PARIS: Seul un traité audacieux et ambitieux des Nations unies, prévoyant des réformes radicales de l'ensemble du cycle de vie des plastiques, peut permettre à la planète d'endiguer la crise mondiale des déchets, ont estimé des experts lundi.
Même si les mesures considérées comme les plus susceptibles de réduire la consommation de plastique dans le monde sont mises en œuvre, elles ne parviendront pas à empêcher une augmentation substantielle de la production et de l'utilisation de plastique, avertit un rapport de Economist Impact, du groupe The Economist, et de la Fondation Nippon, une organisation philanthropique privée, publié lundi.
Il y a un an à Nairboi (Kenya), 175 pays ont convenu de mettre fin à la pollution plastique dans le monde en élaborant d'ici fin 2024 un traité juridiquement contraignant sous l'égide des Nations unies. La prochaine session de négociation sur le sujet est prévue en mai à Paris.
Parmi les mesures clés en cours de négociation figurent une interdiction mondiale des articles en plastique à usage unique, la mise en place d'un système de "pollueur-payeur" et une taxe sur la production du plastique neuf.
Mais même avec un tel arsenal de mesures, il est fort possible que le traité "soit trop faible pour infléchir la courbe de consommation vers le bas", soulignent les auteurs dans un communiqué.
Trois approches
Si les tendances actuelles se maintiennent, l'utilisation de plastique va presque doubler par rapport à 2019 dans les pays du G20 d'ici 2050, pour atteindre 451 millions de tonnes par an, selon le rapport.
Après-guerre, en 1950, il n'y avait que deux millions de tonnes de plastique produites sur la planète.
"L'étude souligne le niveau d'ambition et le sentiment d'urgence nécessaires à la table des négociations", a déclaré à l'AFP l'économiste Gillian Parker, coauteur du rapport, basée à Singapour.
Le rapport modélise trois approches politiques - toutes en discussion sous l'égide de l'ONU - qui couvrent l'ensemble du cycle de vie du plastique, de la production à son élimination.
Une interdiction mondiale des plastiques à usage unique inutiles, notamment les sachets et les cotons-tiges, ne ralentirait la croissance de la consommation de plastique que de 14% d'ici à 2050, selon l'étude.
Les filières dites REP (à responsabilité élargie des producteurs), qui font peser la responsabilité de la collecte des déchets finaux et du recyclage sur les industriels émetteurs du plastique, permettraient à peine de freiner l'augmentation prévue de la consommation, en la faisant passer de 451 à 433 millions de tonnes.
Et même une taxe sur la résine de plastique vierge ne réduirait que de 10% la projection de consommation jusqu'en 2050.
La mise en oeuvre combinée de ces trois mesures permettrait de fait encore à la consommation mondiale de plastique d'augmenter d'un quart, résument les experts.
Un problème «soluble»
Ces mesures insuffisantes se heurtent de plus à des freins substantiels: producteurs, détaillants, organismes industriels ou associations de consommateurs sont susceptibles de s'y opposer.
"L'industrie a été très claire en disant qu'elle ne pense pas que les taxes soient productives", souligne Mme Parker. Les industries de la chimie et la plasturgie sont encore moins enthousiastes à l'idée de réduire leur production.
Le recyclage, selon le rapport, n'a pas répondu aux attentes, même s'il reste une partie de la solution. C'est comme "fermer la porte après que les chevaux se sont enfuis", relève Mme Parker.
Il est plus efficace d'intervenir au début du cycle de la filière plastique qu'à la fin, lorsque nous jetons tout, suggère-t-elle.
Mais de nombreux pays ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour gérer l'ampleur des déchets plastiques générés et il reste moins coûteux de produire du plastique vierge que de le recycler.
Mme Parker et son équipe restent toutefois optimistes. "Ce n'est pas un problème insoluble", déclare-t-elle à l'AFP.
Avec des interventions contraignantes et applicables et des incitations économiques, la pollution plastique est un problème "soluble", selon elle.