PARIS: Pour son premier déplacement en région depuis deux mois, Emmanuel Macron a choisi d'aller jeudi dans les Hautes-Alpes pour présenter un plan très attendu destiné à améliorer la gestion de l'eau, ressource menacée par les sécheresses et le réchauffement climatique.
Ce déplacement dans la commune montagnarde de Savines-le-Lac, sur le lac de Serre-Ponçon, intervient dans un contexte de crise politique et sociale autour de la réforme des retraites, mais aussi au sortir d'un hiver particulièrement sec, qui illustre les défis du réchauffement.
"Avec le changement climatique, le cycle de l'eau en France a connu d'importantes modifications au cours des dernières décennies", souligne l'Elysée citant divers épisodes de sécheresse comme en 2022, la diminution du niveau des nappes phréatiques et le changement du rythme des pluies.
"Ces changements affectent de nombreux secteurs comme l'agriculture, l'énergie, les loisirs ou l'industrie" et nécessitent de "tendre vers un système plus sobre, plus résilient et mieux concerté", souligne encore la présidence.
"Afin de répondre à ces défis, le chef de l'Etat proposera une série de mesures visant à redéfinir, en lien avec les élus et les collectivités territoriales, notre politique de gestion de l'eau pour l'adapter aux enjeux du changement climatique", ajoute-t-elle.
Le président sera accompagné par les ministres de la Transition écologique Christophe Béchu et de l'Agriculture Marc Fesneau.
Réduire les prélèvements
La présentation du "plan eau" avait été annoncée pour le 26 janvier et depuis maintes fois reportée.
Ce plan, dont le principe avait été lancé fin septembre après un été caniculaire et la seconde pire sécheresse des sols, aura pour premier objet de "préparer l'été prochain" qui "pourrait être difficile si la situation météorologique ne s'améliore pas", avec "une vigilance particulière sur la question de l'eau potable", et un deuxième qui visera à des "transformations en profondeur pour construire des infrastructures adaptées au changement climatique" à l'horizon 2030, a précisé l'Elysée lors d'un brief téléphonique.
Il doit présenter une cinquantaine de mesures censées réduire le gaspillage, éviter les conflits d'usage - en premier lieu avec les agriculteurs - et rationaliser une gouvernance encore jugée complexe et incohérente le mois dernier par la Cour des comptes. Il abordera notamment des questions relatives à la réutilisation des eaux usées, aux fuites mais aussi au prix de l'eau.
Dès le lancement des consultations cet automne, le gouvernement avait rappelé l'ambition fixée aux Assises de l'Eau en 2019: réduire "les prélèvements de 10% d'ici 2025 et 25% d'ici 2035", soit plus de 3 puis 8 milliards de mètres cubes d'eau douce d'économies à trouver.
"Ce plan va s'occuper de quantité - comment on fait avec moins" et "de qualité", avertissait lundi Christophe Béchu.
"Tous les secteurs - industrie, agriculture, tourisme et loisirs, collectivités, particuliers, etc. - seront mobilisés, car c'est bien l'ensemble des Français qu'il faut engager pour faire entrer notre politique de l'eau dans une nouvelle ère, celle du changement climatique (...) et donner le cap de la mobilisation pour faire face à ce nouveau défi à l'image de ce qui a été réussi sur l'énergie", a souligné l'Elysée.
A l'image de la sobriété en électricité, réclamée et obtenue cet hiver, un "Ecowatt" de l'eau pourrait-il encourager à réduire les usages domestiques ? Les Français consomment environ 148 litres par jour et par personne, soit le volume d'une baignoire, dont 40% pour l'hygiène corporelle et 20% pour la chasse d'eau, selon l'Ademe.
Tensions
Mais l'un des volets les plus scrutés du plan sera celui concernant l'agriculture, première consommatrice d'eau via l'irrigation (plus de 2 milliards de m3), certes pratiquée seulement sur 7% des surfaces cultivées mais le plus souvent en été, quand la ressource est rare.
"Il faudra de la concertation au niveau local" a insisté l'Elysée.
Cette présentation intervient au sortir d'un hiver particulièrement sec, avec un record de 32 jours sans pluie, qui n'a pas permis de reconstituer les nappes phréatiques, pour 80% en-dessous des normales au 1er mars.
Dans ce contexte, les tensions couvent sur les usages de l'eau, comme l'a illustré samedi la manifestation contre la "méga-bassine" agricole de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), marquée par une bataille rangée entre gendarmes et certains manifestants cagoulés.
Le chef de l'Etat effectuera aussi cette sortie dans un contexte de crise persistante autour de la réforme des retraites, avant une nouvelle journée de mobilisation le 6 avril.