L'intégration en France: problème de perception ou crise systémique? l'avis des experts

La table ronde virtuelle L'Intégration en France : problème de perception ou crise systémique? s'est tenue le Lundi 30 Novembre sur la plateforme Zoom (Capture d'écran, Zoom)
La table ronde virtuelle L'Intégration en France : problème de perception ou crise systémique? s'est tenue le Lundi 30 Novembre sur la plateforme Zoom (Capture d'écran, Zoom)
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Publié le Mercredi 02 décembre 2020

L'intégration en France: problème de perception ou crise systémique? l'avis des experts

  • «Je pense que la France est un pays qui a réussi à entremêler les cultures et les civilisations. Ce qui fait la force de la France, c’est d’être un pays «arc-en-ciel»
  • «Il faut cesser de considérer l’islam comme une religion étrangère à la France»

La table ronde virtuelle L'intégration en France : problème de perception ou crise systémique? s'est tenue le lundi 30 Novembre sur la plateforme Zoom. Un événement proposé par Arab News en français en partenariat avec l'Institut du monde arabe (IMA) pour débattre des résultats de l’étude YouGov/Arabnews, qui analyse la manière dont les Arabes de France sont perçus. 

Dans son discours d’ouverture, le président de l’IMA Jack Lang a qualifié l’initiative d'«excellente». «Je ne veux pas commenter le sondage qui est relatif, comme tous les sondages, je veux juste transmettre mon sentiment intime. Je pense que la France est un pays qui a réussi à entremêler les cultures et les civilisations. Ce qui fait la force de la France, c’est d’être un pays «arc-en-ciel», comme le dirait Nelson Mandela. Aujourd’hui, on  parle de la migration des citoyens arabes, mais avant la Seconde Guerre mondiale, on parlait de l'intégration des travailleurs italiens, qui provoquaient parfois des réactions qu’on a actuellement du mal à imaginer», a noté Jack Lang. Il a aussi cité le dessinateur Riad Sattouf, qui a récemment déclaré que la France était «un chef d'œuvre». «C’est vrai», a expliqué le directeur de l’Ima, car selon lui,  la France est un pays qui a su faire de ses apports multiples une richesse, une force. «Bien sûr, il existe des discriminations envers des citoyens d’origine arabe, mais ce sont des discriminations sociales plus que culturelles. Et il faut continuer à les combattre.»

De son côté, l’ambassadeur de France en Arabie saoudite Ludovic Pouille a entamé son allocution en remerciant Arab News d’avoir organisé cette table ronde. «Nous vivons hélas des moments de grandes violences» a-t-il dit en rappelant que «le monde entier» était concerné par le terrorisme. «Au-delà de cette menace terroriste, nous sommes également témoins de campagnes de haine attisées par certains qui instrumentalisent à leur profit les réseaux sociaux victimes de la haine sur les réseaux sociaux. Nous devons combattre le terrorisme sous toutes ses formes et les idéologies radicales la haine qu’elle engendre. Il faut rappeler que la France a un profond respect pour l’islam. L’islam est la deuxième religion de France et tous les musulmans français bénéficient d’un cadre protecteur comme il y en pour toutes les confessions religieuses et nous restons vigilants contre les discours de haine et le racisme». Il a enfin rappelé que «la France ne serait pas la France sans ses musulmans.»

 

Nathalie Goulet: «la situation n’est pas bonne en France»

Nathalie Goulet, Sénatrice de l'Orne depuis 2007.
Nathalie Goulet, Sénatrice de l'Orne depuis 2007. 

Première à prendre la parole au sein du panel d’intervenants, la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet a rappelé que dans le cadre de ses fonctions, elle avait demandé en 2014 l'institution d’une Commission d’enquête sur les réseaux jihadistes.«Cela a ensuite abouti à une mission d’information sur l’islam de France, et un rapport sur la question a été voté à l’unanimité au Sénat. J’ai écouté Jack Lang, je pense qu’on ne vit pas dans le même endroit! La situation n’est pas bonne. Vous ne pouvez pas parler d’intégration à des gens nés en France et issus de l’immigration, ou alors cela signifie qu’on ne les reconnaît pas comme des citoyens. Les musulmans français sont Français à part entière, et non des Français à part». Pour Mme Goulet, il est évident qu’une «fracture» s'est créée au sein de la société.«La fracture est de plus en plus grande, car on continue de considérer que l’islam est une religion étrangère à la France.»

Dr. Ghaleb Bencheikh : «la laïcité n’est pas une valeur, mais un principe !»

Dr Ghaleb Bencheikh
Dr Ghaleb Bencheikh, résident de la Fondation de l'islam de France.

Selon le président de la Fondation de l'islam de France, le fait d’appartenir à une identité supranationale est «devenu une sorte de refuge». L’islamologue franco-algérien explique que l’idéologie majoritaire triomphe au détriment de toutes les autres minorités réunies. Il pointe également du doigt la nouvelle place occupée par les réseaux sociaux, qui offrent un auditoire à certains démagogues dont les propos impactent négativement l’opinion publique en conduisant à la stigmatisation d’une fraction de la population.«Certaines personnes parlent de laïcité républicaine. Je trouve qu’il s’agit d’un non-sens. En effet, la laïcité n’est pas une valeur, c’est un principe juridique.»

Dr. Myriam François: «le traitement des citoyens est inégalitaire» 

Dr Myriam François Journaliste / présentatrice.
Dr Myriam François Journaliste /présentatrice.

Pour Dr. Myriam François, journaliste et écrivaine qui a réalisé son doctorat sur les «Mouvements politiques islamiques au Maroc» à l’université d’Oxford, l'État français ne joue pas pleinement son rôle au sein de la société. «Nombreux groupes sont tout bonnement délaissés par l’Etat. Pourtant, en théorie, tout le monde dispose du même droit d’ascension sociale. Ma France, c’est celle du réalisateur de Ladj Ly, réalisateur du film ‘Les Misérables’»

Cette œuvre aux quatre Césars également nommée à l'Oscar du meilleur film étranger,  et qui raconte une bavure policière en Seine-Saint-Denis dépeint la réalité de la vraie France, estime Myriam François. «Cette nouvelle France qui est racontée dans le film existe ! Mais certains refusent de le voir et de l’accepter.»

D’après la chercheuse, il existe une discrimination à toutes les échelles de la société française. «Nous avons tendance à islamiser les questions sociales. Les musulmans font partie de ces groupes marginalisés, mais sont loin d'être les seuls. Aujourd’hui, il faudrait une République qui reflète toute la population française, telle qu’elle l’est aujourd’hui. Il faut militer pour donner à chacun sa place. Il n’y a pas que des hommes blancs qui doivent donner leur avis !»

Dr.Melyssa Haffaf : «les discriminations constituent le nerf du problème»

Melyssa Haffaf, directrice de programme à l'Université de Georgetown
Melyssa Haffaf, directrice de programme à l'Université de Georgetown

Pour Dr.Melyssa Haffaf, directrice de programme à l'Université de Georgetown, ce sont avant tout les discriminations sociales et économiques qui provoquent violences et réactions haineuses en France. L’experte met aussi en avant un autre problème : celui de ceux qui parlent de l'islam, notamment dans les médias. D’après les constats qu’elle a effectués, ce sont souvent des personnes non musulmanes qui s’expriment sur la place qu’occupe cette religion. Or, leur vision peut être altérée par des idéologies politiques et déformée par des stéréotypes. Il faudrait donc plus souvent donner la parole aux personnes directement concernées par cette problématique, et donner à l’islam (comme aux autres cultures minoritaires) la place qu’il mérite au sein du pays.

La place occupée par la République

Quelles que soient les opinions des interlocuteurs qui ont participé au panel, tous se sont accordés sur le fait que la République doit jouer un rôle plus important dans l’intégration des arabes en France.

Alors que Dr. Myriam Haffaf précise que «la République est une entité composée d’hommes et de femmes élus qui se doivent d’être plus honnêtes vis à vis des différentes communautés ayant façonné au fil des siècles la France aujourd’hui», la sénatrice Nathalie Goulet rappelle que «tout n’est pas parfait, mais tout n’est pas si diabolique non plus. Réaménager les espaces ‘perdus de la Républiques’ est un long processus». Elle affirme toutefois qu’il faut effectivement «plus responsabiliser les politiques, et mettre les principes républicains au cœur de l’éducation.»

Pour pallier le vide de l'État, Dr. Ghaleb Bencheikh explique que la Fondation de l'islam de France, par le biais de son université itinérante «va permettre de débattre, d’exorciser les hantises, de calmer les inquiétudes, et de parler aux citoyens.»

Pour Dr. Myriam François, l’Etat français devrait repenser son mode d’action afin de ne pas «créer des traumatismes sociaux». Elle rappelle l’épisode polémique du burkini. «Comment accepter qu’un policier aille ‘harceler’ une femme au bord de la plage parce qu’elle est habillée d’une telle manière ? On ne peut pas tolérer cela : il faut reconnaître la place de tous les citoyens.»

Au cours du débat, tous les experts se sont dits favorables à la discrimination positive. Comme l’a exprimé avec beaucoup d’éloquence Nathalie Goulet, «il faut cesser de considérer l’islam comme une religion étrangère à la France. Ceci crée un hiatus contre-productif. Le vrai changement devrait commencer par démonter cette fausse idée reçue.»

Pour conclure, Dr Haffaf rappelle que «le siècle des Lumières n’a pas uniquement existé en Europe, l’islam a lui aussi toute une histoire. Elle doit être intégrée dans l’éducation des jeunes. La diversité n'est pas une opinion, c'est un fait réel.»

 

 


France: prières et recueillement pour le pape François à Paris et Marseille

Des fidèles participent à un défilé aux flambeaux et à un service de prière après la mort du pape François, devant le sanctuaire Notre-Dame à Lourdes, dans le sud de la France, le 21 avril 2025. (AFP)
Des fidèles participent à un défilé aux flambeaux et à un service de prière après la mort du pape François, devant le sanctuaire Notre-Dame à Lourdes, dans le sud de la France, le 21 avril 2025. (AFP)
  •  De nombreux fidèles se sont à nouveau déplacés vendredi pour le pape François, lors d'une messe à Notre-Dame à Paris puis d'une veillée de prières à Notre-Dame de la Garde à Marseille dans le sud de la France
  • A Paris, le Premier ministre français François Bayrou a assisté à la messe dans la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique récemment rénové après l'incendie de 2019

PARIS: De nombreux fidèles se sont à nouveau déplacés vendredi pour le pape François, lors d'une messe à Notre-Dame à Paris puis d'une veillée de prières à Notre-Dame de la Garde à Marseille dans le sud de la France, à la veille de ses funérailles au Vatican.

A Paris, le Premier ministre français François Bayrou a assisté à la messe dans la cathédrale, chef d'oeuvre de l'art gothique récemment rénové après l'incendie de 2019.

"J'ai vu les foules de la place Saint-Pierre et du parvis (de Notre-Dame) depuis lundi. Je me réjouis beaucoup de l'attachement des catholiques, du peuple d'une façon générale, à cette personnalité qui nous a marqués et a fait bouger les lignes dans l'Eglise et dans la société", a salué Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, auprès de journalistes.

"La transformation des coeurs humains a pu s'opérer sous son aura", a poursuivi le prélat, qui a présidé la messe solennelle "d'action de grâce et pour le repos de l'âme du Saint Père" décédé lundi à Rome.

Une heure avant l'office, une queue de plusieurs centaines de mètres composée de fidèles attendait déjà de pouvoir entrer dans l'édifice.

"Les institutions françaises ont le devoir d'être présentes chaque fois qu'une partie importante du peuple français est bouleversée, touchée, est en deuil", a estimé M. Bayrou, à l'issue de cette cérémonie, estimant que le pape François "était une figure que beaucoup de Français ressentaient comme de bonté, de générosité et du côté des plus faibles et des plus fragiles".

A Marseille, une centaine de personnes ont participé à une veillée de prière à la basilique Notre-Dame de la Garde, la "Bonne mère", symbole de la deuxième ville de France, juchée sur une colline face au soleil couchant.

Le pape François s'était rendu dans cette basilique néo-byzantine aux murs recouverts d'ex-votos lors d'un déplacement à Marseille en septembre 2023. Il y avait dénoncé le sort des migrants en Méditerranée, martelant son message de secours et d'accueil.

- "Valeurs d'humanité" -

A Marseille, la veillée a débuté par une procession sur l'esplanade de la basilique, jusqu'au mémorial aux marins et migrants disparus en mer. Ce même monument devant lequel le jésuite argentin avait souhaité "prier pour les morts en mer, particulièrement les migrants", a rappelé à l'AFP le recteur de la basilique, le père Olivier Spinosa.

"Nous ne pouvons plus assister aux tragédies des naufrages provoqués par des trafics odieux et le fanatisme de l'indifférence", avait lancé le pape à cet endroit, assurant que "les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu'elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues".

"C'est un devoir d'humanité, c'est un devoir de civilisation", avait-il insisté.

"Marseille est cosmopolite, le pape aimait cela, et il avait demandé à ce que la Méditerranée ne soit pas un cimetière", s'est remémoré Robert Olivieri, 73 ans, qui avait assisté à la messe du pape dans le stade de la ville, lors de ce déplacement orchestré par l'archevêque de Marseille, le cardinal Jean-Marc Aveline.

"J'aurais aimé pouvoir aller à Rome mais ce n'est pas possible. Je me sens proche des écrits de François, sa proximité avec les pauvres et les migrants. Ça me touche beaucoup plus que Benoît XVI qui était plus un théologien", a témoigné Sandrine Gougeon, 46 ans, auprès de l'AFP. Pour elle, "le décès de François rajoute de l'incertitude, une forme d'insécurité au monde".

Les funérailles du pape François, décédé lundi à 88 ans, se déroulent samedi. Après la messe en plusieurs langues, place Saint-Pierre, son cercueil sera transporté à la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans le centre de Rome, où il sera inhumé.


Arrivée de 115 personnes évacuées de Gaza à l'aéroport de Paris-Orly

Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre. (AFP)
Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre. (AFP)
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  • Le groupe est constitué de "ressortissants français et de leurs ayants droit, de personnels de l'Institut français de Gaza et leurs familles, de personnalités palestiniennes proches de notre pays"
  • La semaine dernière, 59 personnes étaient déjà arrivées en région parisienne, selon la même source

ORLY: Un groupe de 115 personnes évacuées de la bande de Gaza, à l'initiative de la France, est arrivé à l'aéroport de Paris-Orly vendredi, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le groupe est constitué de "ressortissants français et de leurs ayants droit, de personnels de l'Institut français de Gaza et leurs familles, de personnalités palestiniennes proches de notre pays", a détaillé une source diplomatique, précisant que cette arrivée depuis Gaza est la plus importante depuis le début de la guerre lancée en représailles à l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

La semaine dernière, 59 personnes étaient déjà arrivées en région parisienne, selon la même source.

Les familles déjà présentes en France ont attendu en fin de matinée l'arrivée de leurs proches dans une ambiance joyeuse, ont constaté les journalistes de l'AFP.

Parmi les nouveaux arrivés, il y a "des étudiants, boursiers du gouvernement français, qui ont leur bourse depuis 15 ou 18 mois à peu près, mais qui n'avaient pas encore pu venir effectuer leurs études en France", ainsi que des "chercheurs et artistes", venus "pour la plupart avec leur famille", selon Annick Suzor-Weiner, professeure émérite à l'université Paris-Saclay, vice-présidente du réseau Migrants dans l'enseignement supérieur.

Selon une source diplomatique, "500 personnes" ont été évacuées par la France depuis l'attaque du 7 octobre.

Rompant une trêve de près de deux mois dans la guerre déclenchée il y a plus d'un an et demi, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne puis terrestre dans la bande de Gaza et au moins 1.978 Palestiniens ont été tués depuis, selon les chiffres publiés jeudi par le ministère de la Santé du Hamas.

Ce bilan porte à 51.355 le nombre de morts dans la bande de Gaza, selon la même source, depuis le début de la guerre.

Cette attaque sans précédent a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.


Accusé de complicité de crimes de guerre en Syrie, un ex-rebelle salafiste jugé à partir de mardi à Paris

Des automobilistes passent devant un grand panneau représentant le nouveau drapeau syrien, datant à l'origine de la période d'indépendance et utilisé par les rebelles contre le gouvernement dirigé par Assad, avec un slogan en arabe indiquant « La Syrie pour tous », dans la ville de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie, le 9 mars 2025. (AFP)
Des automobilistes passent devant un grand panneau représentant le nouveau drapeau syrien, datant à l'origine de la période d'indépendance et utilisé par les rebelles contre le gouvernement dirigé par Assad, avec un slogan en arabe indiquant « La Syrie pour tous », dans la ville de Lattaquié, à l'ouest de la Syrie, le 9 mars 2025. (AFP)
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  • Pour les avocats de l'accusé, Romain Ruiz et Raphaël Kempf, la chute en décembre 2024 du régime de Bachar al-Assad ouvre de nouvelles perspectives et pose la "question de la légitimité" de ce procès
  • Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013

PARIS: Un an après avoir condamné par défaut trois hauts responsables du régime syrien de Bachar al-Assad à la perpétuité, la justice française juge à partir de mardi un ex-rebelle salafiste syrien pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 dans son pays.

Placé en détention provisoire depuis janvier 2020, Majdi Nema, ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien.

Agé de 36 ans, il sera jugé, en vertu de la compétence universelle de la justice française, pour complicité de crimes de guerre et pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes de guerre. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents dans les rangs des "Lionceaux de l'islam" et à les former à l'action armée.

Pour ces faits, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

"Ce dossier sera l'occasion de mettre en lumière toute la complexité du conflit syrien qui ne se limitait pas aux crimes du régime", estime Marc Bailly, avocat de la Fédération internationale des droits humains et de plusieurs parties civiles aux côtés de Me Clémence Bectarte.

Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013. Ce groupe avait pris dès 2011 le contrôle de la Ghouta orientale, au nord-est de Damas.

Proche du chef du mouvement, l'accusé avait pris comme nom de guerre Islam Alloush.

Etudiant en France 

Aux enquêteurs, il a affirmé avoir quitté la Ghouta orientale fin mai 2013 pour rejoindre la Turquie, d'où il agissait comme porte-parole de JAI, ce qui prouverait qu'il n'a pu commettre les crimes reprochés. Il dit avoir quitté le groupe en 2016.

En novembre 2019, il était arrivé en France pour suivre comme étudiant un cycle de conférences à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l'université Aix-Marseille (sud-est).

Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI quelques mois auparavant, il avait été interpellé en janvier 2020 et inculpé par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.

Au terme de la procédure, il avait aussi été renvoyé devant les assises pour complicité de disparitions forcées. Il était mis en cause, en tant que membre de JAI, dans l'enlèvement le 9 décembre 2013 de quatre militants des droits humains, dont l'avocate et journaliste syrienne Razan Zeitouneh, jamais retrouvés.

Mais la cour d'appel de Paris a annulé ces poursuites en novembre 2023 pour des raisons procédurales, même si elle affirmait dans son arrêt que "Jaysh al-Islam doit être considéré comme responsable de la disparition" des quatre activistes. Ce qui avait été ensuite validé par la Cour de cassation, la juridiction la plus élevée de l'ordre judiciaire français.

Pendant l'instruction, la défense de Majdi Nema a contesté le principe de la compétence universelle de la justice française, qui lui permet de juger un étranger pour des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre commis à l'étranger contre des étrangers, mais la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

Légitimité du procès 

Pour les avocats de l'accusé, Romain Ruiz et Raphaël Kempf, la chute en décembre 2024 du régime de Bachar al-Assad ouvre de nouvelles perspectives et pose la "question de la légitimité" de ce procès.

"Il est incontestable qu'à travers l'organisation de ce procès, la justice française manifeste une forme de mépris envers les Syriens", désireux de juger sur leur sol leurs ressortissants, estiment-ils.

"En l'état actuel, il est impossible de faire un procès en Syrie pour ces crimes. Il n'y a pas d'autorité diplomatique, pas d'autorité judiciaire, et à ce stade pas de réelle séparation des pouvoirs", rétorque Me Bailly.

D'autant que le flou règne sur les rapports entre le groupe et les nouvelles autorités syriennes.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, JAI avait des liens avec le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Sham, dirigé par Ahmad al-Chareh, désormais président par intérim du pays. JAI pourrait agir sous d'autres noms depuis que le nouveau pouvoir a annoncé la dissolution des groupes armés et leur intégration dans la nouvelle armée.

Le procès est prévu jusqu'au 27 mai devant la cour d'assises de Paris.