Déchets toxiques: à Stocamine, la concertation enterrée

Eric Pupka, employé de Stocamine, montre la ligne d'évacuation des gaz toxiques dans une galerie minière du centre de stockage de déchets dangereux de Stocamine à Wittelsheim, dans l'est de la France, le 13 juillet 2021. (AFP)
Eric Pupka, employé de Stocamine, montre la ligne d'évacuation des gaz toxiques dans une galerie minière du centre de stockage de déchets dangereux de Stocamine à Wittelsheim, dans l'est de la France, le 13 juillet 2021. (AFP)
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Publié le Dimanche 02 avril 2023

Déchets toxiques: à Stocamine, la concertation enterrée

  • A chaque fois, les avis du public ont été majoritairement favorables au déstockage
  • A chaque fois, l’État a pris la décision de confiner les déchets, en acceptant seulement de retirer la majorité du mercure, dont il reste encore plus d'une tonne au fond

STRASBOURG: Faut-il confiner définitivement 42 000 tonnes de déchets toxiques dans l'ancienne mine de Wittelsheim (Haut-Rhin), au risque de polluer un jour la plus grande nappe phréatique d'Europe? L’État lance mardi une nouvelle concertation jugée illusoire par certains acteurs locaux, face à une décision déjà prise.

L'affichette a été placardée dans les mairies de Wittelsheim et des alentours: jusqu'au 10 mai, les citoyens sont invités à donner leur avis sur le projet de couler du béton dans les galeries pour empêcher définitivement l'accès aux déchets (arsenic, amiante, cyanure, plomb...) situés sous la nappe phréatique d'Alsace. Initialement, le stockage des déchets, présenté comme "réversible", ne devait pas se prolonger après 2027.

Porté par la société Mines de potasse d'Alsace (MDPA), dont l’État est l'unique actionnaire depuis 2005, le projet a déjà fait l'objet d'autres concertations: une première en 2010-2011 menée par les MDPA, une deuxième en 2013-2014 sous l'égide de la Commission nationale du débat public, et la dernière organisée par la préfecture du Haut-Rhin en 2016.

A chaque fois, les avis du public ont été majoritairement favorables au déstockage. A chaque fois, sur la base d'études scientifiques, l’État a pris la décision de confiner les déchets, en acceptant seulement de retirer la majorité du mercure, dont il reste encore plus d'une tonne au fond.

"Les concertations publiques ont semble-t-il été marquées par une difficulté de dialogue et d'écoute", souligne un rapport parlementaire de 2018.

"C'était du foutage de gueule", estime, dans un style moins nuancé, un acteur des concertations de l'époque. "Cela a servi à donner bonne conscience à une décision qui était déjà prise, mais qui ne correspond en rien aux recommandations formulées."

Stocamine: le gouvernement appelé à faire preuve de «courage politique»

Il a suivi toutes les étapes du dossier Stocamine, comme responsable associatif puis comme député du Haut-Rhin: membre de la majorité, Hubert Ott (Modem) pointe les risques de pollution de la nappe phréatique et demande au gouvernement de revoir sa décision de confiner sous terre 42.000 tonnes de déchets toxiques.

 

QUESTION: Quel est votre regard sur le dossier Stocamine ?

REPONSE: "C'est une façon de traiter les déchets qui appartient au passé, qui n'est plus +entendable+: aller cacher sous terre quelque chose qui nous dérange, c'est la politique de l'autruche. Produire des déchets, a fortiori s'ils sont dangereux, implique de s'en occuper pour que ça ne se transforme pas en bombe à retardement.

Stocamine, c'est des déchets en profondeur, à 400 mètres sous la nappe phréatique. Toutes les études disent que le confinement peut être une solution, si on veut les lire ainsi, mais elle disent aussi que l'ennoyage est inéluctable, que l'eau va se mélanger aux substances entreposées, même si on ne peut pas définir quand exactement.

Il y a une diversité de toxiques entreposés, dont on ne connaît pas l'inventaire complet, et dont l'effet cocktail est encore moins connu. Par ailleurs, c'est une zone sismique, le sous-sol bouge régulièrement, ça a encore été le cas il y a dix jours.

Personne ne peut dire, en toute honnêteté intellectuelle, qu'il n'y aura pas de pollution de la nappe".

 

Q: A partir de ce constat, quelle décision politique attendez-vous ?

R: "Cette pollution future peut être évitée. Jusqu'ici il y a eu une démission générale de l'Etat devant son obligation d'agir. Pourtant en Alsace, une écrasante majorité de responsables politiques jugent inacceptable de tout laisser au fond.

Mais l'Etat peut faire de ce dossier un symbole de la restauration de sa crédibilité, et de la parole politique. Notre devoir, avec le temps qu'il nous reste et dans les conditions présentes, est de faire le possible pour sortir tous les déchets qui peuvent l'être. C'est une question d'éthique.

Le problème aujourd'hui, c'est que ce sont davantage les haut-fonctionnaires ou les experts qui décident que les ministres. Les ministres se succèdent, on leur met dans la tête qu'il y a un risque technique à sortir les déchets, ils ont peur d'aller à l'encontre des experts, ils ne veulent pas assumer des risques, ils sortent immédiatement le parapluie. Mais le courage politique, ça devrait exister".

 

Q: Mais vous proposez de sortir les déchets sans prendre en compte les risques miniers ?

R: "Non, certaines solutions n'ont pas été sérieusement envisagées. Nous sommes quand même le pays qui a été sollicité par le Japon pour gérer certaines conséquences de la catastrophe de Fukushima, avec la robotique française. Et cette solution de la robotique, nous ne l'utilisons pas pour un dossier bien moins risqué, bien moins problématique.

C'est sûr que ça va faire des sommes, ce n'est pas gratuit tout ça. Mais c'est à mettre en perspective avec la volonté de l'Etat, réelle ou non, de développement durable et de préservation des ressources vitales.

Aujourd'hui, il y a un discours sur l'écologie, mais qui ne se traduit pas par des actes à Stocamine. On ne peut pas considérer comme responsable une solution de confinement des déchets, et encore moins quand on oublie une variable qui est l'instabilité du sous-sol.

Quand il y aura un séisme de magnitude 6 ou 7, la situation sera complètement remaniée géologiquement. Qu'est-ce qui va advenir alors ? Il y aura un danger majeur sur l'alimentation en eau. Quand on prend conscience de ce risque, il n'y a qu'une seule décision responsable à prendre".

Autorisation annulée 

A l'issue des concertations, l’État avait autorisé la prolongation du stockage, et donc le confinement des déchets, pour une "durée illimitée". Mais l'autorisation, contestée par le Conseil départemental et des associations locales, a été jugée contraire au code de l'environnement et annulée par la justice en 2021.

Confortés par les juges, les élus du territoire attendaient un changement de politique. Le gouvernement a préféré maintenir sa position et modifier le code de l'environnement par un décret signé par la ministre de l'Environnement, Barbara Pompili, entre les deux tours de l'élection présidentielle 2022.

Pour concrétiser son choix, l’État lance donc une nouvelle enquête publique sur le stockage "illimité" des déchets, en vue d'une nouvelle autorisation dans les mois qui viennent.

"L'enquête publique est une procédure complètement décalée face à la crise environnementale que nous vivons, mais pour l'administration, ça reste un outil incroyablement efficace", analyse l'historien Frédéric Graber, chercheur au CNRS. "C'est une manière de neutraliser toute opposition, tout en légitimant un projet. Cela permet de dire que les citoyens ont consenti à l'action, même s'ils protestent."

"L'espoir que cette nouvelle concertation puisse servir à quelque chose est très faible", abonde Philippe Aullen, porte-parole du collectif Destocamine rassemblant les associations opposées au projet.

"Politiquement, j'ai des craintes sur l'aspect démocratique, sur la véritable prise en compte de nos avis. Les dés sont pipés", poursuit-il. Il invite cependant "un maximum de personnes" à participer: "même si l'espoir est mince, c'est important de s'exprimer".

Site internet dédié 

Pour permettre une information de qualité, la société MDPA a produit une synthèse des études scientifiques évoquant les différents scénarios envisagés par le passé, et doit mettre en ligne un site internet dédié.

Néanmoins, bien que la participation du public à "l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement" soit une notion à valeur constitutionnelle, aucune réunion d'information n'a été prévue pour permettre aux habitants de poser leurs questions sur les éléments techniques du dossier, notamment les risques de pollution de la nappe phréatique ou la faisabilité du retrait des déchets.

Sollicitée pour savoir sur quels aspects l'enquête publique pourrait faire évoluer le projet, la préfecture du Haut-Rhin a refusé tout entretien.

L'issue des débats ne fait guerre de doute. Le confinement définitif des déchets sans déstockage complémentaire a été décidé par Barbara Pompili en janvier 2021. "Le confinement est inéluctable. Il n'y a pas d'alternative", a encore soutenu son successeur Christophe Béchu, en janvier à l'Assemblée nationale.


En Nouvelle-Calédonie, situation «plus calme» mais vie quotidienne difficile

Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
Des personnes font la queue pour acheter des provisions dans un supermarché alors que des articles carbonisés précédemment incendiés sont visibles à la suite des troubles de la nuit dans le quartier de Magenta à Nouméa, territoire français de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique, le 18 mai 2024. (Photo Delphine Mayeur AFP)
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  • Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation
  • Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel

NOUMÉA, France : La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile samedi, malgré une situation «plus calme» sur la majeure partie de l'archipel français du Pacifique Sud, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts supplémentaires, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises pour reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Le danger subsiste par ailleurs dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route en heurtant une épave de voiture, selon le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a aussi recensé 3.200 personnes bloquées en raison de l'absence de vols commerciaux au départ de et vers l'archipel.

Les autorités françaises espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.

Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanaks, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok - réseau social prisé des émeutiers -, et déployé des militaires.

- Strict minimum -

Devant les rares magasins de Nouméa qui n'ont pas été ravagés par les flammes ou pillés, les files d'attente restaient très longues samedi.

«Cela fait plus de trois heures qu'on est là», soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.

Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.

Le représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité» et un «pont aérien» entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.

Face à la «gravité» de la situation et afin «de répondre aux besoins sanitaires de la population», l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.

- «Grande fermeté» -

A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les «criminels» arrêtés sur le «Caillou» en métropole «pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles».

Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur «les commanditaires» des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT (Cellule de coordination des action de terrain), frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.

«J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires», parmi lesquels «certains membres de la CCAT», a déclaré le procureur Yves Dupas, pointant «ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié la CCAT d'organisation «mafieuse».

Vendredi, ce collectif a demandé «un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation «n'a pas appelé à la violence», attribuant ces émeutes à une «population majoritairement kanak marginalisée».

Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président français Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais son service de communication a refusé d'en dire plus.

Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.

Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan «d'ingérences» en Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique pour la France qui veut renforcer son influence en Asie Pacifique et de part ses riches ressources en nickel.

Paris a évoqué une «propagation massive et coordonnée» de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.

 

 


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.