portier, analyste du marché céréalier chez Argus Media France.

« La France a exporté jusqu'à 5 millions de tonnes de blé tendre par campagne à destination de l'Algérie, soit la moitié de ses exportations hors Union européenne », explique-t-il.

Des échanges importants, nourris par la proximité géographique des deux pays, leurs liens historiques et l'augmentation des besoins alimentaires d'une population algérienne ayant quadruplé depuis l'indépendance.

La France, premier producteur et exportateur européen de blé tendre, y trouvait un débouché naturel. « Il y avait un vieil accord tacite : nous achetions du gaz algérien et l'Algérie du blé français. Ça a bien marché pendant 50 ans », affirme un opérateur actif sur le marché européen.

En 2018, les exportations de blé français vers l'Algérie représentaient plus de 5,4 millions de tonnes ; en 2023, ce chiffre était tombé à moins d'un million de tonnes, selon les données des douanes françaises consultées par l'AFP.

Entre juillet et décembre 2024, seul un bateau transportant 31 500 tonnes de blé tendre a pris la direction de l'Algérie, selon la même source.

Ce tarissement des échanges intervient en pleine crise diplomatique : les tensions entre Paris et Alger se sont brutalement aggravées après la décision, cet été, du président français Emmanuel Macron de reconnaître la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental — alors qu'Alger soutient les indépendantistes sahraouis du Front Polisario depuis plus d'un demi-siècle.

En octobre dernier, les acteurs français du marché ont même discrètement exprimé leur étonnement de ne pas avoir reçu d'appel d'offres de l'office public algérien des céréales (OAIC), pourtant envoyé à tous les autres acteurs habituels.

Le ministère algérien de l'Agriculture avait alors démenti l'exclusion volontaire d'un de ses « partenaires européens habituels » et évoqué une « consultation restreinte (...) régie par des critères techniques spécifiques », dans un communiqué consulté par l'AFP.

- « Grains punaisés » -

Si, selon toute personne interrogée, la crise actuelle n'arrange pas les choses, « l'origine du changement d'approvisionnement de la part de l'Algérie n'est pas politique », estime Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés.

« À un moment donné, la France n'a pas pu servir le marché algérien, qui s'est tourné vers la mer Noire. Les meuniers ont apprécié la qualité des grains russes », explique-t-il.

C'est en effet en 2016, année pluvieuse où la production de blé a chuté de 20 % en France, que l'Algérie a importé pour la première fois de blé russe, selon un acteur européen du marché.

Cette année-là, la Russie, qui a massivement investi dans sa production céréalière, est devenue le premier exportateur mondial de blé. En mars 2024, les céréaliers français réunis à Paris s'inquiètent de voir la Russie « envahir le terrain de jeu des acheteurs de céréales dans le monde et principalement en Afrique », selon l'expression de Jean-François Loiseau, président de l'interprofession.

Les importations algériennes de grains russes, modestes à l'origine, augmentent considérablement à partir de 2022-2023, essentiellement au détriment des blés français, mais aussi allemands ou argentins.

Ce gonflement des achats à la Russie est rendu possible par un changement majeur : l'OAIC a modifié son cahier des charges en 2021, augmentant son taux acceptable de grains punaisés, jusqu'à tolérer 0,5 % de grains endommagés par des insectes contre 0,2 % auparavant, afin de correspondre aux qualités du blé de la mer Noire, explique Edward de Saint-Denis.

L'Algérie s'est donc mise à acheter régulièrement du blé russe, moins cher que le blé français et dont la caractéristique est aussi un taux de protéine plus élevé, ce qui lui confère une qualité de panification appréciée par les meuniers algériens.

Peu dommageable en 2024, car la France a peu à vendre après une récolte de blé médiocre, l'absence d'Algérie sur le marché français risque toutefois de devenir problématique, car cette absence, que les opérateurs espèrent « temporaire », n'est pas compensée par l'augmentation des importations du Maroc ni par la Chine, « actuellement aux abonnés absents », relève Arthur Portier. 


« Attentat terroriste » en France : un mort, le ministre de l'Intérieur blâme l'Algérie sur l'immigration

La police scientifique française travaille sur le site d'une attaque au couteau où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux policiers à Mulhouse, dans l'est de la France, le 22 février 2025. (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
La police scientifique française travaille sur le site d'une attaque au couteau où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux policiers à Mulhouse, dans l'est de la France, le 22 février 2025. (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Short Url
  • dans l'est de la France, un homme de 37 ans, fiché pour risque de « terrorisme », a tué une personne et blessé au moins trois policiers à l'arme blanche.
  • Selon le président Emmanuel Macron, il s'agit d'un « acte de terrorisme », tandis que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis en cause la non-coopération de l'Algérie sur l'immigration.

MULHOUSE, FRANCE : Samedi, dans l'est de la France, un homme de 37 ans, fiché pour risque de « terrorisme », a tué une personne et blessé au moins trois policiers à l'arme blanche. Selon le président Emmanuel Macron, il s'agit d'un « acte de terrorisme », tandis que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis en cause la non-coopération de l'Algérie sur l'immigration.

Selon des témoignages concordants obtenus par l'AFP, l'assaillant a crié « Allah u Akbar » (« Dieu est le plus grand » en arabe) à plusieurs reprises samedi, lors de l'attaque menée dans la ville de Mulhouse, ainsi que lors de son interpellation par les forces de l'ordre.

Selon le parquet de Mulhouse, l'assaillant a agressé les victimes avec un couteau, blessant notamment un Portugais de 69 ans qui est décédé.

Deux policiers municipaux ont été grièvement blessés, l'un à la carotide et l'autre au thorax, a affirmé à l'AFP le procureur de Mulhouse Nicolas Heitz. Si le second a pu sortir de l'hôpital, le premier doit être transféré dimanche au centre hospitalier de Colmar, à environ 40 kilomètres de Mulhouse. Trois autres policiers municipaux auraient été plus légèrement atteints, a précisé le procureur.

En déplacement au Salon de l'agriculture à Paris, Emmanuel Macron a dénoncé un « acte de terrorisme islamiste » qui ne fait pas de doute.

Nicolas Heitz a déclaré que le suspect était inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

Interrogé sur la chaîne TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et accusé l'Algérie de l'avoir refusé à dix reprises.

« Une fois de plus, c'est le terrorisme islamiste qui a frappé. Et, une fois de plus, j'ajoute que ce sont les désordres migratoires qui sont aussi à l'origine de cet acte terroriste », a-t-il lancé.

Devant l'hôtel de police de Mulhouse, où il a rendu hommage au sang-froid des policiers, M. Retailleau a précisé que le suspect présentait également « un profil schizophrène » et que son acte présentait « une dimension psychiatrique ».

Selon des sources syndicales, le suspect était placé sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence.

Les faits se sont déroulés à 15 h 40 (14 h 40 GMT), près d'un marché très animé du quartier populaire.

L'homme a d'abord blessé grièvement des agents de stationnement, puis un sexagénaire portugais, mortellement atteint d'un coup de couteau.

« Nous ne savons pas s'il s'est trouvé par hasard sur son chemin ou s'il a fait un acte de bravoure en s'interposant », a indiqué le ministre.

L'assaillant a ensuite été poursuivi par des policiers municipaux qui sont parvenus à le maîtriser sans faire usage d'armes à feu.

À la nuit tombée, plusieurs membres de la police scientifique s'affairaient encore à la lueur d'un projecteur sur la dalle située à l'extérieur du marché couvert. Le périmètre était gardé par des militaires.

« Le fanatisme a encore frappé et nous sommes en deuil », a réagi le Premier ministre centriste François Bayrou, qui a adressé ses « félicitations aux forces de l'ordre pour leur intervention rapide ».

« L'horreur vient de saisir notre ville », a déploré la maire de Mulhouse, Michèle Lutz, sur Facebook.

En janvier, un homme de 32 ans avait blessé une personne au couteau dans un supermarché d'Apt, dans le sud de la France, en criant « Allah Akbar ». Il a été inculpé et écroué pour tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Fin janvier, le procureur antiterroriste, Olivier Christen, avait souligné que « l'absence d'actes terroristes mortels en France en 2024 ne reflète pas une diminution du risque terroriste », rappelant que neuf attentats ont été déjoués l'an dernier sur le territoire français.