Attentat de la rue Copernic: 4 morts, 46 blessés et des témoins «marqués à vie»

Cette photo d'archive prise le 4 octobre 1980 montre les dégâts après l'explosion d'une bombe à la synagogue de la rue Copernic à Paris. (Photo Jean-Claude Delmas / AFP)
Cette photo d'archive prise le 4 octobre 1980 montre les dégâts après l'explosion d'une bombe à la synagogue de la rue Copernic à Paris. (Photo Jean-Claude Delmas / AFP)
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Publié le Dimanche 02 avril 2023

Attentat de la rue Copernic: 4 morts, 46 blessés et des témoins «marqués à vie»

  • Le 3 octobre 1980 à 18H35, le rabbin Michael Williams est en plein milieu de l'office quand la verrière au-dessus de sa tête s'écroule
  • Le carnage a fait quatre morts - un étudiant qui passait à moto, le chauffeur d'une fidèle de la synagogue, une journaliste israélienne de passage à Paris, un gardien d'immeuble voisin - et une quarantaine de blessés

PARIS : «Marqués à vie» par l'explosion d'une bombe près de la synagogue de la rue Copernic à Paris, des témoins et victimes de cet attentat antisémite espèrent avoir, avec le procès d'un unique accusé qui s'ouvre lundi, «le fin mot de l'histoire», 43 ans après.

Ce vendredi 3 octobre 1980, soir de shabbat, 320 fidèles sont rassemblés au 24 rue Copernic (XVIe arrondissement), siège de l'Union libérale israélite de France.

Il est 18H35, le rabbin Michael Williams est en plein milieu de l'office quand la verrière au-dessus de sa tête s'écroule. «J'ai pensé qu'il pleuvait dans la synagogue», se remémore le Britannique. «Et puis un instant plus tard j'ai vu que ce n'était pas la pluie, mais une bombe».

Dix kilos de pentrite posés sur une moto garée à l'extérieur viennent d'exploser.

C'est «une déflagration immense, je l'ai encore dans ma mémoire auditive», raconte Corinne Adler, sage-femme de 56 ans. Alors âgée de 13 ans, elle célèbre sa bat-mitzvah comme quatre autres adolescents. Ses grands-parents, rescapés de la Shoah, sont venus d'Israël.

«Notre première réaction a été de continuer l'office», explique le rabbin Williams, aujourd'hui à la retraite. Mais dans l'assistance, c'est la «panique», tout le monde veut sortir, complète Corinne Adler.

La rue est «une vision de guerre, d'apocalypse»: des flammes, des voitures en feu, d'autres retournées, des corps sans vie, ensanglantés ou sous les décombres, se souviennent des témoins rencontrés par l'AFP.

Le carnage fait quatre morts - un étudiant qui passait à moto, le chauffeur d'une fidèle de la synagogue, une journaliste israélienne de passage à Paris, un gardien d'immeuble voisin - et une quarantaine de blessés.

- «Electrocution» -

«C'est l'horreur, cela marque à vie», atteste Gérald Barbier, 28 ans à l'époque. Ce soir-là, il est avec son frère cadet et ses parents dans le magasin d'électro-ménager de ces derniers, avec quatre clients.

La moto chargée d'explosifs était garée devant la vitrine, le commerce est pulvérisé.

Gérald Barbier garde en mémoire «la sensation d'électrocution, le corps qui tremble», et «le silence total» qui a suivi l'explosion. Il s'en sort avec quelques «coupures superficielles». Sa mère, dos à la vitrine et «criblée de morceaux de verre», restera huit jours entre la vie et la mort.

Des riverains au-dessus ont leur porte blindée soufflée. Un couple et leurs enfants se retrouvent propulsés du premier étage sur la voie publique.

Au lendemain de ce premier attentat visant la communauté juive depuis la Libération, des milliers de personnes se rassemblent spontanément devant la synagogue. «Une grande foule et une grande récupération politique», grince Michael Williams.

faits marquants Les attentats mortels contre la communauté juive en France

Outre l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic en 1980 à Paris dont le procès s'ouvre lundi, la communauté juive en France a été la cible de trois attentats après la Seconde Guerre mondiale.

- Un commando rue des Rosiers en 1982 -

Le 9 août 1982 à 13H15, un commando de trois à cinq hommes lance une grenade en direction du restaurant Jo Goldenberg, rue des Rosiers à Paris. Il mitraille ensuite l'intérieur de l'établissement ainsi que des passants de ce quartier juif historique du Marais. Cette attaque qui aura duré trois minutes fait six morts et vingt-deux blessés.

Le président François Mitterrand interrompt ses vacances dans le Sud-Ouest et assiste le soir même du drame à un office organisé dans la synagogue de la rue Pavée, toute proche de la rue des Rosiers. Le restaurant baptisé du nom de son propriétaire, Jo Goldenberg, lieu emblématique de la vie communautaire juive parisienne, devient un symbole du terrorisme antisémite international.

L'attentat est attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR) d'Abou Nidal, groupe palestinien dissident de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le seul suspect aux mains de la justice française, un Palestinien naturalisé Norvégien de 63 ans, Walid Abdulrahman Abou Zayed, extradé en décembre 2020 par la Norvège, clame toujours son innocence.

Les juges pensent avoir identifié trois autres suspects, deux localisés en Jordanie, dont le cerveau présumé de l'attentat, et un troisième en Cisjordanie. La Jordanie a refusé à plusieurs reprises leur extradition.

- Attaque dans une école juive de Toulouse en 2012 -

Le 19 mars 2012, un homme casqué à scooter tue, devant l'école juive Ozar Hatorah à Toulouse, un professeur de religion et trois enfants âgés de 3, 6 et 8 ans. L'homme avait démarré son périple meurtrier une semaine plus tôt en tuant trois militaires, à Toulouse puis Montauban.

Le président Nicolas Sarkozy se rend sur les lieux du drame et les principaux candidats suspendent leur campagne en vue de l'élection présidentielle. Plusieurs centaines d'enquêteurs sont mobilisés pour identifier l'auteur de la série d'attaques.

Deux jours plus tard, les policiers du RAID cernent l'appartement de Mohamed Merah, 23 ans, un Français d'origine algérienne se revendiquant d'Al-Qaïda. Il est tué après 32 heures de siège.

En 2019, son frère Abdelkader Merah est condamné en appel à trente ans de réclusion criminelle pour complicité des sept assassinats. Son pourvoi en cassation est rejeté en 2020.

- Prise d'otage dans un supermarché casher en 2015 -

Le 9 janvier 2015, Amedy Coulibaly entre, arme à la main, dans le magasin juif Hyper Cacher de la porte de Vincennes, dans l'est de Paris. Il prend en otage les clients et employés du supermarché pendant plusieurs heures avant le shabbat et tue quatre d'entre eux, tous juifs.

Proche des frères Kouachi, auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier (12 morts), Amedy Coulibaly est tué dans l'assaut des forces de l'ordre. Se revendiquant du groupe Etat islamique (EI), le délinquant de 32 ans, qui a rencontré Chérif Kouachi en prison, avait déclaré s'être "synchronisé" avec les tueurs de Charlie Hebdo et vouloir cibler "des juifs".

La veille, il avait tué une policière municipale à Montrouge, au sud de Paris.

Treize personnes ont été condamnées à des peines allant de quatre ans d'emprisonnement à la perpétuité pour leur rôle dans les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher. L'un d'entre eux, Ali Riza Polat, attend l'arrêt de la Cour de cassation.

Dans le cortège de manifestants gagnant les Champs-Elysées, les déclarations la veille du Premier ministre alimentent la colère. Raymond Barre avait dit son «indignation» face à «cet attentat odieux qui voulait frapper des israélites qui se rendaient à la synagogue, et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic».

Alors que la police creuse sans succès la piste de l'extrême droite, Corinne Adler et Gérald Barbier reprennent le cours de leur vie, sans aucun suivi psychologique à l'époque, sur les bancs du collège pour la première et dans le magasin d'électro-ménager sous des «monceaux de détritus» pour le second.

- «Vide juridique» -

Gérald Barbier, qui a repris le commerce de ses parents rue Copernic, devenu un magasin de luminaires, a bataillé des années avec son association pour obtenir un dédommagement et tenter de combler un «vide juridique». L'Etat acceptera de les indemniser mais comme «des victimes de manifestations», aucune procédure n'existant pour celles d'attentats.

Le fonds d'indemnisation des victimes de terrorisme verra le jour en 1986.

Pendant trente ans, Corinne Adler ne parlera quasiment jamais de l'attentat. En 2010, elle découvre qu'il y a une enquête, qu'un suspect (Hassan Diab, un universitaire libano-canadien) a été identifié, et commence à «accepter de faire partie des victimes». Elle a été visée par cette bombe «posée dans l'idée de tuer le maximum de Juifs» mais qui a explosé «une demi-heure trop tôt», avant la sortie des fidèles.

Partie civile au procès, elle en attend «une résolution de ces pointillés qui restent en suspens» depuis près de 43 ans. Malgré «une petite appréhension», Corinne Adler «trouve important» d'y participer, «de montrer que ce n'est pas un événement anodin, ni oublié».

Ce procès est «un devoir vis-à-vis des blessés, des morts. Ce n'est pas se venger de vouloir mettre au clair cet événement», assure Michael Williams, qui sera entendu comme témoin.

«Allons jusqu'au bout et si la justice s'est trompée, qu'on le sache», avance Gérald Barbier, qui «espère avoir le fin mot de l'histoire».


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.