Captagone: Les sanctions américaines et britanniques, reflet d'une inquiétude internationale croissante

Des quantités considérables de Captagon sont saisies, y compris en Arabie saoudite. (AFP)
Des quantités considérables de Captagon sont saisies, y compris en Arabie saoudite. (AFP)
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Publié le Vendredi 31 mars 2023

Captagone: Les sanctions américaines et britanniques, reflet d'une inquiétude internationale croissante

  • Dans un dossier Deep Dive publié en février, Arab News explore la face cachée de l’industrie du Captagon
  • L’une des saisies récentes les plus importantes a eu lieu en octobre lorsque près de quatre millions de pilules ont été découvertes dans une cargaison de poivrons à Riyad

LONDRES: Les sanctions récemment imposées par les autorités américaines et britanniques à deux cousins du président Bachar al-Assad et à plusieurs personnalités syriennes et libanaises reflètent une inquiétude internationale croissante au sujet de leur rôle dans la fabrication et le trafic de Captagon, dont la valeur est estimée à 57 milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro) pour le régime syrien.

Le Captagon est une amphétamine qui entraîne une très forte addiction. Elle est utilisée dans l’ensemble du Moyen-Orient et 80% de son approvisionnement mondial est produit en Syrie. Des expéditions contenant des drogues qui s’élèvent à plusieurs milliards de dollars quittent régulièrement les bastions du régime, comme le port de Lattaquié.

Dans un dossier Deep Dive publié en février, Arab News explore la face cachée de l’industrie du Captagon, s’adressant à d’anciens toxicomanes, aux dealers, aux trafiquants, aux professionnels de la santé et aux agents des frontières impliqués dans la lutte contre le commerce illicite.

«Les membres de la famille et les associés du président syrien, Bachar al-Assad, comptent sur le trafic de drogue pour financer l’oppression violente de son régime et la commission d’abus contre le peuple syrien», a affirmé mardi Vedant Patel, porte-parole adjoint du département d’État.

«Les personnes et les entités désignées aujourd’hui ont permis au régime syrien de poursuivre ses abus contre le peuple syrien en lui fournissant des fonds qui proviennent du commerce de drogues illicites.»

«Le trafic de Captagon par le régime d’Al-Assad, le Hezbollah et leurs affiliés constitue une menace importante pour la stabilité, la santé publique et l’État de droit dans la région.»

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Utilisé dans l’ensemble du Moyen-Orient, le Captagon est une amphétamine qui entraîne une très forte addiction. (AFP)

Le commerce de cette drogue constitue un apport financier vital pour le régime d’Al-Assad pendant ces douze années de guerre civile, de sanctions et d’isolement diplomatique. Selon les autorités britanniques, ce marché vaut environ trois fois le commerce combiné des cartels mexicains de la cocaïne.

Le régime d’Al-Assad, la milice libanaise du Hezbollah et d’autres groupes soutenus par l’Iran dans la région sont tous connus pour faciliter le commerce de Captagon. Ils alimentent ainsi l’instabilité régionale tout en créant une crise de dépendance croissante.

Le 28 mars, les autorités américaines et britanniques ont annoncé de nouvelles sanctions contre deux des cousins d’Al-Assad, Samer Kamal al-Assad et Wassem Badi al-Assad, pour leur rôle dans le trafic de drogue.

Selon le Trésor américain, Samer Kamal Assad est le propriétaire d’une usine située dans la ville côtière de Lattaquié qui a produit 84 millions de pilules de Captagon pour la seule année 2020.

«La Syrie est devenue un leader mondial dans la production de Captagon, qui crée une forte dépendance et dont une grande partie passe par le Liban», déclare Andrea Gacki, haut responsable du Trésor chargé des sanctions, dans un communiqué.

«Avec nos alliés, nous tiendrons pour responsables ceux qui soutiennent le régime de Bachar al-Assad avec les revenus illicites de la drogue et d’autres moyens financiers qui permettent au régime de continuer à réprimer le peuple syrien.»

La liste comprend de hauts fonctionnaires du régime qui facilitent le commerce, aidant les fabricants de la drogue et les principaux associés du Hezbollah responsables de son trafic à travers le Moyen-Orient.

Parmi les autres personnes visées par les sanctions figurent Nouh Zaitar, le baron de la drogue le plus célèbre du Liban, qui est actuellement recherché par les autorités, et Hassan Dekko, un narcotrafiquant libano-syrien qui entretient des relations de haut niveau dans les deux pays.

Dans le cadre de l’action du Trésor américain, les États-Unis bloqueront tous les actifs détenus par les trafiquants de drogue présumés sur leur sol et toute transaction avec eux sera considérée comme un crime. Les sanctions comprennent également un gel des avoirs et une interdiction de voyager au Royaume-Uni pour les personnes concernées.

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Les saisies de Captagon ont été attribuées au régime d’Al-Assad. Maher al-Assad, à gauche, joue un rôle clé dans la production et la contrebande de la drogue. (AFP)

«Le régime d’Al-Assad utilise les bénéfices du commerce du Captagon pour poursuivre sa campagne de terreur contre le peuple syrien», soutient lord Tariq Ahmad, ministre d’État britannique pour le Moyen-Orient, dans un communiqué.

«Le Royaume-Uni et les États-Unis continueront d’exiger des comptes au régime pour avoir brutalement réprimé le peuple syrien et alimenté l’instabilité au Moyen-Orient.»

Reconnaissables au logo distinctif des demi-lunes jumelles, qui donne à la drogue son appellation arabe d’«Abu Hilalain», les pilules sont simples à fabriquer, facilement disponibles et relativement bon marché.

Au cours des six dernières années, les autorités saoudiennes ont saisi un total de 600 millions de pilules de Captagon aux frontières du pays – davantage lors du premier trimestre de 2021 que sur l’ensemble des deux années précédentes.

Près de 120 millions de pilules ont été saisies en 2021. Pour le seul mois d’août 2022, les autorités ont intercepté un record unique de 45 millions de pilules.

L’une des saisies récentes les plus importantes a eu lieu au mois d’octobre lorsque près de quatre millions de pilules ont été découvertes dans une cargaison de poivrons à Riyad. Cette opération a entraîné l’arrestation de cinq suspects, dans la capitale ainsi qu’à Djeddah.

Avec l’interception des drogues à la frontière, la bataille contre le Captagon n’est qu’à moitié gagnée. Elle est également menée par des professionnels de la santé dans des centres de traitement dédiés à travers l’Arabie saoudite. Heureusement, les toxicomanes en Arabie saoudite ont la possibilité de saisir la bouée de sauvetage que leur tendent des organisations comme Kafa Society.

Quelques chiffres

  • 57 milliards de dollars: valeur estimée du commerce de Captagon avec le régime de Bachar al-Assad.
  • 80%: proportion de l’approvisionnement mondial en Captagon produit en Syrie.
  • 5 à 10%: quantité approximative de Captagon interceptée par les autorités du Golfe.

De nombreux jeunes se tournent vers le Captagon, une drogue qui les aide à rester éveillés pendant les périodes intenses d’études et d’examens, pour occuper des emplois qui présentent des horaires de travail longs ou pour pratiquer des activités antisociales.

Une fois que la dépendance se sera créée, certains consommateurs se tourneront vers le crime de rue pour assouvir leur accoutumance; d’autres s’orienteront vers des substances plus dures. La dépendance peut détruire les relations, les carrières et les capacités. Elle peut entraîner une arrestation, une hospitalisation et même la mort.

Il a été prouvé que le Captagon provoque de la confusion et des sautes d’humeur: anxiété, dépression extrême, impatience, irritabilité, sentiments de colère ou de rage…

Plus inquiétant encore, cette drogue confère à certains utilisateurs une indifférence à la douleur et à la peur ainsi qu’un dangereux sentiment d’invincibilité – des caractéristiques qui auraient conduit les fantassins de Daech et d’autres groupes terroristes de la région à l’adopter.

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Maher al-Assad est impliqué dans les efforts de production et de contrebande, compte tenu de son rôle de commandant de la 4e division blindée, déclare Caroline Rose à Arab News. (AFP)

En 1981, à la lumière de preuves croissantes de dépendance et d’abus généralisés et en révélant son utilisation comme médicament destiné à améliorer la performance dans des sports comme le cyclisme et le football, le Captagon a été interdit par la Food and Drug Administration des États-Unis.

En 1986, l’Organisation mondiale de la santé a enfin inscrit la fénétylline sur la liste des substances contrôlées en vertu de la Convention de 1971 sur les substances psychotropes, dont l’Arabie saoudite est signataire depuis 1975.

Depuis, le médicament n’a été produit, vendu ou prescrit légalement nulle part dans le monde. Toutefois, dans l’ombre, des gangs criminels y ont vu une occasion rentable et des versions contrefaites de Captagon ont rapidement fait leur apparition au Moyen-Orient et ailleurs.

Aujourd’hui, la grande majorité des dizaines de millions de pilules qui inondent chaque année la péninsule Arabique sont fabriquées en Syrie avec la participation active du régime d’Al-Assad.

Selon un rapport publié en avril 2022 par le New Lines Institute for Strategy and Policy, un groupe de réflexion de Washington, la Syrie, ce pays ravagé par la guerre, est devenue «le centre d’une production de dimension industrielle».

Il ajoute que «des éléments du gouvernement syrien sont les principaux moteurs du commerce du Captagon, avec une complicité au niveau ministériel dans la production et la contrebande, qui utilise ce commerce comme un moyen de survie politique et économique en dépit des sanctions internationales».

Le gouvernement «semble utiliser des structures d’alliance locales avec d’autres groupes armés, comme le Hezbollah, dans le cadre d’un soutien technique et logistique à la production et au trafic de Captagon».

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80% de l’approvisionnement mondial en Captagon est produit en Syrie. (AFP)

Caroline Rose, analyste principale chez New Lines, déclare à Arab News qu’il est certain que «le Captagon est produit et trafiqué par des individus très proches des membres du régime d’Al-Assad et certains sont même leurs cousins».

Le plus célèbre d’entre eux, affirme-t-elle, est «le frère de Bachar al-Assad, Maher, qui est impliqué dans les efforts de production et de contrebande compte tenu de son rôle de commandant de la 4e division blindée».

Cette unité militaire est associée à un large éventail d’activités en lien avec l’économie syrienne en temps de guerre, y compris la collecte de redevances auprès des commerçants et des contrebandiers dans les points de contrôle établis aux passages frontaliers internationaux sous le contrôle du régime.

Le 20 septembre 2022, le rôle du régime syrien dans le trafic de drogue a été officiellement reconnu lorsque la Chambre des représentants des États-Unis a adopté la loi H.R. 6265, la «loi Captagon [Countering Assad’s Proliferation Trafficking and Garnering of Narcotics]».

La loi exige que le gouvernement américain «développe une stratégie interagences pour perturber et démanteler la production ainsi que le trafic de stupéfiants et les réseaux affiliés au régime de Bachar al-Assad en Syrie».

S’exprimant devant la Chambre pour soutenir le projet de loi, le représentant French Hill soutient que, «en plus de commettre régulièrement des crimes de guerre contre son propre peuple, le régime d’Al-Assad en Syrie est en train de devenir un narco-État».

Le Captagon, ajoute-t-il, «a déjà atteint l’Europe et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il n’atteigne nos côtes».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Hezbollah dit recourir à de nouvelles armes dans ses attaques contre Israël

Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
Des roquettes tirées depuis le sud du Liban sont interceptées par le système de défense aérienne israélien Iron Dome au-dessus du plateau du Golan annexé par Israël, le 17 mai 2024, alors que des affrontements transfrontaliers se poursuivent entre les troupes israéliennes et les combattants du Hezbollah. (Photo Jalaa Marey AFP)
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  • Le Hezbollah, selon l'analyste militaire Khalil Helou, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars»
  • Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël

BEYROUTH, Liban : Le puissant Hezbollah libanais a eu recours ces dernières semaines à de nouvelles armes dans son conflit avec Israël, dont un drone capable de lancer des missiles avant d'exploser en attaquant ses cibles.

Depuis le début de la guerre à Gaza entre Israël et le Hamas le 7 octobre, le Hezbollah armé et financé par l'Iran affirme attaquer des objectifs militaires principalement dans le nord d'Israël à partir du sud du Liban, où il est fortement implanté, pour soutenir le mouvement islamiste palestinien.

- Drones et missiles -

Jeudi, le Hezbollah a annoncé avoir mené une attaque à l'aide d'un drone équipé de deux missiles «S5», généralement tirés depuis des avions, contre un site militaire à Metoulla dans le nord d'Israël.

Il a publié une vidéo montrant le drone volant vers un site où se trouvent des chars, avant de lancer deux missiles puis d'exploser contre sa cible.

C'est la première fois que le mouvement annonce l'utilisation d'une telle arme depuis le début des échanges de tirs transfrontaliers.

L'armée israélienne a déclaré que trois soldats avaient été blessés dans l’explosion d'un drone à Metoulla.

Selon le Hezbollah, la charge explosive du drone pèse entre 25 et 30 kilos.

L'importance de cette arme, explique à l'AFP l'analyste militaire Khalil Helou, un général de brigade à la retraite, réside dans sa capacité à lancer l'attaque depuis l'intérieur du territoire israélien.

Le Hezbollah, selon lui, est capable d'envoyer «des drones qu'il peut contrôler facilement et qui volent lentement à basse altitude sans être détectés par les radars».

- Missiles iraniens -

Mercredi, le mouvement libanais a annoncé avoir lancé des «drones d'attaque» contre une base militaire proche de Tibériade dans le nord d'Israël, à environ 30 kilomètres de la frontière avec le Liban.

C'est la première fois selon des experts qu'il cible un objectif en profondeur du territoire israélien.

Ces dernières semaines, le Hezbollah a aussi annoncé avoir utilisé simultanément dans une seule attaque contre des sites ou des convois militaires israéliens, des drones explosifs et des missiles guidés.

Il a aussi eu recours à des «missiles guidés» et à des missiles iraniens de type Burkan, Almas et Jihad Moughniyé, du nom d'un commandant du Hezbollah tué par Israël en 2015 en Syrie.

Mais, dit M. Helou, le Hezbollah continue d'utiliser en premier lieu dans ses attaques, des missiles antichars Kornet, qui ont une portée entre 5 et 8 kilomètres.

Le missile antichars russe Konkurs fait également partie de son arsenal et peut échapper au système de défense antimissiles israélien Dôme de fer.

- «Guerre d'usure» -

Le Hezbollah, qui possède un énorme arsenal, a maintes fois annoncé disposer de plusieurs armes et missiles avancés capables d'atteindre Israël en profondeur.

Le 5 avril, son secrétaire général Hassan Nasrallah avait affirmé que le mouvement n'avait «pas encore employé ses principales armes» dans la bataille.

Depuis octobre 2023, le Hezbollah et Israël testent leurs méthodes d'attaque et leurs tactiques militaires, estiment des analystes.

Mais selon M. Helou, le mouvement libanais «ne veut pas élargir le cercle de la guerre. Il s'agit d'une guerre d'usure» dans laquelle il tente de pousser l'armée israélienne à mobiliser davantage de soldats à sa frontière nord et de la dissuader de «lancer une attaque d'envergure au Liban».

 


Israël: tiraillements au sommet de l'Etat sur fond de «bataille décisive» à Rafah

Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 7 mai 2024 montre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avec des soldats près d'un obusier d'artillerie automoteur lors d'une visite à une position le long de la frontière avec la bande de Gaza près de Rafah. (Photo de l'armée israélienne / AFP)
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  • La bataille de Rafah à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique»
  • Faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu, avertissent les experts

JÉRUSALEM : Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la «bataille décisive» pour anéantir le mouvement palestinien Hamas.

En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.

Mais, la bataille à peine lancée, le ministre de la Défense Yoav Gallant a le 15 mai pressé Benjamin Netanyahu de préparer l'après-Hamas, soulignant que «la fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique», s'opposant publiquement au Premier ministre qui peu avant avait écarté «toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza» avant que «le Hamas soit anéanti».

«Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement», a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahu de déclarer que ce ne sera pas le cas.

Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des Finances Bezalel Smotrich et de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême-droite, acteurs-clé de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de Gallant.

- «Prix à payer» -

«Avec les critiques de Gallant (...) des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien», estime sur X Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.

Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu.

«Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer», indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).

«Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout», abonde Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahu d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé fin mars qu'une «Autorité palestinienne redynamisée» pouvait jouer un rôle pour «créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza», territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.

Une idée balayée par M. Netanyahu, pour qui l'Autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de «soutenir» et «financer le terrorisme», n'est «certainement pas» une option pour diriger la bande de Gaza.

Pour Yoav Gallant, «le +jour d'après le Hamas+ n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux».

«C'est, par dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël» car «l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire» d'Israël ces prochaines années et «le prix à payer serait un bain de sang (...) ainsi qu'un lourd coût économique», a-t-il estimé.

- Combats «acharnés» -

La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1.170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Et alors qu'Israël dit avoir entamé la «bataille décisive» de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire.

L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir «achevé le démantèlement de la structure militaire» du Hamas dans le nord. Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats «peut-être les plus acharnées» dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre.

Un signe que «l'anéantissement» du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche. Quant aux espoirs caressés d'une trêve négociée au Caire avec le Hamas, ils se sont évanouis avec le début des opérations dans Rafah.

L'accord de trêve «est dans une impasse totale» et «Israël fait semblant qu'il y a des progrès», explique Mme Zonszein. Les tiraillements au sommet de l'Etat, «plus les désaccords avec les Etats-Unis et le refus de l'Egypte de laisser passer de l'aide» depuis l'offensive israélienne à Rafah, «tout cela commence à faire beaucoup», ajoute-t-elle.

 


Des enfants parmi les victimes alors que les forces israéliennes intensifient leurs attaques contre le Hezbollah

Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des soldats de l'armée libanaise et des badauds se rassemblent autour de la carcasse d'une voiture touchée par une frappe israélienne, qui aurait tué un responsable local du Hamas, à Majd al-Jabal dans la vallée de la Bekaa au Liban, le 17 mai 2024. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
Des volutes de fumée s'élèvent lors du bombardement israélien du village libanais d'Al-Najjariyeh, dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël. (AFP)
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  • Le Sud-Liban est confronté à une « escalade de la violence », déclare un vétéran de l'armée à Arab News
  • L'ambassade des Etats-Unis se joint aux appels à élire un nouveau président libanais pour « unir la nation »

BEYROUTH : Deux enfants d'une famille de réfugiés syriens ainsi qu’un combattant du Hezbollah ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes ayant touché une zone située à plus de 30 km à l'intérieur de la frontière sud du Liban.

Les frappes israéliennes ont ciblé les villages de Najjariyeh et Addousiyeh, tous deux situés au sud de la ville côtière de Saïda, tuant des enfants et un combattant du Hezbollah qui conduisait un camion pick-up au moment de la frappe.

En riposte à ces raids, le Hezbollah a lancé des dizaines de roquettes en direction de la Haute Galilée, la Galilée occidentale, du bassin de la Galilée et du Golan.

Les médias israéliens ont rapporté que 140 roquettes avaient été tirées vers le nord du pays.

CONTEXTE

Le Hezbollah a échangé des tirs transfrontaliers avec les forces israéliennes presque quotidiennement depuis l'attaque du Hamas au sud d'Israël, le 7 octobre,ce qui a déclenché la guerre à Gaza,depuis déjà  huit mois.

Les tensions entre les forces israéliennes et le Hezbollah ont atteint un niveau critique avec des attaques de drones menées en profondeur dans le territoire libanais et le nord d'Israël.

Le général à la retraite Khaled Hamadé de l'armée libanaise a mis en garde contre une « escalade vers des violences plus graves dans le sud du Liban ».

Le Hezbollah insiste pour conditionner un cessez-le-feu dans le sud du Liban à la fin des hostilités dans la bande de Gaza.

Contrairement à la situation dans la bande de Gaza, aucune initiative n'est prise pour arrêter les affrontements entre Israël et le Hezbollah, selon Hamadé.

Dans un communiqué, le Hezbollah a revendiqué avoir visé la base logistique Tsnobar d'Israël dans le Golan avec 50 roquettes Katyusha en réponse à la frappe sur Najjarieh.

Selon les médias israéliens, des salves de roquettes ont visé des bases militaires à Katzrin et des zones au nord du lac de Tibériade.

Deux personnes ont été blessées dans des explosions de roquettes à Karam bin Zamra dans la Haute Galilée, ont ajouté les médias.

Les caméras de surveillance à Najjarieh ont capturé un drone israélien suivant un camion pick-up alors que le conducteur, nommé Hussein Khodor Mehdi, tentait de s’enfuir.

Le premier missile lancé par le drone a raté sa cible, mais un second a frappé le camion, le mettant en feu et tuant son conducteur. Trois passants ont également été blessés.

Le Hezbollah a déclaré que Mehdi, 62 ans, était un « martyr sur la route de Jérusalem ».

La radio de l'armée israélienne a affirmé que la victime était un commandant de haut rang dans l'armée de l'air du Hezbollah et que les chasseurs de l'armée avaient visé des infrastructures du Hezbollah à Najjarieh.

La deuxième frappe aérienne a touché une salle de congrès et une usine de ciment, blessant plusieurs membres d'une famille de réfugiés syriens. Deux enfants, Osama et Hani Al-Khaled, sont décédés des suites de leurs blessures.

Le Hezbollah a revendiqué avoir visé le site militaire d'Al-Raheb avec l'artillerie et les positions israéliennes à Al-Zaoura avec une salve de roquettes Katioucha.

Selon une source sécuritaire, les dernières cibles du Hezbollah comprenaient des ballons de surveillance près de Tibériade et à Adamit en Galilée.

Tôt vendredi, le Hezbollah a attaqué le nouveau quartier général du 411e Bataillon d'Artillerie au Kibboutz Jaatoun, à l'est de Nahariyya, à l’aide de drones en réponse à la mort de deux combattants du Hezbollah, Ali Fawzi Ayoub, 26 ans, et Mohammed Hassan Ali Fares, 34 ans, la veille.

Dans son sermon du vendredi, cheikh Mohammed Yazbek, chef du Conseil de la charia du Hezbollah, a déclaré que le groupe menait « sa guerre féroce dans le nord de la Palestine, pourchassant l'ennemi, aveuglant ses opérations d'espionnage et franchissant les lignes rouges, tout en traquant ses soldats dans leurs cachettes jusqu'à ce que la guerre à Gaza prenne fin ».

L'ambassade des États-Unis au Liban a lancé une mise en garde concernant le conflit à la frontière sud et la vacance présidentielle dans le pays.

L'élection d'un président est cruciale pour garantir la participation du Liban aux discussions régionales et aux futurs accords diplomatiques concernant sa frontière méridionale, a souligné l'ambassade.

Le Liban « a besoin et mérite un président capable d’unir la nation, de donner la priorité au bien-être de ses citoyens et de former une coalition large et inclusive pour restaurer la stabilité politique et mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires », a ajouté le communiqué.

Les ambassadeurs d'Égypte, de France, du Qatar, d'Arabie saoudite et des États-Unis au Liban ont publié cette semaine une déclaration mettant en garde contre « la situation critique à laquelle est confronté le peuple libanais et les répercussions difficiles à gérer sur l'économie et la stabilité sociale du Liban en raison du retard pris dans la mise en œuvre des réformes nécessaires ».