PARIS: La mésentente couve-t-elle au sommet de l'exécutif ? L'appel d'Elisabeth Borne à ne pas "brusquer les choses" avec les syndicats a jeté le doute vendredi sur sa relation avec Emmanuel Macron, même si elle a rapidement insisté sur son parfait "alignement" sur le chef de l'Etat.
"On échange régulièrement avec le président de la République et je pense que l'on partage la même analyse: il y a besoin d'apaisement dans le pays", a affirmé en fin de matinée la cheffe du gouvernement lors d'un déplacement à Rodez (Aveyron). "On est parfaitement alignés sur ce sujet", a-t-elle encore tenu à désamorcer, en précisant partager "les mêmes objectifs" avec le chef de l'Etat.
Il s'agit d'une "surinterprétation" à "partir de rien", le président et la cheffe du gouvernement "disent la même chose", a insisté son entourage.
Une clarification rendue nécessaire par l'émoi médiatique suscité par des propos distillés jeudi à plusieurs médias par la Première ministre. Celle-ci semblait marquer sa différence avec Emmanuel Macron en appelant à respecter "une période de convalescence" dans le pays après la crise des retraites, et en soulignant qu'il ne fallait "pas que les syndicats sortent humiliés de cette séquence".
Auprès du Monde, Le Point et RTL, la cheffe du gouvernement a plaidé pour "ne pas brusquer les choses". "Il faut laisser reposer. Le pays a besoin d'apaisement", a-t-elle dit, après sa rencontre de mercredi avec l'intersyndicale, qui s'est soldée par un constat de désaccords.
«Pâte à crêpe»
Ce ton conciliant a été immédiatement salué par le secrétaire général de la CDFT Laurent Berger, car il tranche avec les propos tenus par le président de la République mercredi en marge d'un déplacement en Chine.
Le chef de l'Etat avait, via son entourage, nié toute "crise démocratique en France" et assuré avoir un mandat clair pour réformer les retraites. Il avait également une nouvelle fois mis en cause la CFDT, accusée de n'avoir pas proposé de projet alternatif, déclenchant le courroux de Laurent Berger qui avait demandé à Emmanuel Macron de "garder ses nerfs".
"Le message de ce matin est plus respectueux que celui qui nous était venu de Chine", s'est félicité vendredi matin sur BFMTV et RMC le responsable du premier syndicat de France, dont les relations se sont particulièrement tendues avec Emmanuel Macron. En revanche, il n'y a "jamais eu de problème de respect" avec la cheffe du gouvernement, a-t-il ajouté.
"On voit qu’il y a des tensions à l’intérieur de l’exécutif", a estimé de son côté Simon Duteil, codélégué de Solidaires, sur BFMTV. Mme Borne "parle de convalescence mais nous on n'est pas malades (...) On n'a pas besoin de se laisser reposer, on n'est pas de la pâte à crêpes", a-t-il insisté.
Mme Borne a aussi semblé faire un pas de côté en appelant à redonner "un cap". "Avant d'aller chercher des alliés pour voter les textes, c'est important que l'on dise où l'on veut aller", a-t-elle fait valoir. "Il faut redonner du sens et du souffle à l'action. Je ne suis pas simplement là pour administrer le pays."
«Mettre des coins»
Fait inhabituel, depuis la Chine, l'entourage du président de la République a rapidement réagi aux déclarations de la Première ministre. "Le président de la République coordonne avec la Première ministre. Le cap a été donné par le président de la République lors de son interview au 13h sur France 2 et TF1. Il a demandé à la Première ministre de recevoir les syndicats et de travailler sur une feuille de route pour les mois à venir", a fermement rappelé l'entourage.
Face au bruit de possibles dissensions, le secrétaire général du parti présidentiel Renaissance Stéphane Séjourné a relativisé.
"Il y a une tentation de faire monter l'Elysée contre Matignon, de mettre des coins entre l'exécutif. Je suis en contact avec les deux, je ne vois pas du tout de problématique de ligne et d'objectifs" entre les deux a-t-il assuré sur Franceinfo.
La Première ministre comme le président sont "exactement sur la même ligne: apaiser et avancer", a renchéri le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, en marge d'un déplacement à Dijon. "Le discours n’est pas différent, il n’y a aucune prise de distance".
Au lendemain d'une 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, environ 200 manifestants ont accueilli Mme Borne sous les huées devant l'hôpital de Rodez, où elle effectuait une visite sur la santé en milieu rural.
Le gouvernement et les syndicats attendent tous vendredi 14 avril la décision cruciale du Conseil constitutionnel sur la conformité de la réforme des retraites. Elle sera précédée la veille par une 12e journée de mobilisation des syndicats.