PARIS: La flambée des prix de l'énergie a-t-elle provoqué des faillites en série, comme l'annonçaient certaines organisations professionnelles? Pas pour le moment, à en juger par les données statistiques et les retours des conseillers départementaux chargés d'accompagner les entreprises.
"Il est urgent de sortir les petites entreprises de la précarité énergétique", alertait l'Union des entreprises de proximité (U2P) en octobre.
"La forte remontée du nombre de défaillances d’entreprises a, sans aucun doute possible, un lien direct avec l’explosion des prix de l’énergie", renchérissait en janvier la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), autre organisation patronale.
Dans une enquête menée en octobre auprès de 2.400 dirigeants de TPE et PME, la CPME affirmait même que 9% d'entre eux envisageaient un arrêt de leur activité du fait de la flambée des prix de l'énergie provoquée par l'offensive militaire russe en Ukraine.
En janvier enfin, ce sont les artisans et particulièrement les boulangers qui étaient montés au créneau, forçant le gouvernement à imaginer un dispositif de soutien dédié.
Quelques mois plus tard, les statistiques de la Banque de France attestent bien d'une remontée des défaillances d'entreprises - sans en préciser la cause -, mais les redressements et liquidations judiciaires restent moins nombreux qu'avant la pandémie de Covid-19, premier d'une série de chocs économiques subis par les entreprises françaises.
Entre avril 2022 et mars 2023, le nombre de défaillances d'entreprises s'est établi à 45.120, soit 12% en dessous du total recensé entre avril 2018 et mars 2019.
Le cumul sur douze mois des défaillances demeure en outre "inférieur au niveau moyen enregistré sur la période 2010-2019 (59.342 défaillances)", détaille la Banque de France.
"Il y a bien une augmentation des procédures collectives", concède auprès de l'AFP Rozen Saint-Joanis, conseillère départementale à la sortie de crise (CDSC) dans l'Eure.
"C’est choquant parce qu’on avait perdu l’habitude pendant la période Covid d’avoir des entreprises en liquidation, mais on est en train de revenir à ni plus ni moins que la situation normale", ajoute cette agente des impôts, chargée comme une centaine d'autres conseillers à travers la France de guider les entreprises de son département dans le maquis des dispositifs d'aide déployés par l'Etat.
Prudence
"Je ne peux pas souscrire au fait qu’il y ait un mur de faillites", confirme Anne Ramos, CDSC de la Creuse.
Dans ce département qui compte environ 3.500 entreprises selon Mme Ramos, à peine 47 procédures collectives ont été ouvertes en 2022. Un faible total peut-être lié au fait que certaines entreprises en difficulté se tournent plus volontiers vers les chambres consulaires (CCI, CMA) que vers les conseillers départementaux pour obtenir de l'aide.
Tous les CDSC contactés par l'AFP reconnaissent néanmoins être nettement plus sollicités par les entreprises depuis le début de l'année.
"On a reçu un afflux supplémentaire" consécutif aux campagnes de communication initiées par le gouvernement pour promouvoir les différentes aides, raconte Jean-Yves Bolot, CDSC des Vosges. Les sollicitations ont été multipliées "par huit ou neuf", assure-t-il.
Après avoir souvent passé "sa journée au téléphone" ces derniers mois, Christelle Bombail (Haute-Savoie) affirme que "ça s’est un peu calmé". Mais le nombre d'appels reste "encore important, pour la simple et bonne raison que les entreprises sont en train de recevoir leur première facture énergétique au titre de 2023, avec les interrogations qui accompagnent cette réception", explique-t-elle.
Dans l'Aude, Edith Sarrazin a ainsi récemment dû voler à la rescousse d'un hôtel dont la facture d'électricité mensuelle avait bondi de 2.000 à 14.000 euros - l'équivalent de son chiffre d'affaires mensuel.
Si la France n'a pas connu de mur de faillites à ce stade, la prudence reste donc de mise.
L'assureur crédit Allianz Trade table ainsi sur des défaillances d'entreprises plus nombreuses en 2023 qu'en 2019.
"Aux entreprises +zombies+ qui avaient été secourues lors de la pandémie et qui font progressivement défaut, vont s’ajouter les entreprises qui vont pâtir du contexte actuel", estime Maxime Lemerle, responsable des études sur les défaillances chez Allianz Trade.